Nationaliste Social et Ethniciste

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Guerre sainte et violence chez les chrétiens et les musulmans (1)

Cet article en deux parties est consacré à une comparaison historique entre chrétiens et musulmans autour du concept de « guerre sainte » dont les deux religions ont usé, et plus généralement de la violence.

 

Violence et concept de guerre sainte chez les chrétiens avant les Croisades

Le concept de guerre sainte n'est apparu que tardivement chez les chrétiens. Pour une bonne raison : pendant plusieurs siècles, en fait avant la conversion de Constantin au IV° siècle, les chrétiens ne contrôlent aucun appareil militaire digne de ce nom. Le christianisme se développe alors dans le cadre de l'empire romain dirigé par des empereurs païens. Les relations avec le pouvoir impérial sont parfois houleuses, mais dans l'ensemble, et malgré quelques persécutions d'ailleurs assez brèves, les chrétiens sont tolérés dans le monde gréco-romain. Ne disposant d'aucune force militaire, étant par ailleurs hostile à l'empereur dont le pouvoir repose sur l'armée, la guerre sainte est totalement étrangère des préoccupations du christianisme dans les premiers siècles. On a plutôt affaire à une minorité dont la priorité est de pouvoir pratiquer sa religion. De plus, le royaume de Dieu n'étant pas de ce monde, l'idée de faire des conquêtes de conversion ne présente pas grand intérêt. Qui plus est, certains chrétiens pensaient que la fin du monde était imminente. Il fallait se préparer pour cela. Le christianisme des premiers siècles se répand donc de manière pacifique, grâce à (ou à cause) des prédicateurs comme Paul, le modèle du missionnaire en quelque sorte. La parole est la seule arme de ces chrétiens.

 

Est-ce à dire que le christianisme primitif ne connaît pas la violence ? Certes non. Rapidement, les conceptions théologiques chrétiennes mais contradictoires foisonnent, et la notion d' « hérésie », promise à un long avenir, fait son apparition. Les chrétiens commencent à s'affronter verbalement en se livrant des batailles intellectuelles acharnées. Il serait trop long de faire la liste des innombrables hérésies qui jalonnent l'essor du christianisme antique, mais beaucoup tournent autour de deux problèmes : l'identification du Dieu de l'Ancien Testament avec celui du Nouveau, et la nature du Christ et de la Trinité. Notons que les « hérétiques » n'ont hérité de ce titre aux yeux de la postérité que parce qu'ils ont perdu. Mais il s'en est parfois fallu de peu qu'un groupe d'hérétiques ne l'emporte (notamment les ariens, soutenus par plusieurs empereurs du IV° siècle comme Constance II, Valens ou Valentinien II). Certains des premiers chrétiens, lisant attentivement les deux Testaments, constatèrent (et je suis assez de leur avis) une divergence entre le Dieu de l'Ancien Testament et celui dont parle le Christ. En effet, le premier est violent, méfiant, vindicatif, autoritaire. Il intervient dans les guerres, punit les rois, abaissent les puissants. La justice n'est certes pas étrangère à ses préoccupations, mais il se montre souvent cruel lorsqu'il éprouve ses serviteurs ou qu'il châtie « son » peuple. Avec le Nouveau Testament, nous assistons à une métamorphose spectaculaire : Dieu n'est plus qu'amour, bonté, compassion et miséricorde. Il cesse brutalement de recourir à la force pour s'imposer, et laisse les hommes chercher en leur cœur le chemin qui mène à lui : une véritable révolution ! Ajoutons que le Dieu du Nouveau Testament est un Dieu absent : alors que Yahvé intervient souvent dans l'Ancien Testament, parfois directement en parlant à ses prophètes, il est quasiment muet dans le Nouveau Testament, s'effaçant devant Christ, son fils et intermédiaire, comme il s'efface devant Mohamed dans le Coran. Lorsque Jésus s'adresse à Dieu, il est intéressant de noter qu'il ne reçoit pas de réponse directe. De même, alors que les anges interviennent régulièrement dans les affaires terrestres dans l'Ancien Testament, ils sont quasi-absents dans le Nouveau, du moins du vivant de Jésus. La transformation de Dieu est tellement spectaculaire qu'on a peine à y croire. Certains des premiers chrétiens n'y crurent point, et considérèrent le Dieu de l'Ancien Testament comme une divinité mauvaise, criminelle, que le Dieu d'amour du Nouveau Testament devait supplanter. La thèse est séduisante mais se heurte à un obstacle : Jésus est juif, et c'est bien le Dieu d'Abraham et de Moïse qu'il invoque, jusqu'à preuve du contraire. Ensuite, la nature de Jésus a déchaîné les passions pendant des siècles : est-il homme ? Est-il dieu ? Est-il les deux ? Laquelle de ces deux natures l'emporte sur l'autre ? Ajoutez à cela des problèmes de traductions de l'araméen au grec, puis du grec au latin… de quoi s'étriper jusqu'à l'apocalypse ! Les différents groupes de chrétiens ne se firent jamais de cadeau entre eux : en Afrique romaine, catholiques et donatistes se livrèrent de véritables batailles, avec passages à tabac et meurtres, tout au long du IV° siècle. Il est très intéressant de noter que le christianisme acquiert très tôt une tradition de violence interne : la lutte contre les chrétiens récalcitrants est prioritaire par rapport à la lutte contre les non-chrétiens.

 

Cette violence interne se confirme avec les édits de Théodose de 391-392 proscrivant les cultes païens : la politique des empereurs du V° siècle vise presque exclusivement à détruire le paganisme dans l'empire, sans guère se soucier de le répandre à l'extérieur, par les armes ou par l'envoi de missionnaires. Des prédicateurs s'intéressent aux Barbares, mais l'initiative revient bien souvent à des évêques frontaliers, et non à une politique globale et cohérente de l'empire qui d'ailleurs tolère les païens germains ou huns dans ses armées. De même, l'hérésie arienne est admise chez les Barbares, mais pas chez les habitants de l'empire. On en arrive à ce paradoxe que des populations étrangères au monde romain (ne bénéficiant pas de la citoyenneté romaine) ont une plus grande liberté religieuse que les citoyens romains. Peut-on parler de « guerre sainte » lorsque Théodose marche contre les païens d'Occident Arbogast et Eugène en 394 ? Cela me paraît difficile : le Franc Arbogast fut auparavant le fidèle lieutenant de Théodose, et son paganisme ne l'empêcha pas d'accéder aux plus hautes fonctions, magister militum entre autres. Le récit de la bataille finale nous montre chaque camp invoquer son (ou ses) dieu(x) mais les anciens Grecs et les anciens Romains ne faisaient pas autrement. De la même façon, au VI° siècle, Justinien met beaucoup d'ardeur à pourchasser païens et hérétiques, ainsi qu'à réunifier l'empire, mais il ne se préoccupe pas ou peu de christianiser les régions extérieures. On peut arguer que l'empire se considère comme s'étendant de fait sur toute la surface du monde habité, il n'empêche que les Romains, puis les Byzantins, n'ont pas tenté, par exemple de mener une « guerre sainte » pour convertir les Perses à la foi chrétienne. De la même façon, Charlemagne fait la guerre aux Saxons moins pour des raisons religieuses que politiques : il s'agit de mettre fin au danger que représentent les raids des pillards saxons en territoire franc. La politique de christianisation (conversions forcées, création d'évêchés) doit plutôt se concevoir comme des mesures pour contrôler le territoire et ses habitants. De même, lorsque Charles Martel affronte les musulmans du côté de Poitiers, il ne mène pas une « guerre sainte » : il lutte contre une expédition de pillards et en profite pour s'immiscer dans les affaires de l'Aquitaine afin de ramener cette province indocile sous l'autorité du pouvoir franc.

 

Jusqu'aux Croisades, on peut affirmer que la théorie de la « guerre sainte » est étrangère au christianisme. Les missions d'évangélisation existent, mais elles sont le fait d'hommes sans armes, moines, clercs, qui partent pour les rudes contrées du nord ou de l'est… avec le risque de ne jamais revenir ! Lorsque Louis le Pieux parraine le baptême d'un roi danois, il s'agit de sceller une alliance, non de sanctionner la défaite du Nordique, tout comme lorsque son descendant Charles le Simple obtient le baptême de Rollon en 911. La conversion au christianisme est un gage d'intégration dans le monde franc plus que de soumission. Méditons brièvement sur l'expansion du christianisme jusqu'aux alentours de l'an 1000 : la guerre sainte n'y a pas sa part. Cyrille et Méthode, deux moines byzantins, jettent les bases de la christianisation des Slaves, pacifiquement. Peu avant l'an 1000, ce sont les souverains polonais et hongrois qui, de leur propre chef, font entrer leurs peuples dans la chrétienté, suite à des missions allemandes. De même, le prince de Kiev choisit de se convertir avec les siens. Cette christianisation des élites est pacifique, elle résulte sans doute de l'attrait pour la civilisation occidentale et/ou byzantine. En revanche, les élites n'imposent pas toujours le christianisme de manière non-violente. Sitôt devenu religion d'Etat, le christianisme fait preuve d'une singulière intolérance : le prince de Kiev brûle les temples païens, le roi de Norvège Olaf dit le Saint (!) massacre les récalcitrants sans l'ombre d'un remord. Tolérant et pacifique tant que le pouvoir ne s'est pas rallié à lui, le christianisme jette le masque dès qu'il est religion officielle : on ne s'embarrasse plus alors de beaux discours théologiques, on convertit par le fer et par le feu.

 

Cette violence interne se retrouve tout au long du Moyen Âge avec la persécution des juifs, des bogomiles, des cathares et autres hérésies. Les guerres de religion entre protestants et catholiques aux XVI° et XVII° siècles sont l'aboutissement de cette logique, qui va décliner à partir du XVIII° siècle avec l'apparition des idées des Lumières, acquises à la tolérance (au moins partielle) avant la sécularisation et la déchristianisation entamées au siècle suivant. En revanche, face à l'extérieur, face au monde musulman notamment, le monde chrétien fut longtemps d'une inertie remarquable. Les Byzantins se défendent seuls contre les armées arabes, de même que les Wisigoths d'Espagne. Aucune alliance chrétienne ne freine l'avancée musulmane aux VII° et VIII° siècles. La « guerre sainte » n'est pas proclamée dans un premier temps pour reconquérir l'Espagne, et l'idée de ramener l'Afrique du Nord dans l'obédience chrétienne n'a guère effleuré les Occidentaux. Jérusalem est tombée aux mains des musulmans dès le VII° siècle, et le premier appel à la Croisade date de 1095. L'idée de guerre sainte chez les chrétiens a donc cheminé très lentement. Mieux, pendant longtemps les puissants et les humbles d'Occident font leur pèlerinage en Terre sainte sans s'offusquer le moins du monde de la domination musulmane. Qu'est-ce qui alors provoque la naissance des Croisades à la fin du XI° siècle ?

 

Le djihad, la guerre sainte au cœur de l'islam

Au contraire, l'idée de guerre sainte, djihad en arabe, est intimement liée à la naissance de la religion islamique. Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur la vie et les convictions de Mohamed. Mon regard d'Occidental du XXI° siècle jaugerait le prophète à l'aune de valeurs qui n'avaient pas cours en son temps, ni en Arabie ni même dans l'Occident chrétien. Il est impossible, n'en déplaise aux intégristes des droits de l'homme, de lire et d'interpréter le passé à la lumière de nos valeurs modernes, car il nous faudrait alors tourner le dos à un riche passé. Les hommes d'autrefois avaient des valeurs différentes des nôtres mais il reste à prouver que ces dernières étaient plus méprisables que celles que nous professons de nos jours, et parfois jusqu'au fanatisme. Il est même probable que dans l'ensemble, c'est le XX° siècle qui remporte la palme du fanatisme avec le nazisme et le communisme, en attendant peut-être l'immigrationnisme et le droit-de-l'hommisme du XXI°. Je dis fraternellement à mes camarades islamophobes que certains arguments sont inutiles voire ridicules. Ce qui fonde mon islamophobie, c'est le comportement des musulmans d'aujourd'hui en France et dans le monde, pas les actes de leurs prédécesseurs du Moyen Âge. Mohamed a recouru à la violence dans un monde violent, celui d'une Arabie déchirée par les querelles tribales. Lui faire procès pour son usage de la force est dénué de sens : un Jésus, œuvrant dans une région pacifiée par la conquête romaine, n'avait aucune chance dans l'Arabie du VII° siècle. Toujours est-il que, hasard des circonstances à mon avis, Mohamed a constitué les premiers musulmans en une confrérie guerrière avec un objectif : prendre le contrôle de la Mecque, la ville sacrée d'Arabie sans laquelle l'islam n'avait aucune chance de s'imposer dans la région car, n'en déplaise aux musulmans, la Kaaba était déjà au cœur d'un sanctuaire païen où elle avait fonction de bétyle, pierre sacrée des divinités sémitiques, dont on connaît des exemples en Syrie. L'empereur romain Elagabal fit scandale au III° siècle en amenant son bétyle d'Emèse à Rome. Tout ce que l'on peut dire de Mohamed est qu'il fut un tacticien d'une habileté consommé et, nouant des alliances profitables ici, menant des combats victorieux là, il parvint à s'imposer. Ce guerrier est aussi l'unificateur et le pacificateur des populations d'Arabie, et de ce point de vue, c'est une brillante réussite historique. Après le triomphe de Mohamed, deux options s'offraient aux musulmans : la construction d'une « nation » musulmane, arabe, centrée sur la péninsule arabique à laquelle pouvait s'ajouter l'espace syro-mésopotamien déjà sémitisé, ou bien l'édification d'un empire à vocation universelle.

 

Profitant du dynamisme militaire des Arabes unis, les premiers califes choisirent la seconde option. Les circonstances les servirent. Les empires perses et byzantins étaient épuisés par des affrontements acharnés. Les chrétiens de Syrie et d'Egypte, jacobites et coptes, étaient en mauvais terme avec le pouvoir impérial, ce qui favorisait les idées sécessionnistes. Il est intéressant de noter que les haines entre chrétiens l'ont souvent emporté sur l'hostilité envers les non-chrétiens. Ce qui est vrai des coptes et des jacobites au VII° siècle l'est aussi pour certains orthodoxes de Constantinople au XV° lorsqu'ils criaient : « plutôt le turban que la mitre ! », signifiant que, pour eux, la domination ottomane valait mieux que l'union des Eglises catholique et orthodoxe. Rétrospectivement, on peut porter un jugement sévère sur ce comportement : les chrétiens sont minoritaires en Egypte, en Syrie, au Liban même, et leur sort n'est pas toujours enviable ; à Constantinople, ils forment une minorité insignifiante probablement condamnée à terme. La désunion des chrétiens a toujours servi l'expansion musulmane, des premiers califes jusqu'à l'époque ottomane. En moins d'un siècle, les Arabes créent un immense empire, couvrant une bonne partie du monde connu, depuis les déserts d'Asie centrale jusqu'à l'Atlantique. Lorsqu'il parvint à cet océan, on raconte que le général musulman descendit de cheval et trempa symboliquement son sabre dans l'eau, montrant par là qu'il avait accompli son vœu d'exporter la nouvelle religion jusqu'aux confins du monde. Surtout, les Arabes ont détruit l'empire perse, ce que les Romains ou les Byzantins n'avaient pas réussi, et ils se sont mesurés aux Chinois, ce qu'Alexandre le Grand n'avait pas fait. Seuls Constantinople et le royaume franc ont tenu le choc, encore que le second ait profité sans doute de son éloignement… et de la résistance byzantine. A partir de ce moment, et pour longtemps, le monde chrétien est sur la défensive, et de ce point de vue, les Croisades ne seront qu'une parenthèse au demeurant vite refermé. Le djihad a donc joué un rôle déterminant pour l'expansion de l'islam. Il est assez intéressant de noter que dès le début du VIII° siècle, le monde musulman atteint des dimensions qui sont pour une bonne part les siennes aujourd'hui encore, alors que le christianisme s'est répandu plus lentement. L'agressivité de l'islam lui a donc assuré une expansion spectaculaire.

 

Contrairement au christianisme, la violence de l'islam est tournée vers l'extérieur. Les musulmans ont conquis beaucoup de territoires en peu de temps. La conquête en elle-même est preuve de bénédiction, d'élection divine, les conversions forcées et massives sont inutiles. Tout vient à point à qui sait attendre. Pour les conversions, les musulmans n'ont pas nécessairement usé de violence. La victoire assura un prestige certain à la nouvelle religion. Surtout, les musulmans attaquèrent là où ça fait mal : le porte-monnaie. Chez l'homme, le contribuable l'emporte souvent sur l'homme de foi. En instaurant un impôt particulier pour les juifs et les chrétiens (dhimmis), les autorités surent rendre l'islam séduisant. Ajoutez à cela une politique de discrimination où les meilleures places étaient réservées aux musulmans, et il n'en faut pas plus pour expliquer le succès à long terme de l'islam. Mais cette discrimination s'accompagne de certains égards et même de respect : chrétiens et juifs conservent leurs lieux de culte, leur clergé, leurs biens et leurs terres. Leurs dignitaires ont l'oreille des autorités. Le patriarche nestorien de Bagdad entretient de bons rapports avec le calife. Mais ces égards ne doivent pas masquer l'inéluctable érosion des chrétientés orientales. Il est possible que jusqu'au XII° siècle, les chrétiens aient été majoritaires en Syrie, ou au moins dans certains secteurs. Et aujourd'hui, que reste-t-il de ces chrétiens ? Pas grand monde… Triomphant sur les champs de bataille, l'islam se serait avili en pratiquant les persécutions. Il se présentait comme l'aboutissement logique du monothéisme, son succès était inévitable. Certes, l'expansion marqua le pas, mais ce n'était que partie remise. Aucun danger extérieur réel. Il y eut bien ces tribus turques descendues des steppes d'Asie centrale mais elles furent promptement islamisées et formèrent un inépuisable réservoir de soldats aguerris. Le monde musulman put même se payer le luxe de divisions et de guerres intestines. C'est dans cet état de faiblesse que les musulmans imprudents, divisés et trop sûrs d'eux furent surpris par le réveil brutal de la chrétienté occidentale.

 

Lire la deuxième partie (sur les Croisades et leurs conséquences):

https://blog-nationaliste.blog4ever.com/blog/lire-article-286920-1951461-guerre_sainte_et_violence_chez_les_chretiens_et_le.html



06/10/2010
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