Nationaliste Social et Ethniciste

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Indépendance de la Catalogne: c'est non!

Les nationalistes et indépendantistes catalans ont organisé le 13 décembre 2009 un vote symbolique sur l'indépendance de leur province. Naturellement, le « oui » l'a emporté. Ce scrutin est inacceptable.

 

Une nation catalane ?

Il n'y a jamais eu de « nation » catalane, sauf dans l'esprit dérangé des nationalistes catalans. Mais la falsification de l'histoire est souvent la première étape d'une dérive politique inquiétante.

 

Un peu d'histoire : à la fin du VIII° siècle, Charlemagne franchit les Pyrénées pour porter le fer contre les Sarrasins mahométans, alors maîtres de l'Espagne. On ne peut pas dire que l'empereur ait remporté là ses plus beaux succès, indépendamment du sévère revers de Roncevaux dont les Basques seraient d'ailleurs les coupables. Malgré tout, le Carolingien parvient à arracher quelques territoires ibériques à la tutelle islamique. L'un de ces territoires constitue bientôt le comté de Barcelone, au bord de la Méditerranée. Pour les nationalistes catalans, ça y est ! Leur nation est constituée ! Sauf qu'un comté n'est pas une nation, et l'idée moderne de nation est étrangère aux conceptions médiévales. Mais il est rare que les indépendantistes et régionalistes de tout poil brillent par leur culture historique. De par sa position périphérique par rapport au royaume de Francie occidentale auquel elle appartient, la Catalogne devient bientôt quasi-indépendante, avec sa lignée de comtes et une culture originale, d'une certaine richesse, grâce aux contacts apparemment féconds de la brillante civilisation arabo-andalouse avec une culture latine redynamisée par la Renaissance carolingienne du IX° siècle. Je n'en veux point aux Catalans d'être attachés à leur région et à son passé. Je leur reproche de ne pas comprendre que ce passé n'est pas suffisant pour prétendre au titre de « nation ». L' « indépendance » de la Catalogne est en effet de courte durée : dès 1137, le comte de Barcelone Raymond-Bérenger IV, époux de Pétronille d'Aragon, réunit au profit de sa maison le royaume d'Aragon et le comté de Barcelone. Ce dernier constituera désormais un des territoires de la Couronne d'Aragon, qui en comptera d'autres plus tard (Montpellier, Majorque, Valence,…). Le fait que la Catalogne conserve un statut juridique particulier n'enlève rien au fait qu'elle est de facto intégré à un ensemble politique plus vaste. Et il faut ajouter que l'essor de la Catalogne s'explique précisément par son insertion dans une construction géopolitique plus grande, plus peuplée et plus forte. C'est parce que le roi d'Aragon fait de son royaume le plus puissant de Méditerranée occidentale en s'emparant de la Sicile (1282), de la Sardaigne (1326) et du royaume de Naples (milieu du XV° siècle) que les marchands catalans étendent leur trafic jusqu'à Constantinople ; c'est grâce à cette Couronne d'Aragon que le catalan est appris en Sardaigne. Sans la vitalité de cette véritable thalassocratie aragonaise, dont les Catalans sont les artisans avec d'autres, on ne s'explique pas la réussite de la Compagnie catalane en Grèce au début du XIV° siècle. Au terme d'une aventure épique, ces mercenaires s'emparent du duché d'Athènes, et l'on parle le catalan (entre autres) à Athènes en 1350 ! Or dans cette Couronne d'Aragon à la destinée si glorieuse, les Catalans ne sont pas seuls. Les Aragonais proprement dit ont leur propre dialecte, et certains parlent même le castillan.

 

Comme l'unité espagnole s'est bâtie sur le principe de l'union des royaumes ibériques (et non leur fusion, contrairement à la France où les comtés, duchés et seigneuries fusionnent à terme dans un domaine royal dont la structure administrative tend vers l'homogénéité), la Catalogne intègre l'Espagne unifiée en 1479, c'est-à-dire en même temps que les autres composantes, Castille, Léon, Galice, Aragon proprement dit, royaume de Valence (autre territoire de la Couronne d'Aragon). La Catalogne a donc suivi les destinées communes, sans véritable heurt. En effet, l'achèvement de l'unification espagnole s'est faite sans conquête violente entre royaumes chrétiens mais par le biais d'un événement somme toute heureux : un mariage. On en arrive pourtant à ce paradoxe que les Catalans, qui sont Espagnols depuis 1479, se sentent moins espagnols que les Bavarois ne se sentent allemands, alors même qu'ils ne sont juridiquement Allemands que depuis 1870 !

 

Mais il faut poursuivre notre brève exploration de l'histoire espagnole. Il faut bien reconnaître que la suite des événements ne fut guère favorable à la Catalogne : la découverte de l'Amérique se fit sous les auspices de la Castille, et les Castillans en tirèrent l'essentiel des bénéfices. Avec l'essor du commerce atlantique et l'exploitation de l'or et de l'argent des Amériques, la Catalogne perd sa prépondérance économique en Espagne. Malgré la victoire de Lépante en 1571, la Méditerranée est pour longtemps sous la coupe des Ottomans et de leurs vassaux barbaresques du Maghreb. Le XVI° et le XVII° siècles ne sont pas des périodes fastes pour la Catalogne. La révolte gronde, on élit même roi… un certain Louis XIII de France qui en profite pour affaiblir le Habsbourg qui règne à Madrid. Rétrospectivement, on peut se demander si Philippe II (1556-1598) n'a pas commis une erreur. En effet, ce roi avait une autorité, un prestige et un trésor suffisant pour accélérer la construction nationale espagnole, dont le centre ne pouvait qu'être la Castille, en tant que siège du pouvoir, plus important contributeur à la Reconquista et patrie des conquistadores. Or Philippe II s'est fait un scrupule de ne pas toucher aux statuts juridiques particuliers des différents territoires espagnols. Avec son argent et ses invincibles tercios, Philippe II ne devait pas craindre grand-chose. Le problème s'est fait sentir au siècle suivant : lorsque le favori de Philippe IV (1621-1665), le comte-duc d'Olivarès, a souhaité centraliser les territoires espagnols, il était trop tard : la Castille affaiblie, dépeuplée par l'émigration aux Amériques, les tercios mis en difficulté par un royaume de France en plein essor, l'Etat royal n'avait plus les moyens de s'imposer. Le prix à payer fut la cession de la Catalogne septentrionale, le Roussillon, au royaume de France en 1659. Le XVIII° siècle s'ouvre sur une guerre sanglante entre la nouvelle dynastie des Bourbons (qui veut imiter le modèle centralisé français) et la province rebelle : Barcelone est assiégée et capitule. Le sort de la Catalogne paraît alors scellé. Mais tout change au XIX° siècle : alors que l'invasion napoléonienne plonge l'Espagne dans une période de turbulences et de crises durant plus d'un siècle, alors que le royaume perd ses colonies d'Amérique, socle de la suprématie castillane, perdant du même coup son rang de grande puissance mondiale, la Catalogne redresse la tête. Plus que les autres régions d'Espagne, la Catalogne bénéficie de la révolution industrielle ce qui lui rend sa place de plus riche région ibérique. Et quand on a l'argent, les revendications politiques suivent souvent. Déjà, la République accorde à la Catalogne un statut d'autonomie dans les années 1930. De fait, la région sera un bastion républicain durant la guerre civile. S'ensuit la période de centralisme franquiste, avant que la nouvelle démocratie n'accorde à nouveau un statut d'autonomie mais les Catalans ne s'en contentent pas ! Ils visent l'indépendance désormais. Or quel est ce peuple catalan ? Il est pour une bonne partie… originaire des autres régions d'Espagne ! Comme de nombreuses régions industrielles, la Catalogne a fait appel à une main-d'œuvre « immigrée », mais dans son cas, il s'agit d'immigrés de l'intérieur, des Espagnols issus d'autres régions, plus pauvres, du pays.

 

La Catalogne n'a été que fort peu indépendante dans le passé, et nous lui dénions la qualité de « nation » qui va de pair avec une structure étatique. Les nationalistes catalans convoquent un passé falsifié : s'ils étaient honnêtes, ils devraient réclamer le rétablissement de la Couronne d'Aragon, et non l'indépendance de la Catalogne. Il est assez amusant de constater que c'est la région la plus brassée d'Espagne qui réclame son indépendance au nom d'une identité et d'un peuple se présentant comme historiques. Toute cette argumentation cache en fait une autre raison, moins honorable.

 

L'égoïsme d'une région riche

Voilà la véritable raison des menées sécessionnistes. La Catalogne fait partie de toutes ces régions d'Europe qui veulent profiter de leur richesse pour couper les liens, trop coûteux à leurs yeux, avec le reste de l'Etat-nation auquel elles sont intégrées. Flandres en Belgique, « Padanie » (Lombardie-Vénétie en fait) en Italie, Ecosse en Grande-Bretagne : partout la même aspiration, pour les mêmes raisons, « on ne veut plus payer pour les régions moins riches ! », ici la Wallonie, là le Mezzogiorno. La France est pour l'instant à l'abri car notre région la plus riche et la plus puissante est notre région-capitale : nous sommes donc tranquilles pour quelques temps. Mais ce qui se passe à nos frontières est inquiétant. D'autant que les régions rebelles font preuve d'une malhonnêteté intellectuelle remarquable : elle nous joue le petit couplet de l'Europe, de la solidarité et de la fraternité ! Quel toupet ! Mais, chers Catalans, si vous voulez être solidaires avec vos « frères » européens, pourquoi ne pas commencer à être solidaires avec les autres régions d'Espagne ?! Vous avez quand même quelques siècles d'histoire en commun avec elles, et puis elles vous ont fourni une part importante de la main-d'œuvre qui a permis votre actuelle prospérité. Vous savez, la même prospérité qui vous conduit aujourd'hui à réclamer l'indépendance en proclamant que vous ne devez rien à personne… Comment dit-on « gratitude » en catalan ?

 

En navigant sur internet pour préparer cet article, je tombe sur une information révélatrice : Joan Laporta, président du FC Barcelone, faisant part de ses convictions nationalistes et indépendantistes. Fatigué d'être champion d'Espagne ? Il est très significatif que le « oui » soit porté par ce personnage qui, plus que tout autre, incarne l'argent facile, le business, le bling-bling, la société de gaspillage. La Catalogne refuse d'aider l'Estrémadure et la Castille, mais à Barcelone on trouve des millions pour recruter des footballeurs dopés. Au passage, ceux qui croient que le foot (et le sport en général) n'est pas politique y réfléchiront… M. Laporta est bien le symbole de cette Catalogne opulente, insolente et égoïste, qui veut profiter de sa richesse au mépris de toute solidarité, nationale aujourd'hui, européenne demain. Même dans une Europe fédérale des régions, les tensions ne tarderaient pas à apparaître entre les « régions libres » et la technocratie européenne qui, en réalité, tend à la centralisation. Les Catalans qui ne veulent pas payer pour les Castillans, paieraient-ils demain pour les Wallons, les Calabrais ou les Epirotes ? Allons donc ! Cessez de nous prendre pour des idiots, messieurs les indépendantistes. Assez d'hypocrisie !

 

Un scrutin démocratique ?

Eh bien non. Les organisateurs du vote peuvent bien se vanter de respecter les procédures prévues par l'ONU, ce vote est une parodie de démocratie. Pour deux raisons.

La première est que, qui dit démocratie, dit peuple au sens politique (démos), autrement dit corps civique dépositaire de la souveraineté. Or les Catalans n'ont pas ce statut, ils ne sont pas dépositaires d'une souveraineté. Seul le peuple espagnol dans sa totalité peut revendiquer la pleine souveraineté. Donc il ne faut pas faire voter les seuls Catalans mais tous les Espagnols. Alors seulement le scrutin sera démocratique au sens strict.

La deuxième est apparu au détour d'un reportage d'Arte info (une fois de plus, je recommande les bulletins d'info de la chaîne du Saint Empire) où l'on apprend que le scrutin n'est pas organisé à Barcelone… les organisateurs craignant que le « oui » ne l'emporte pas ! C'est à mourir de rire. Nos apprentis démocrates se sont contentés de faire voter des bleds entièrement acquis à leur cause ! C'est ce qu'on appelle prendre des risques… Mais le gouvernement Zapatero paie là son erreur d'accorder le titre de « nation » à la Catalogne. Les socialistes espagnols devraient pourtant comprendre qu'il est paradoxal de refuser l'indépendance du Kosovo et d'accepter que la Catalogne se pare du titre de « nation ».

 

Indépendance de la Catalogne = danger pour la France

Une Catalogne indépendante, ce serait comme une Albanie sur notre flanc méridional, avec le Roussillon comme Kosovo potentiel, et la France dans le rôle de la Serbie. Or il ne fait pas bon tenir ce rôle là par les temps qui courent.

Si le peuple espagnol décidait majoritairement d'accorder l'indépendance à la Catalogne, nous devrions hélas nous incliner : un peuple souverain aurait parlé. Mais nous n'en sommes pas là. Gardons-nous de toute ingérence dans les affaires de nos voisins. Toutefois, les dirigeants espagnols devraient réfléchir à l'organisation de leur pays. L'idée de donner l'autonomie pour désarmer les indépendantistes a conduit à l'échec. Les exemples basque et catalan le prouvent. Les Espagnols doivent également s'interroger : si les identités basque ou catalane prospèrent, c'est peut-être dû à un malaise avec l'identité espagnole elle-même. Beaucoup de nationalistes espagnols se réclament encore de Franco. Peut-être devraient-ils quitter ce registre de la nostalgie pour entrer dans l'arène politique et défendre un projet d'unité de la nation espagnole, dans le respect des procédures démocratiques.

Si les nationalistes catalans tentaient d'arracher leur indépendance par la force, l'intérêt de la France serait d'intervenir militairement, aux côtés de l'Espagne, pour écraser cette révolte. Nous ne voulons pas de balkanisation à nos portes.



18/12/2009
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