Nationaliste Social et Ethniciste

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Le triomphe de l'Angleterre élisabéthaine

Ce titre s'impose après avoir vu Elisabeth : l'Âge d'or  (2007), production dans laquelle Cate Blanchett, artiste de talent, interprète la fameuse reine Elisabeth Tudor (1558-1603). Nous assistons à une  apologie en règle de la reine et de son peuple.

 

L'histoire

Il ne s'agit pas de retracer tout le règne d'Elisabeth fertile en événements (un premier volet de 1998 évoquait la jeunesse de la reine) mais, par un choix judicieux, le réalisateur s'est focalisé ici sur la période cruciale : la lutte contre la Grande Armada espagnole. C'est effectivement le moment le plus important du règne d'Elisabeth, le moment de vérité si l'on peut dire. Pour la souveraine et pour tout un pays. Que serait-il advenu de la Grande-Bretagne si les tercios espagnols avaient pu débarquer et vaincre la faible armée de terre du royaume d'Angleterre ? La fière Albion serait-elle devenue un protectorat ibérique ? Il est probable que le catholicisme aurait été réintroduit sans ménagement, quand on connaît la manière dont Philippe II éradiquait l'hérésie en ses royaumes. On peut même se demander si ce n'est pas le sort du monde qui s'est joué en cette fatidique année 1588. Vaincue sur mer, les Anglais auraient été incapables d'entamer le fantastique mouvement de colonisation qui allait les conduire à dominer la planète au XIX° siècle. Sans la victoire d'Elisabeth, point de Victoria. Sans la victoire d'Elisabeth, point de colonisation aux Amériques, ou du moins dans des conditions différentes. Les Etats-Unis auraient-ils vu le jour ? Le film pour l'essentiel montre comment la reine Elisabeth et ses conseillers ont géré la crise, ouverte par l'exécution de Marie Stuart, reine d'Ecosse et prétendante catholique au trône d'Angleterre (c'est d'ailleurs son fils, Jacques 1er Stuart qui succédera à Elisabeth en 1603, donnant ainsi son nom au drapeau britannique).

 

L'Angleterre élisabéthaine

L'intérêt du film réside en partie dans les nombreuses touches qui composent un tableau intéressant de cette Angleterre de la fin du XVI° siècle, Etat encore moyenâgeux par certains aspects mais sur lequel souffle un vent de nouveauté. Ainsi la remarquable scène où Sir Walter Raleigh (campé par l'excellent Clive Owen, remarquable dans Le Roi Arthur, film original et intéressant dont on reparlera) présente à la reine les trésors du Nouveau Monde (la patate en l'occurrence). Une révolution culturelle est en marche. La Grande Bretagne, cette île du bout du monde, ce rocher battu par les vents et les pluies, cette terre âpre, est en train d'apercevoir un glorieux destin par delà l'immensité des océans. Et l'Angleterre, jadis aux marges d'une Europe dont le foyer de rayonnement se trouvait être les rivages méditerranéens depuis l'Antiquité, sera le centre du monde à partir du XVIII° siècle (et notamment après sa victoire majeure lors de la Guerre de Sept ans en 1756-1763). Toute l'humeur aventureuse et la soif de liberté de cette nouvelle Angleterre sont fort bien résumées et incarnées par ce personnage de Walter Raleigh. On comprend mieux ce qui fait de l'Angleterre une des patries de la liberté : ce fut au commencement la liberté de ses marins partis tenter leur chance un peu partout, aux Amériques, avant de s'intéresser à l'Inde, à l'Australie et à l'Afrique.

La société anglaise est loin d'être unie en cette fin de XVI° siècle : le protestantisme ne s'est imposé que récemment, et l'anglicanisme, ce protestantisme à l'anglaise, a toujours été étrange, comme marqué par sa naissance, sur un coup de tête d'un roi volage, le terrible Henri VIII Tudor, le propre père d'Elisabeth. Seulement, Elisabeth n'était pas la première dans l'ordre de succession. Avant elle venait le jeune Edouard (1547-1553), fervent protestant mais mort jeune. Celle qui lui succéda fut la célèbre Marie Tudor, Bloody Mary, Marie la sanglante. Fille de Catherine d'Aragon, une Espagnole, elle-même catholique, Marie épousa son cousin Philippe II d'Espagne et persécuta les protestants. Lorsqu'elle mourut, Elisabeth monta sur le trône et rétablit l'anglicanisme. Mais les catholiques, appelés péjorativement « papistes », sont encore nombreux à la fin de XVI° siècle. Etrange anglicanisme, dont le faste du haut clergé rappelle celui du catholicisme et dont l'ardeur des prêcheurs populaires est toute réformée. Le film rend assez bien cette division religieuse jusqu'au sein des familles : ainsi la favorite d'Elisabeth a un cousin papiste, qui complote avec les jésuites à la solde du roi d'Espagne. Cette atmosphère de guerre de religion n'est pas si éloignée de celle qui règne alors en France, et qui voit les cousins se dresser les uns contre les autres jusque dans la famille royale. Tragiques querelles religieuses qui sèment le venin de la discorde dans les nations, les peuples, les familles.

 

La reine Elisabeth

Cate Blanchett est plus que convaincante dans son rôle. Elle campe une femme d'Etat, une reine hors du commun, et Elisabeth fut considérée comme telle de son vivant. Une femme d'esprit, également. Toute l'ambiguïté sur sa prétendue virginité est présente dans le film. Ce qui est un peu moins convaincant, c'est la fragilité excessive attribuée à la reine. On la voit déambuler nerveusement, les larmes aux yeux, en criant qu'elle veut arrêter l'exécution de Marie Stuart, alors en cours. Assez peu crédible à mon avis. De même, le film insiste un peu trop sur sa sentimentalité et son attirance pour le beau Walter Raleigh qui lui préfère son accorte favorite dont Elisabeth ressent vivement la trahison. Je dois dire qu'à un moment, les soucis de cœur l'emportent un peu trop sur les questions politiques et la raison d'Etat, alors même que la menace approche. C'est un léger défaut de cette production. Mais il y a pire.

 

Une Espagne caricaturale

Ce film est une apologie de la reine Elisabeth, bien qu'elle soit présentée dans toute son humanité avec ses faiblesses (peur, remord, jalousie). Mais ce procédé sert son image en réalité, face à un Philippe II (1556-1598) assez malmené, en tout cas présenté comme un être froid, fanatique et monstrueux. Le film, et c'est là son principal défaut, donne dans le manichéisme un peu puéril. Il y a vraiment les bons et les mauvais. Marie Stuart est antipathique, orgueilleuse et méprisante. Les Espagnols tout de noirs vêtus, austères et fiers, promènent leur morgue et leur fanatisme durant tout le film. En premier lieu, leur souverain, Philippe II, roi d'Espagne et de Portugal, maître des Pays-Bas, de la Franche-Comté (héritage bourguignon de Charles le Téméraire, arrière-arrière-grand-père de Philippe), du Milanais et de Naples, sans parler des immenses possessions d'Amérique. Philippe II est un grand roi, l'un des plus grands qu'ait eu l'Espagne assurément. Autant son père Charles Quint fut Européen, autant Philippe est tout Espagnol. Le bâtisseur de l'Escurial, le champion du catholicisme, le vainqueur du Grand Turc à Lépante en 1571, est bel et bien le roi le plus puissant du monde et possède « un empire sur lequel jamais le soleil ne se couche ». Or, il est ici réduit à un bigot fanatique qui s'en remet aveuglément à la Providence. Philippe II fut tout autre chose : le Louis XIV espagnol, rien de moins (enfin, chronologiquement, on devrait dire plutôt que Louis XIV fut le Philippe II français, l'Espagnol étant par ailleurs l'arrière-grand-père du Roi-soleil, fils d'Anne d'Autriche, elle-même fille de Philippe III, fils et successeur de Philippe II). Fervent catholique, Philippe II n'en fut pas moins un politique fin et subtil. Pour son attaque contre l'Angleterre, Philippe n'attendait pas un miracle : il avait engagé des moyens colossaux pour s'assurer la victoire, et ne laissait rien au hasard. Philippe II était un homme prudent, méfiant même, réfléchi au point de passer pour un indécis, un homme qui soupesait ses décisions, un peu trop parfois. La Grande Armada ne fut pas lancée sur un coup de tête, par pur fanatisme catholique. Philippe II a sans doute senti que l'Angleterre avait le potentiel d'une grande puissance maritime, d'une rivale, comme le rappelle l'ambassadeur espagnol qui, dans le film, se plaint des attaques anglaises contre les galions du Roi catholique. De plus, l'Angleterre soutenait les protestants des Pays-Bas, sujets rebelles de l'Espagne. Dans le film, Philippe II incarne l'obscurantisme et l'intolérance dans toute leur laideur, par opposition à une Elisabeth soucieuse d'harmonie (elle refuse de pourchasser ses sujets catholiques). Mais Philippe II a mené l'Espagne à son apogée, il a ouvert le Siècle d'or espagnol auquel succédera le Grand siècle français. On dit qu'il mena l'Espagne au déclin, mais on peut dire la même chose de Louis XIV pour la France : la défaite de la Grande Armada trouve son parallèle avec la cuisante défaite de la Hougue en 1692 et les difficultés de fin de règne du Roi-soleil. C'est quasiment le lot de tous les rois à la longévité exceptionnelle et à la personnalité remarquable : les problèmes viennent avec le temps, et les successeurs sont rarement à la hauteur. De ce point de vue, Philippe III (1598-1621) et Philippe IV (1621-1665) sont les équivalents de Louis XV (1715-1774) : malgré des qualités certaines, ces rois ont manqué d'énergie pour maintenir un héritage brillant sans doute, mais bien lourd à porter. Toujours est-il qu'on aurait aimé un Philippe II plus nuancé, et de même pour ses sujets : les Espagnols en pleine prière alors que la tempête se lève et que la bataille n'est pas finie, j'y crois assez peu…



25/11/2009
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