Nationaliste Social et Ethniciste

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Les grandes migrations du V° siècle

Les grandes migrations du V° siècle sont un événement majeur de l'histoire de la Gaule, et de l'Europe occidentale en général. Aujourd'hui, elles sont utilisées à des fins de propagande pour démontrer le bien-fondé, à toute époque, de l'immigration et de "l'ouverture à l'autre". C'est parfaitement ridicule. Il faut se méfier des comparaisons passé/présent. Et même si on s'y risque, le bel idéal de cohabitation harmonieuse risque fort de prendre du plomb dans l'aile... Il n'en reste pas moins qu'hormis l'attaque de 406, il convient de parler de migrations plutôt que d'invasions, dans la mesure où les Barbares s'installent avec l'accord (et parfois à la demande) des autorités romaines.

 

L'empire s'effondre

Au début des années 400, le chef de l'armée romaine, Stilichon, a retiré de nombreux régiments des Gaules pour défendre l'Italie du nord menacée par des armées de Goths. Aussi, la frontière rhénane se trouve dégarnie de troupes alors qu'une confédération de tribus errantes se rassemble sur la rive droite. Il s'agit des deux peuplades vandales, les Hasdings et les Silings, et des Suèves, trois groupes germaniques, auxquels s'ajoutent des Alains d'origine iranienne. Combien sont-ils? Difficile à dire. Il n'est pas déraisonnable d'estimer leur effectif à près de 150 000 à 200 000 âmes, dont 30 000 à 40 000 guerriers. En face, il ne reste que 5 500 soldats romains. A la fin de décembre 406, le Rhin est pris par les glaces. Les Barbares en profitent pour franchir le fleuve et pénétrer sur le territoire impérial dans le secteur de Worms et de Mayence. Les faibles garnisons romaines sont écrasées... ou contemplent, désemparées, cette marée humaine, à l'abri de leurs fortins. Les Francs alliés de Rome mettent les Vandales en difficulté avant de ployer sous les assauts des Alains. Les envahisseurs sont passés. Le nord de la Gaule est en proie aux dévastations: villages pillés, villes mises à sac, populations massacrées, réduites en esclavage ou... ralliées! Car ces groupes tribaux accueillent assez volontiers ceux (esclaves fugitifs ou paysans ruinés) qui veulent les rejoindre. Le flot destructeur franchit ensuite la Loire, exerce ses déprédations dans le sud de la Gaule, avant de passer les Pyrénées et de gagner l'Espagne à l'automne 409. Le départ de ces Barbares ne signifie pas la fin des problèmes: les Bagaudes, issus de la petite paysannerie ruinée par la rapacité des grands propriétaires et par les exigences fiscales, entretiennent l'insécurité un peu partout en Gaule, et surtout dans l'ouest. Burgondes et Alamans franchissent le Rhin à leur tour, tandis que les Saxons se livrent à la piraterie sur les côtes. Des régiments romains de Bretagne débarquent avec un général révolté à leur tête, pour ajouter à la confusion! Cependant, les généraux romains Constance (éphémère empereur sous le nom de Constance III) à partir de 411, puis Aetius, de 430 à sa mort en 454, rétablissent un semblant d'ordre. Constance installe les Wisigoths en Aquitaine avec le statut de fédérés (intégrés à l'appareil militaire romain tout en conservant leurs coutumes et leurs chefs traditionnels). Aetius fait de même avec les Burgondes et quelques groupes d'Alains restés en Gaule. Il contient les Francs puis rétablit l'alliance avec eux. En dépit de l'agressivité croissante des rois wisigoths, le système permet un relatif équilibre des forces, et un retour de la paix. Surtout, il permet à Aetius de tenir en échec Attila et ses Huns aux champs Catalauniques en 451. Mais après la mort du grand général, les Barbares sont de plus en plus insoumis. Les Wisigoths affirment leur indépendance, tandis que les derniers généraux romains, Aegidius et son fils Syagrius, ne contrôlent plus guère que le centre du bassin parisien. Avec la déposition du dernier empereur d'Occident en 476, le pouvoir impérial est transféré à Constantinople. Autant dire qu'il devient aussi lointain que nominal.

 

Les Germains orientaux

Ces groupes de Germains sont, pour une part, originaires de Scandinavie, région qu'ils quittent, semble-t-il, vers le I° siècle avant notre ère. Les Vandales, Wisigoths et Burgondes appartiennent à cette famille. Les premiers ne nous intéressent pas, car ils ne s'installent pas en Gaule. Les Wisigoths, quant à eux, viendraient de Suède (où les souverains, au Moyen Âge, sont qualifiés de "rois des Goths"). Ce serait cependant une erreur que d'imaginer les Wisigoths qui se fixent en Gaule en 416-418 comme des Scandinaves, très grands, tous blonds aux yeux bleus. Outre le fait que tous les Scandinaves ne répondent pas à ces canons anthropologiques, combien de Wisigoths du début du V° siècle sont vraiment d'origine scandinave? Très peu en réalité. Certains ont sans doute du sang nordique dans les veines, mais mêlés à combien d'autres sangs? Les Goths, au cours du périple qui les mène des côtes de la Baltique jusqu'aux actuelles Valachie et Transylvanie, ont intégré dans leurs rangs de très nombreux éléments non-scandinaves. Et après leur entrée sur le sol romain en 376, durant les longues années passées dans la péninsule balkanique et en Illyrie, les Wisigoths ont accueilli en leur sein moult transfuges romains, esclaves (dont certains peut-être d'origine gothique), paysans ruinés ou jeunes aventuriers en rupture de ban! Par conséquent, il n'est nullement inconcevable de soutenir que la majorité des Wisigoths n'ont que peu de sang germanique dans les veines et que beaucoup d'entre eux sont d'anciens Romains de Dacie, Mésie, Thrace ou Illyrie. Leur identité se fonde sur la langue (ce qui ne préjuge en rien de l'origine ethnique), la religion (une hérésie chrétienne, l'arianisme), la fonction guerrière et l'attachement à des mythes fondateurs (comme le voyage depuis la Scandinavie). Les Wisigoths, installés en Aquitaine, créent un royaume puissant avec Toulouse comme capitale. Le temps passant, ils sont de moins en moins respectueux des traités. Leur contribution décisive à la défaite d'Attila en 451, au cours de laquelle leur roi Théodoric 1er (418-451) est tué, élimine leurs derniers scrupules: désormais les rois wisigoths mènent une politique indépendante, attaquent et envahissent des cités gallo-romaines tout en dirigeant également leur expansion au-delà des Pyrénées. En 476, le roi Euric (466-484) contrôle d'une main de fer toutes les cités situées au sud de la Loire.

 

Autre groupe de Germains orientaux, les Burgondes se dirigent progressivement vers l'ouest depuis le Brandebourg où ils s'étaient implantés. Intégrant surtout des éléments germaniques sur leur passage, ils ont peut-être conservé un caractère ethnique "nordique" plus marqué. Après 406, les Burgondes se fixent dans la région de Worms sur le Rhin avant qu'Aetius ne les écrase et ne les déplace en Savoie en 443. Moins nombreux et moins agressifs que les Wisigoths, les Burgondes n'entament leur expansion qu'après la mort d'Aetius, et timidement. En 476, ils contrôlent les cités situées entre Alpes et Loire. Le fait que leur royauté soit à plusieurs reprises partagée les rend également moins dangereux. Leur arianisme est aussi moins "militant" (des membres de la famille royale sont catholiques, comme Clotilde, future épouse d'un certain Clovis...) que celui des Wisigoths.

 

Les Germains occidentaux

Il s'agit de peuplades que les Romains connaissent depuis longtemps puisque ce sont les tribus riveraines du Rhin auxquelles ils furent confrontés dès l'époque de César (guerre d'Arioviste). Ces groupes, régulièrement vaincus par les légions romaines, ont fourni une grande partie des lètes qu'on rencontre en Gaule. Epuisées par les guerres et les défaites, les petites tribus rhénanes, à partir du III° siècle, ont commencé à se rassembler en ligues, formant ainsi de nouveaux peuples: les Francs, les Alamans et les Saxons. Les Francs se sont constitués au sud des Pays-Bas. Au cours du IV° siècle, ils ont fourni de nombreux contingents aux Romains. Plusieurs généraux de haut rang (Arbogast, Merobaude, Bauto) sont d'origine franque. Progressivement, les Francs sont autorisés à s'installer dans la région de Tongres, puis dans les cités de Tournai et de Cambrai. Comme les Wisigoths et les Burgondes, les Francs ont le statut de fédérés et se montrent relativement fidèles. Il en va tout autrement des Alamans. Leur ligue tribale est née dans l'actuel Bade-Wurtemberg. Les Alamans fournissent aussi des contingents aux Romains et des lètes sans doute. Mais c'est sans le statut de fédérés qu'ils pénètrent dans l'empire après 406. Ils commencent alors la colonisation en règle de la future Alsace, ainsi arrachée à l'aire linguistique romane. Quant aux Saxons, ils vivent sur les côtes de la Mer du Nord. Lointains précurseurs des Vikings, ils lancent des expéditions de piraterie dans la Manche et jusque dans l'Atlantique. Ils tenteront ainsi de prendre pied sur la Loire, dans la région d'Angers. Leur implantation en Gaule reste peu importante. Leur grande réussite, la conquête de la (Grande-)Bretagne, associés aux Angles, est une autre histoire...

 

Les populations non-germaniques 

Deux groupes de Alains n'ont pas suivi les Vandales et les Suèves en Espagne en 409. Aetius les installe près d'Orléans et près de Valence dans les années 440. Les Alains viennent du Caucase, où les actuels Ossètes seraient leurs descendants. C'est un peuple de cavaliers réputés. Avec les Sarmates, ils semblent avoir introduit dans l'empire romain la cavalerie lourde des cataphractaires. Leur langue appartient au groupe iranien. Les Alains d'Orléans, dirigés par Goar puis Sangiban, sont turbulents mais servent malgré tout Aetius contre les Bagaudes de l'ouest et contre les Huns (bien qu'on les soupçonne d'avoir été tentés de s'allier à Attila). Les Taïfales, proches des Sarmates, peut-être d'origine iranienne également, sont venus avec les Wisigoths avec lesquels ils sont liés. Les Bretons doivent-ils être considérés comme les autres populations répertoriées jusque-là? C'est très discutable. Les Bretons s'installant en Gaule, c'est comme les Corses venant sur le continent (si j'ose la comparaison): les Bretons sont citoyens romains (on parle parfois de Britto-romains) et, de plus, leur origine celtique les rapproche des Gallo-romains. Les Bretons ont commencé à venir avant 406 et continuent après. Il est impossible de proposer un nombre. Il est clair cependant que leurs effectifs ne sont pas négligeables: en 469, Riothame commande 12 000 Bretons sur la Loire et combat les Wisigoths pour l'empereur (ils sont écrasés à Déols, dans le Berry). D'autre part, la Bretagne n'a pas seule bénéficié de ces apports. C'est là sans doute que les nouveaux venus ont été les plus nombreux et ainsi ils ont "receltisé" une partie de la contrée. Mais ailleurs, ils se sont naturellement fondus dans la masse de leurs concitoyens gallo-romains.

 

Bilan des migrations

Les gens, de nos jours, aiment les chiffres et les comparaisons douteuses. Sacrifions donc à la règle. Je propose une estimation de l'apport démographique barbare: cliquez ici. En additionnant les différents peuples, on arrive à un total d'environ 350 000 Barbares qui s'installent en Gaule au V° siècle. Ce chiffre en soi n'a aucun intérêt, il faut le rapporter au nombre d'habitants. L'indicateur le plus pertinent me semble être le nombre d'entrées sur le territoire pour 1 000 habitants. En moyenne, nous sommes à 3 500 "entrées" par an sur un siècle. A présent, ramené au nombre d'habitants de la Gaule (voir estimation dans l'article "Les Gaules vers 400"), nous obtenons 0,3 entrées pour 1 000 habitants si on opte pour l'estimation "haute" de 12 millions d'habitants, et 0,6 entrées/1 000 habitants si on se rabat sur l'hypothèse "basse" de 6 millions d'habitants. D'après les chiffres de l'OCDE, on enregistrait en France 0,9 entrées (légales) pour 1 000 habitants en 1995, 1,6 en 2000, 2,2 en 2005. Ce n'est pas le même ordre de grandeur! On me rétorquera (non sans raison): mais ces moyennes ne valent pas grand-chose! En effet, 100 000 Wisigoths arrivent d'un coup, en quelques semaines (mais beaucoup repartent après 507). Il n'empêche. Je ne suis pas convaincu que l'immigration que connaît la France depuis plus d'un siècle maintenant soit comparable, par l'ampleur, aux grandes migrations du V° siècle. Le résultat des migrations est une fragmentation durable de la Gaule, politiquement (naissances de plusieurs royaumes) et juridiquement (régime de la "personnalité des lois", chacun étant jugé selon le droit de son peuple; il y a une loi des Romains, une loi des Burgondes, une loi des Francs...).

 

Les conséquences culturelles sont mitigées: les Wisigoths ont préservé le caractère romain de l'Aquitaine et leurs rois ont tenu une cour brillante à Toulouse, où poètes et lettrés n'étaient point méprisés. Les Francs rhénans et les Alamans arrachent au contraire les régions de Cologne, Mayence, Trêves et l'Alsace à la romanité. Au nord de la Seine, la progression des Francs, qui viennent renforcer des populations létiques imparfaitement romanisées, engendre une germanisation totale (Flandres) ou partielle de ces régions (Wallonie, Picardie, Nord, Champagne) compensée cependant par la conversion au catholicisme romain et le bon accueil que les Francs réservent à la civilisation romaine. On peut également supposer le maintien d'importants noyaux de population autochtone parlant le latin. Il est clair que l'héritage culturel romain est mieux préservé au sud de la Loire (Auvergne, Aquitaine, Languedoc, Provence). S'il ne faut pas voir que les aspects négatifs de ces migrations, il est tout aussi ridicule de tomber dans le travers inverse. D'une exposition montrant la complexité des rapports entre Romains et Barbares au V° siècle, un imbécile de l'Education nationale écrivait dans le torchon de son syndicat "qu'on pouvait en conclure que l'immigration, l'accueil de l'autre, loin d'être un danger, est toujours une richesse". Les curiales d'Orléans assassinés par les Alains étaient-ils de cet avis? Et les Auvergnats attaqués par les Wisigoths? A l'évidence, ce serait une grave erreur que de sous-estimer les violences qui ont accompagné les migrations du V° siècle. Ou bien certains pensent-ils que les émeutes de banlieue et les coups de feu essuyés par la police sont des "incidents" sans gravité, comme le massacre perpétré dans telle ou telle contrée par les Barbares? Etrange raisonnement pour des gens qui prétendent défendre les Droits de l'Homme... Quant à la "richesse", hormis les quelques Gallo-romains déjà fortunés, je ne suis pas certain que la majorité de la population l'ait ressenti ainsi: guerres, insécurité endémique, massacres, dépeuplement, régression culturelle, déclin urbain, crise économique, tout cela, avec des nuances selon les régions, est aussi une réalité des grandes migrations.

 

Cessons une bonne fois pour toute la propagande de bas-étage qui consiste à utiliser le passé afin de montrer que la France est une "éternelle terre d'accueil" où "le métissage harmonieux a élu domicile", et ce dans le but de justifier une immigration de plus en plus envahissante et une "recomposition identitaire" qui n'est rien d'autre que la destruction de la nation française. Rappelons donc que: 1) la situation politique du V° siècle en Gaule (absence de nation unifiée et consciente d'elle-même) n'a rien de commun avec celle du XXI° siècle en France; 2) les grandes migrations ont sans doute eu, au final, une ampleur démographique bien moindre que les vagues migratoires qui touchent la France depuis la fin du XIX° siècle; 3) les peuples "barbares" étaient bien souvent plus proches ethniquement et culturellement des Gallo-romains (longs contacts mutuels, proximité géographique, origine commune) que les Maghrébins ou les Subsahariens ne le sont des Français natifs.

 

Bibliographie sommaire:

Lequin Y. (sous la direction de), Histoire des étrangers et de l'immigration en France, Larousse, 2006

Rouche M., Clovis, Fayard, 1996

Wolfram H., Histoire des Goths, Albin Michel, 1990 (1979 pour la 1ère édition allemande)



18/05/2009
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