Nationaliste Social et Ethniciste

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Crise ukrainienne: l'UE vaut-elle mieux que la Russie?

Il est de bon ton ces temps-ci de s’en prendre à la Russie et à son président Vladimir Poutine. Même les brillants intellectuels du syndicat enseignant « majoritaire » s’essaient à l’exercice comme je l’ai évoqué dernièrement [1]. Je ne suis pas un thuriféraire de M. Poutine. Il a certes redressé son pays après le trou noir de l’ère Elstine, il a mis au pas les oligarques, il a restauré une certaine confiance des Russes dans leur Etat. Mais Vladimir Poutine a un peu trop tendance à se considérer comme le chef naturel de la nation russe. Il paraît vouloir s’accrocher au pouvoir et le montant estimé de sa fortune laisse supposer qu’il est en réalité devenu le plus puissant des oligarques russes. Après tout, il vaut peut-être mieux que le plus puissant des oligarques soit président… Mais qu’adviendra-t-il quand Poutine aura quitté le pouvoir ? Ne risque-t-il pas d’être un obstacle à son successeur, puisqu’il a placé des hommes à lui un peu partout (et surtout dans les services de sécurité et de renseignement) ? Ces questions méritent d’être posées. Toutefois, et cela n’exclut nullement une critique raisonnée du « système Poutine », traiter le président russe de « tyran » ou d’ « autocrate » me semble très excessif. J’ignore tout du déroulement des élections russes, mais, à ma connaissance, on peut difficilement remettre en cause la légitimité démocratique de Vladimir Poutine. Fraude ou pas, je suis convaincu que Poutine a gagné les élections présidentielles auxquelles il s’est présenté, et j’en veux pour preuve que la communauté internationale n’a pas véritablement contesté les résultats d’une part, et d’autre part l’écrasante majorité des Russes a accepté ces mêmes résultats sans broncher. En outre, rappelons que l’opposition à Vladimir Poutine, pour active qu’elle soit, n’en est pas moins désunie, et en fait bien trop divisée entre libéraux pro-occidentaux et nationalistes de tout acabit (des nationaux-bolcheviks aux authentiques néo-nazis). Aux yeux de beaucoup de Russes, cette opposition n’est tout simplement pas crédible, et cela paraît justifié d’autant que les différentes formations prises individuellement ne séduisent guère les électeurs.

 

Surtout, ce que je considère comme étant inacceptable, c’est que les dirigeants de l’Union européenne ou de ses états membres osent donner des leçons de démocratie à la Russie alors même qu’ils viennent de cautionner un coup d’Etat en Ukraine. Je dis bien un coup d’Etat. Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch, pour lequel je n’ai aucune sympathie particulière, est en train d’être évincé du pouvoir dans des conditions qui devraient faire bondir n’importe quel démocrate digne de ce nom. Et entendre des gens comme Herman van Rompuy ou Catherine Ashton, non-élus, enseigner la démocratie à M. Ianoukovitch qui, lui, a affronté le suffrage universel à plusieurs reprises, ne manque pas de sel. Il prouve également, si besoin était, l’incommensurable arrogance des dirigeants du IV° Reich. Lorsqu’on écoute certains responsables, y compris notre propre ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, on a l’impression d’entendre des chefs nazis parler des Sudètes dans les années 30, comme si l’Ukraine était par nature destinée à rejoindre l’Union, comme si ce pays appartenait de droit au Saint Empire. Dénoncer l’ingérence russe dans les affaires ukrainiennes, soit. D’ailleurs, je l’ai fait [2] et de ce point de vue, il est difficile de m’accuser d’être un soutien aveugle de la politique russe en Ukraine. J’ai essayé d’expliquer, et je le répète, que l’Ukraine a une histoire complexe, une culture particulière mais avec de fortes différences régionales, et que ce pays n’est pas selon moi condamné à n’être qu’un satellite de la Sainte Russie pour les siècles des siècles. Toutefois, il me paraît difficile de demander à l’Ukraine de purement et simplement tourner le dos à la Russie. Les russophones constituent une minorité importante, et les russophiles sont plus nombreux encore. Même s’il existe une importante minorité gréco-catholique à l’ouest, la majorité des Ukrainiens est orthodoxe et historiquement liée au patriarcat de Moscou (bien que la situation de l’orthodoxie ukrainienne soit confuse aujourd’hui, je renvoie à mon article sur l’histoire du pays [2]). Kiev, la capitale, est une ville orthodoxe, l’un des berceaux de l’orthodoxie slave. C’est une grave erreur que de demander à l’Ukraine de choisir entre l’Occident et la Russie. L’Ukraine est un pays des marges, un espace de transition, un carrefour, et c’est là sa force pour l’avenir.

 

Les méthodes utilisées par l’UE et par ses alliés américains méritent d'être commentées. Il faut d’abord souligner l’implication de nos « amis » allemands dans cette affaire. Vitali Klitschko, ancien boxeur et principal leader de l’opposition ukrainienne, a longtemps vécu en Allemagne et serait proche des milieux politiques d’outre-Rhin. En tout cas, son parti Udar est lié par un partenariat avec la CDU allemande. Si Klitschko arrive au pouvoir, on sait déjà qui, des entreprises françaises ou des sociétés allemandes, remportera le gros lot en termes de contrats… Il serait bon que la classe politique française (du moins une partie d’entre elle) cesse de jouer en permanence ce rôle de supplétifs des intérêts teutons. Puisque les européistes antinationaux adorent évoquer les « heures sombres de notre histoire », je me permets de leur rappeler que la dernière fois que des Français ont servi de supplétifs à des Allemands contre les Russes, c’était dans les années 40, et cela s’appelait la LVF (Légion des Volontaires Français contre le bolchévisme). Le procédé n’est pas très élégant j’en conviens, mais comme lesdits européistes ne se privent pas de traiter de « fascistes » les eurosceptiques attachés à la souveraineté nationale, dont je suis, il me paraît juste de leur rendre la monnaie de leur pièce de temps à autre. Les liens de Klitschko avec la droite allemande expliquent sans doute la présence de l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle venu apporter son soutien aux manifestants anti-gouvernement à Kiev. La secrétaire d’Etat adjointe américaine Victoria Nuland lui a emboîté le pas avant de s’illustrer par une conversation téléphonique dans laquelle elle a exprimé sans ambages son opinion sur le rôle de l’UE dans les affaires ukrainiennes (« Fuck Europe » autrement dit « que l’Europe aille se faire foutre », la vulgarité anglo-saxonne a toujours quelque chose de surréaliste [3]). Cela étant, les intérêts de Berlin et de Washington ne diffèrent pas fondamentalement, en Ukraine comme dans les Balkans [4], d’ailleurs la CDU est un parti on ne peut plus atlantiste. Ce n’est pas un hasard si la République fédérale est un des pays de l’UE les plus empressés à conclure le fameux traité transatlantique dont j’aurais certainement l’occasion de reparler. Les dirigeants occidentaux ne manquent pas d’air de se présenter aujourd’hui comme des médiateurs, après avoir sciemment jeté de l’huile sur le feu pendant des semaines, en soutenant ouvertement les manifestants de Kiev tout en menaçant le président Ianoukovitch et son gouvernement ! Après avoir contraint le président ukrainien à l’inaction, on lui intime maintenant l’ordre de dégager, comme un malpropre.

 

Le problème est que Viktor Ianoukovitch n’est ni Kadhafi, ni Ben Ali. Viktor Ianoukovitch a été élu démocratiquement. Et de surcroît, il a fait preuve dans le passé d’un certain légalisme qui fait manifestement défaut à ses adversaires. Petit rappel : en 2004, Ianoukovitch remporte le second tour des élections présidentielles. Le scrutin est entaché de fraudes selon ses opposants qui se mobilisent et organisent alors la fameuse « Révolution orange », laquelle contraint les autorités à organiser un nouveau second tour. Viktor Iouchtchenko, alors chef de l’opposition pro-occidentale, l’emporte lors d’un scrutin tout autant entaché de fraudes que le précédent. Certes, Ianoukovitch peine à avaler la pilule, mais il n’appellera pas ses partisans à manifester en masse, il n’organisera pas cette guérilla que ses opposants mènent contre lui depuis le 21 novembre 2013. En mars 2006, le Parti des Régions de Ianoukovitch remporte les élections législatives à la loyale et le battu de 2004 prend sa revanche en devenant l’éphémère premier ministre de son rival. De 2007 à 2010, Ioulia Timochenko, étiquetée pro-occidentale, est premier ministre. Outre le fait que l’égérie de la Révolution orange ne s’entend plus avec le président Iouchtchenko, les résultats de la politique menée par les pro-occidentaux ne semblent pas avoir été brillants, puisque Ianoukovitch arrive nettement en tête au premier tour des élections présidentielles de 2010 avant d’emporter haut la main le second tour face à Timochenko. Cette dernière cherche à refaire le coup des « fraudes massives » mais la corde est usée, et les observateurs internationaux jugent le scrutin « honnête ». Rappelons également que Viktor Ianoukovitch, s’il veut maintenir des liens forts avec la Russie, n’est nullement un opposant à l’UE et s’est même prononcé dans les années 2000 pour l’intégration de l’Ukraine à l’Union. Il est possible qu’il ait changé d’avis depuis mais, lorsqu’on voit le bilan de l’UE, il est difficile de lui jeter la pierre. Il est en effet probable que Ianoukovitch est, à certains égards, plus lucide que ses opposants sur les « bienfaits » de l’UE… Enfin, on peut signaler qu’en 2012, le Parti des Régions est arrivé en tête lors des élections législatives. N’en déplaise aux européistes, Viktor Ianoukovitch a toute légitimité pour gouverner l’Ukraine. Par un vote, le Parlement ukrainien vient de décider la libération de Ioulia Timochenko, condamnée pour corruption. Dans aucun pays démocratique, les députés ne se substituent ainsi aux institutions judiciaires ! Et l’UE applaudit, et tout le monde trouve cela normal.

 

Dans ce contexte, la façon de faire de l’UE et des gouvernements occidentaux est inadmissible. La seule chose que l’Union aurait dû faire, c’est de demander aux manifestants d’attendre les prochaines élections présidentielles pour se faire entendre. Au lieu de cela, nous avons assisté à une opération d’ingérence sans précédent, dans un pays où le fonctionnement démocratique n’est peut-être pas exemplaire, mais où l’on est loin de la dictature tout de même. Pas plus que Poutine, Ianoukovitch n’est un « autocrate ». Il n’y a pas de parti unique en Ukraine, pas plus qu’en Russie. La « tyrannie » des présidents ukrainien et russe n’est rien d’autre qu’un fantasme de bienpensant obligé de se créer des méchants dictateurs pour s’indigner à bon marché. M. Fabius, et d’autres, ont brandi la menace de « sanctions » contre les « responsables du bain de sang » à Kiev. Mais qui est responsable ? Ianoukovitch seul ? Allons donc ! Les affrontements meurtriers doivent autant au président qu’à l’intransigeance des manifestants, qui n’ont au fond jamais accepté de transiger avec le pouvoir, lequel a pourtant déjà lâché du lest et accordé des concessions au cours des dernières semaines. Est-ce que les sanctions concernent aussi le meneur Klitschko et ses alliés ? Je parierais fort que non. J’ai entendu Laurent Fabius déclarer, devant le Parlement, qu’après de nouvelles élections en Ukraine, si une majorité pro-occidentale se dessine, la minorité pro-russe devra s’incliner. Etrangement, le scénario inverse n’était pas évoqué par notre ministre des Affaires étrangères… Alors que c’est précisément ce qui s’est passé en 2010 et en 2012 : les pro-occidentaux ont perdu les élections présidentielles et législatives. L’ont-ils accepté ? Apparemment non. Comment peut-on exiger de ses adversaires qu’ils respectent le verdict des urnes lorqu’on ne le respecte pas soi-même ? Laurent Fabius est un homme dangereux, prêt hier à lancer la France dans des opérations incertaines en Syrie aux côtés d’islamistes de la pire espèce, décidé aujourd’hui à faire destituer un président démocratiquement élu au profit d’un protégé de l’Allemagne et du sulfureux parti Svoboda (Liberté). Les Russes ont beau jeu de forcer le trait en déclarant que les manifestants sont pilotés par les « néo-nazis » de Svoboda [5]. L’identité politique et la filiation des nationalistes ukrainiens est un peu plus complexe (et pour tout dire confuse) que ce que veulent bien dire les Russes. Il n’en demeure pas moins vrai qu’en Ukraine occidentale, on rejoue parfois des batailles entre SS ukrainiens et soldats soviétiques, reconstitution toute à la gloire des premiers [6]… Une partie des manifestants ukrainiens ont quelques points communs avec les agités français du « Jour de Colère » qu’a dénoncé avec véhémence Manuel Valls et de nombreuses voix à gauche. A Paris, les « fachos » sont indésirables et on les vilipende, mais à Kiev, ils ont leur utilité semble-t-il et on les stipendie. Un ami me disait être impatient de voir Bernard-Henri Lévy défiler aux côtés des crânes rasés antisémites de l’Ouest ukrainien…

 

Résumons la situation. La Russie a fait pression sur l’Ukraine pour obtenir un accord commercial, au détriment des relations que l’Union européenne entend nouer avec Kiev. Dans cette affaire, Vladimir Poutine a eu une attitude contestable, et la Russie a paru défendre sa « chasse gardée » dans un réflexe dominateur qui a fait peu de cas de la souveraineté ukrainienne. Il ne faut pas laisser la Russie imposer sa loi à d’autres pays. Mais qu’a fait l’UE en retour ? Elle a soutenu ouvertement des manifestants (dont certains d’extrême droite) qui se sont livrés à des violences, elle a fait pression sur le gouvernement ukrainien pour qu’il fasse des concessions, elle a proféré des menaces et aujourd’hui, elle appuie rien de moins qu’un coup d’Etat. Pourquoi faudrait-il préférer l’ingérence et l’impérialisme de l’Union européenne à ceux de la Russie de Poutine ? J’invite les europhiles, eurobéats et européistes de toute sensibilité à réfléchir aux méthodes de notre Sainte Mère l’Europe. Pour moi, une chose est claire : je ne veux pas de cette Europe-là. Jamais.

 

[1] Cliquer ici pour accéder à l’article « Syndicalisme & travail dominical »

 

[2] Cliquer ici pour accéder à l’article « L’Ukraine, un état écartelé »

 

[3] http://www.huffingtonpost.fr/2014/02/06/victoria-nuland-ukraine-union-europeenne_n_4740136.html

 

[4] Cliquer ici pour accéder à l’article « Géopolitique française en Europe centrale et balkanique »

 

[5] http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/coup-d-etat-ingerence-occidentale-la-crise-ukrainienne-vue-de-moscou_1494082.html

 

[6] http://leplus.nouvelobs.com/contribution/980272-ukraine-j-ai-assiste-a-une-commemoration-d-une-division-ss-une-autre-realite-du-pays.html



22/02/2014
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