Nationaliste Social et Ethniciste

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Qui sont les Gréco-catholiques?

Cet article inaugure la nouvelle catégorie consacrée au catholicisme. J'en profite pour signaler que la catégorie "République jacobine" ne sera plus alimentée, puisque j'ai rompu avec l'idéologie républicaine et patriote, même si les articles resteront en ligne car ils témoignent de mon cheminement au cours des années. Ce même souci de cohérence explique que la statue de la République qui figurait au fronton du blog a été remplacée par un tableau présentant Napoléon au soir d'Austerlitz, tout à la fois un rappel de la grandeur de notre nation et de l'inqualifiable lâcheté de nos dirigeants qui, en 2005, ont renoncé à commémorer cet événement comme il le méritait.

 

Avant de poursuivre, je me permets une digression sur mon rapport personnel à la religion catholique. Je suis né et j'ai grandi dans une famille de tradition catholique mais non pratiquante. Inscrit au catéchisme dans mon enfance, je confesse m'y être ennuyé et y avoir vu une corvée, malgré un réel intérêt pour l'histoire sainte... qui me faisait néanmoins préférer l'impie Achab et le païen Nabuchodonosor, aux pieux mais fades rois de Juda! J'ai fait ma communion, puis je n'ai plus voulu entendre parler de la religion pendant près de quinze ans. Mon retour vers le catholicisme s'est effectué en plusieurs étapes. Il y a un aspect personnel sur lequel je ne m'étendrais pas, suite à la perte de proches et à certaines épreuves de la vie. Il y a également la prise de conscience du champ de ruines au milieu duquel j'ai le sentiment de me trouver, la déliquescence des institutions, la crise de la transmission, la diabolisation de toute tradition (quand elle concerne l'homme blanc occidental, cela va sans dire). Notre société en est venue à rejeter toute transcendance, et c'est une erreur. Ecoeuré par le "progressisme" de plus en plus autoritaire qui, sous couvert d'émanciper l'être humain, détruit de manière systématique les piliers sur lesquels repose la société (Etat, Eglise, famille), soucieux de renouer avec la religion de mes ancêtres et de défendre nos racines chrétiennes, je me suis rapproché de l'Eglise. Dans ce monde de plus en plus instable et incertain, dans lequel un tweet ou une vidéo volée fait l'actualité, détruit des réputations (et parfois plus) et pousse à des réactions aussi violentes qu'éphémères, l'Eglise catholique, romaine et apostolique, m'est apparue comme un roc au milieu des tempêtes, défiant le nihilisme ambiant. Ma démarche a donc une dimension réactionnaire que j'assume. Certains seront sans doute tentés de me faire observer que l'Eglise est en crise, régulièrement éclaboussée par les affaires de pédophilie, soupçonnée d'affairisme, sans parler de la crise des vocations (en Europe, précisons-le) ou du fait qu'elle subit la pression grandissante des lobbies progressistes (homosexuels, féministes, antiracistes, etc). Je l'admets volontiers, l'édifice se fissure, il vacille parfois au plus fort du tumulte. Mais il a près de deux mille ans, et les temps sont durs, entre un anticatholicisme décomplexé et la montée en puissance des concurrents musulmans et évangélistes (voire écologistes antispécistes). L'Eglise est une organisation humaine, et nous savons tous que l'être humain est faillible. Même l'apôtre Pierre, le fidèle parmi les fidèles, renia Jésus par trois fois. Ma conviction est que l'héritage catholique, la culture catholique, la tradition catholique valent bien plus que les errements ou les crimes commis par certains prêtres et hauts dignitaires du Vatican. Enfin, je veux souligner que mon point de vue est celui d'un catholique qui n'a pas de connaissance particulière en théologie. 

 

Abordons maintenant le sujet de cet article: les Eglises gréco-catholiques. Le terme est utilisé officiellement mais il est trompeur, car les Gréco-catholiques, s'ils sont bien catholiques, ne sont, en réalité, presque jamais Grecs. Il serait plus pertinent de parler de "catholiques de rite byzantin". Le rite byzantin est traditionnellement celui des Eglises orthodoxes (parfois également appelées grecques-orthodoxes pour certaines d'entre elles). Les catholiques de rite byzantin sont historiquement issus de communautés orthodoxes dont une partie du clergé, à un moment donné, a choisi de reconnaître l'autorité du pape et d'entrer en communion avec Rome. De leurs racines orthodoxes, ces catholiques ont donc conservé le rite byzantin, c'est-à-dire l'usage de la langue grecque ou slavonne, une partie de la liturgie et de la discipline orthodoxe. Par exemple, un prêtre gréco-catholique peut être marié, il est donc faux d'affirmer que les prêtres catholiques sont tous célibataires. Le célibat concerne les prêtres catholiques de rite latin (qui constituent cependant l'immense majorité du clergé catholique). Les catholiques de rite byzantin représentent une petite minorité parmi les catholiques, et on les rencontre historiquement dans l'est de l'Europe et au Moyen Orient, évidemment dans des régions de présence orthodoxe. Ils font partie de ce qu'on appelle les "catholiques orientaux" mais parmi ces derniers, il n'y a pas que des Gréco-catholiques. Les Maronites du Liban ou les Chaldéens d'Irak sont des catholiques orientaux mais ils n'utilisent pas le rite byzantin. Malgré leur petit nombre, les Gréco-catholiques (et les catholiques orientaux en général) sont très importants, car ils donnent du sens au mot même de "catholique" qui vient justement du grec katholicos et qui signifie "universel", leur existence rappelle les relations tumultueuses entre orthodoxes et catholiques et la volonté de la papauté de ramener (de son point de vue) les orthodoxes sous son autorité; enfin, certains Gréco-catholiques maintiennent une présence symbolique importante au Levant, berceau du christianisme.

 

Catholiques et orthodoxes: l'impossible réconciliation

L'histoire des relations entre catholiques et orthodoxes remplit des dizaines d'ouvrage. Rappelons brièvement les données du problème: à la fin de l'Empire romain, le christianisme devient religion officielle et les cultes polythéistes sont proscrits par l'empereur Théodose à partir de 392. Après des débats violents et passionnés, une forme de christianisme s'impose, le christianisme nicéen, du nom du concile de Nicée qui s'est tenu en 325 en présence de Constantin, premier empereur chrétien. Cette Eglise nicéenne est à l'origine aussi bien de l'Eglise catholique que des Eglises orthodoxes. A partir du VI° siècle, l'expression "Pentarchie" est employée pour désigner l'Eglise dirigée par cinq grands patriarcats: Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. Mais les patriarches de Rome (celui que nous appelons le pape) et de Constantinople ne tardent pas à se disputer la primauté, d'autant que les conquêtes musulmanes font passer les trois autres patriarcats sous la domination des califes au début du Moyen Âge. Au fil des siècles, le fossé de la langue (le grec est de moins en moins maîtrisé en Occident tandis que le latin est abandonné en Orient après le VI° siècle), les rivalités politiques (entre Carolingiens et Byzantins par exemple) plus que les désaccords théologiques amènent une prise de distance progressive, ponctuée de crises, jusqu'au fameux schisme de 1054. Désormais, les Byzantins deviennent des "schismatiques" aux yeux des catholiques latins, et les papes n'auront de cesse de réunir à nouveau les deux Eglises sous leur autorité. Cette querelle est une des explications de la Croisade de 1204 qui, partie combattre les musulmans en Terre Sainte, se termine par la prise d'assaut de Constantinople et la mise en place d'un éphémère "Empire latin de Constantinople". Toutefois, si le pape Innocent III profite de cette expédition pour placer un patriarche latin à Constantinople, ce sont les Vénitiens qui ont détourné la Croisade, pour des raisons politiques et économiques plus que religieuses.

 

Le pillage de Constantinople par les Croisés catholiques (essentiellement des Français et des Italiens) suivi de la division de l'Empire byzantin en principautés féodales gouvernées par des seigneurs latins est un traumatisme pour les Byzantins orthodoxes. Huit siècles plus tard, cet épisode hante encore les relations, pourtant en voie d'apaisement, entre catholiques et orthodoxes. Le fossé, déjà profond, se creuse un peu plus. En 1261, les Byzantins reprennent Constantinople et un patriarche grec orthodoxe se réinstalle à Sainte-Sophie. Toutefois, les papes conservent leur objectif d' "Union des Eglises". Cette préoccupation rejoint de plus en plus celle des empereurs byzantins qui sont attachés à la tradition de leur Eglise "nationale" (serait-on tenté d'écrire) mais qui voient avec grande inquiétude se profiler le danger ottoman à partir du XIV° siècle. En 1438, l'empereur Jean VIII Paléologue, aux abois dans une capitale dont les Turcs font le blocus, se rend en Italie accompagné de très nombreux prélats orthodoxes. L'année suivante, il conclut l'Union en échange d'une promesse d'aide contre les Ottomans. Mais la population grecque rejette en masse l'Union. Le métropolite de Moscou, Isidore, qui a adhéré à l'Union, est désavoué par le prince de Moscou, et l'Eglise orthodoxe russe se sépare de Constantinople. L'empereur, isolé, ne peut faire proclamer officiellement l'Union. Jusqu'à la chute de Constantinople en 1453, la ville résonne des luttes entre partisans et opposants de l'Union. Mehmet II, en un sens, met tout le monde d'accord en transformant Sainte-Sophie en mosquée... Au demeurant, le patriarche orthodoxe de Constantinople n'est pas perdant, car il se débarrasse de la tutelle de l'empereur et obtient l'autorité religieuse sur tous les orthodoxes de l'Empire ottoman, y compris les Serbes et les Bulgares qui s'étaient émancipés dans les derniers siècles du Moyen Âge. Il ne sera plus question désormais d'une Union générale entre Eglise catholique et Eglise orthodoxe, cette dernière déjà divisée en deux grands patriarcats, Constantinople et Moscou.

 

L'Union de Brest (1596)

A la fin du XV° siècle, la majorité des orthodoxes sont donc sujets des sultans ottomans, ou habitent la lointaine Moscovie, alors considérée comme une contrée asiatique. Mais quelques états catholiques d'Europe centrale et orientale hébergent sur leurs territoires des minorités orthodoxes. C'est le cas de la République des Deux Nations qui réunit depuis 1569 en un seul Etat le Royaume de Pologne et le Grand-Duché de Lituanie (déjà associés sous le régime de l'union personnelle depuis 1386). Cet immense pays englobe à son apogée une grande partie de la Pologne actuelle, la Lituanie, la Biélorussie et une bonne part de l'Ukraine. Alors que les Polonais et les Lituaniens sont très majoritairement catholiques de rite latin, les Ruthènes (nom générique désignant les Slaves orientaux, car on ne parle pas à l'époque de Biélorusses et d'Ukrainiens, et on commence tout juste à employer le terme "Russe") sont orthodoxes de rite byzantin, depuis que Vladimir, prince de Kiev, a embrassé l'orthodoxie lors de son baptême en 988. Au XVI° siècle, la République des Deux Nations est un Etat relativement tolérant en matière religieuse, en comparaison des pays d'Europe occidentale. Il n'en demeure pas moins que la présence de nombreux orthodoxes est considérée comme un problème, et si on ne peut parler de persécution, il est clair que l'Eglise orthodoxe est traitée avec moins de bienveillance que sa concurrente catholique. Finalement, avec l'accord du pape, les autorités polono-lituaniennes obtiennent qu'une partie du clergé orthodoxe se place sous l'autorité de Rome. Le prix de ce ralliement est la possibilité pour cette nouvelle Eglise de conserver son rite byzantin, une partie de sa liturgie et de ses traditions. Mais la théologie catholique est adoptée, condition évidente de la pleine communion avec l'Eglise latine. Le texte scellant l'Union est signé en décembre 1596 à Brest (anciennement appelé Brest-Litovsk, aujourd'hui en Biélorussie, et aussi célèbre pour le traité de paix conclu en mars 1918 entre l'Empire allemand et la jeune Russie soviétique). Désormais cette Eglise catholique de rite byzantin, la première, sera qualifiée d' "uniate" car elle est unie à Rome. Son succès est assez mitigé et elle ne rencontre une réelle adhésion des populations qu'en Galicie, autour de la ville de Lviv, siège de l'archevêque primat. Il faut dire que la Biélorussie et le reste de l'Ukraine passent sous le contrôle de l'Empire russe orthodoxe à la fin du XVIII° siècle, alors que la Galicie intègre l'Empire d'Autriche catholique (jusqu'en 1918), ce qui a certainement favorisé la survie des Gréco-catholiques dans l'ouest ukrainien.

 

En 1945, la Galicie est définitivement annexée à l'Ukraine au sein de l'URSS (la région ayant été polonaise dans l'Entre-deux-guerres) et la situation se complique pour les Gréco-catholiques. L'Etat soviétique est très officiellement athée, mais, à tout prendre, préfère l'Eglise russe orthodoxe qu'il peut contrôler à l'Eglise catholique dont le chef est très actif dans le combat contre le communisme. Les Gréco-catholiques ukrainiens sont sommés de rejoindre l'Eglise orthodoxe, les biens de leur Eglise sont confisqués et attribués aux orthodoxes. La chute du communisme permet la renaissance de l'Eglise gréco-catholique ukrainienne, qui peine cependant à récupérer les biens confisqués en 1945. En 2005, le siège de l'Eglise est déplacé de Lviv à Kiev, et son primat porte désormais le titre d'Archevêque majeur de Kiev et de Galicie, ce qui provoque l'ire de certains orthodoxes, notamment le patriarcat de Moscou auquel est rattachée une partie des orthodoxes ukrainiens (1). Aujourd'hui, les Ukrainiens gréco-catholiques représentent un peu moins de 10 % de la population ukrainienne, entre 4 et 5 millions de fidèles. Ils sont majoritaires à Lviv et dans certains secteurs de Galicie mais très minoritaires à Kiev et dans le reste de l'Ukraine. La diaspora ukrainienne a amené l'implantation de cette Eglise principalement au Canada et aux Etats-Unis. Le site de l'Oeuvre d'Orient (2) donne le chiffre de 8 millions de Gréco-catholiques ukrainiens en comptant la diaspora.

 

L'Union d'Oujhorod (1646)

A la fin du XVI° siècle, la majorité des Ruthènes vivaient donc sur le territoire polono-lituanien, mais une petite population ruthène se trouvait également intégrée au Royaume de Hongrie, dans ses confins carpatiques. Durant le Moyen Âge, la Hongrie forme un vaste Etat débordant largement le cadre du pays moderne, qui occupe en plus la Slovaquie, la Transylvanie (aujourd'hui roumaine), la Voïvodine (serbe de nos jours), la Croatie, et la Ruthénie subcarpatique. Comme son voisin, la Hongrie héberge une importante population orthodoxe, des Ruthènes et surtout des Valaques (nom ancien désignant les roumanophones). En 1526 toutefois, la victoire ottomane de Mohàcs fait passer la plus grande partie de la Hongrie sous la domination turque. Ce qui reste du royaume hongrois (en gros la bordure nord-ouest de la Hongrie, l'actuelle Slovaquie et la Ruthénie subcarpatique) rejoint les domaines des Habsbourgs autrichiens. Depuis l'Union de Brest, les Ruthènes de Galicie sont en communion avec Rome, et les Ruthènes de Hongrie sont bien isolés. Aussi, en 1646, à Oujhorod (aujourd'hui située à l'extrémité occidentale de l'Ukraine), un certain nombre de prêtres orthodoxes ruthènes acceptent de se placer sous l'autorité du pape, fondant ainsi une deuxième Eglise gréco-catholique ruthène distincte de celle de Galicie, et sans autre lien avec cette dernière que la communion avec Rome. 

 

Les vicissitudes géopolitiques ont entraîné un éclatement de cette Eglise gréco-catholique. A la chute de l'Empire austro-hongrois, la Ruthénie subcarpatique est annexée par la toute nouvelle Tchécoslovaquie. En 1945, après une nouvelle séquence d'occupation hongroise, l'essentiel du territoire est cédé à l'Ukraine soviétique, mais certains Ruthènes demeurent en Hongrie et en Tchécoslovaquie. Ajoutons à cela une importante émigration des Ruthènes subcarpatiques vers les Etats-Unis au cours des XIX° et XX° siècles. L'Eglise gréco-catholique ruthène a donc donné naissance à plusieurs communautés. Citons d'abord l'Eglise catholique byzantine qui regroupe les Ruthènes gréco-catholiques installés aux Etats-Unis, et dont le primat est l' "Archevêque métropolitain de Pittsburgh des Byzantins". Cette communauté compte près de 100 000 fidèles, principalement en Pennsylvanie. Ensuite, il existe une Eglise gréco-catholique slovaque dirigée par l' "Archevêque métropolitain de Presov des Byzantins". Presov se trouve à l'est de la Slovaquie. Cette Eglise est également implantée au Canada. Elle regroupe plus de 200 000 fidèles. Dans son territoire d'origine, en Ruthénie subcarpatique aujourd'hui ukrainienne, survit une petite Eglise gréco-catholique ruthène (différente de sa "soeur" ukrainienne) autour de l'évêché de Moukatchevo, non loin de la frontière hongroise, qui compterait autour de 380 000 fidèles. Les Ruthènes de Hongrie sont eux rattachés à l'Eglise gréco-catholique hongroise et on trouve quelques Gréco-catholiques (d'origine ruthène?) en République tchèque. En additionnant les effectifs de ces communautés, on approche les 700 000 fidèles en ce début de XXI° siècle.  

 

Le synode d'Alba Iulia (1698)

A la fin du XVII° siècle, les Autrichiens marquent des points contre les Ottomans. Après avoir brisé le siège de Vienne en 1683, les Habsbourgs lancent une irrésistible contre-offensive et libèrent le territoire hongrois, y compris la Transylvanie où, à côté des Hongrois catholiques ou calvinistes, vivent de nombreux Valaques orthodoxes. Les Habsbourgs sont depuis le XVI° siècle les champions du catholicisme, en Espagne aussi bien qu'en Europe centrale. Comme en Galicie, comme en Ruthénie subcarpatique, une partie du clergé orthodoxe de Transylvanie se laisse tenter par l'Union, espérant également être mieux vu de ses nouveaux maîtres catholiques. Ajoutons que le roumain est une langue latine, ce qui facilite sans doute le rapprochement avec la papauté. Un synode se réunit à Alba Iulia en 1698 et accepte l'Union avec Rome, à peu près sous les mêmes conditions que les Galiciens et les Ruthènes (maintien du rite byzantin, de la langue liturgique, de l'ordination des hommes mariés). Ainsi naît l'Eglise grecque-catholique roumaine. Comme ses soeurs ukrainienne et ruthène, elle bénéficie de la relative bienveillance des Habsbourgs jusqu'en 1918. Pour cette Eglise, la période communiste est également une épreuve: comme en Ukraine, l'Eglise est interdite en 1948 et ses biens sont confiés à l'Eglise orthodoxe roumaine, que l'Etat communiste contrôle étroitement. La chute de Ceausescu et du régime communiste permet la renaissance de l'Eglise, qui peine cependant à récupérer ses lieux de cultes, les orthodoxes se montrant peu empressés de les restituer, malgré les promesses. Le chef de cette Eglise porte le titre d' "Archevêque majeur d'Alba Iulia et de Fagaras". Ces Gréco-catholiques sont environ 150 000 en Roumanie même où, fait notable, ils sont moins nombreux que les catholiques de rite latin (près de 900 000 fidèles), qui pour la plupart appartiennent à la minorité hongroise de Transylvanie. Le site de l'Oeuvre d'Orient indique un total de 700 000 Gréco-catholiques roumains en comptant la diaspora, ce qui paraît énorme alors qu'il n'y a qu'une éparchie (synonyme d'évêché dans les Eglises de rite byzantin) hors de Roumanie, à Canton dans l'Ohio (Etats-Unis).

 

Naissance de l'Eglise grecque-catholique melkite (1724)

Les chrétiens du Moyen Orient sont divisés entre de nombreuses Eglises, jadis rivales, mais à présent de plus en plus en butte à la montée d'un islam qui rejette violemment tout pluralisme confessionnel, ce qui alimente une forte émigration parmi ces communautés. La plupart de celles-ci existaient déjà au moment de la conquête arabe. Les chrétiens grecs-orthodoxes du patriarcat d'Antioche reçurent le nom arabe de "melkite", c'est-à-dire "ceux qui sont fidèles au roi", ce dernier étant l'empereur byzantin (dont le titre grec, basileus, signifie en effet roi). Bien que les Croisades aient favorisé les contacts entre catholiques latins et chrétiens orientaux, ce n'est qu'au XVIII° siècle que les Melkites se divisent en deux branches, l'une qui reste orthodoxe en communion avec le patriarche de Constantinople, l'autre qui s'unit à Rome, tout en gardant son rite byzantin et, de manière générale, son caractère oriental. Cette Eglise utilise le grec mais aussi l'arabe, car ses fidèles sont arabisés depuis des siècles. L'Eglise melkite est la seule Eglise gréco-catholique de rang patriarcal, son chef portant le titre un brin pompeux (et néanmoins abrégé!) de "Patriarche d'Alexandrie et de la terre d'Egypte, d'Antioche et de tout l'Orient, de Jérusalem et de toute la Palestine" (ce qui, précisons-le, n'empêche nullement l'existence d'un patriarche copte catholique en Egypte et d'un patriarche catholique latin de Jérusalem...). Toutefois, le prestige apparent de la titulature ne doit pas faire illusion: il n'y a quasiment plus de Melkites en Egypte et les communautés de Palestine et de Jordanie affichent des effectifs modestes. Précisons également que le patriarche melkite n'est que l'un des quatre patriarches d'Antioche, puisque les orthodoxes (qui ont abandonné semble-t-il le nom de "Melkites"), les Maronites et les Syriaques (communautés catholiques également mais pas de rite byzantin) ont aussi le leur! Comme ses homologues, le patriarche melkite réside à Damas en Syrie, Antioche étant à présent une ville turque et on le sait, la Turquie cherche à masquer le passé chrétien de son territoire (3). Il n'en demeure pas moins qu'avec près de 1,5 million de fidèles, l'Eglise melkite représente la deuxième Eglise gréco-catholique après celle d'Ukraine. En Orient, ses membres sont principalement présent au Liban (plus de 400 000 Melkites) et en Syrie (plus de 150 000 Melkites). Près de la moitié des Melkites vivent en dehors de leur région d'origine, surtout au Canada, au Brésil et en Europe occidentale.   

 

Conclusion

Il existe d'autres Eglises gréco-catholiques, en Croatie, en Albanie, en Biélorussie, en Bulgarie, en Macédoine, mais elles affichent en général des effectifs très faibles. Seule l'Eglise gréco-catholique hongroise, que je n'ai pas évoquée, a une réelle consistance avec plus de 200 000 fidèles. En tout état de cause, les Gréco-catholiques sont entre 10 et 15 millions dans le monde. Deux Eglises seulement dépassent le million de fidèles, l'Eglise ukrainienne et l'Eglise melkite. Les Eglises ruthène, slovaque et hongroise approchent à elles trois le million de fidèles (en comptant les communautés de la diaspora). L'Eglise catholique, désormais engagée dans un dialogue qui vise au rapprochement avec les Eglises orthodoxes, se garde bien d'encourager la naissance de nouvelles communautés catholiques de rite byzantin. Ces Eglises gréco-catholiques sont néanmoins importantes. Elles sont d'abord l'héritage d'une volonté séculaire de la papauté de ramener (ou d'amener si on prend le point de vue des intéressés) les orthodoxes sous sa tutelle. Elles sont également la preuve de l'universalité du catholicisme, qu'on confond trop souvent avec l'Eglise latine qui en est la composante principale. A ma connaissance, il n'y a pas d'Eglise orthodoxe de rite latin... Enfin, ces Eglises, si modestes soient-elles, participent à la richesse culturelle de l'Europe de l'est et du Levant, comme la présence des calvinistes en France. En Ukraine, les Gréco-catholiques apportent une spécificité à l'identité nationale, si proche de celle du voisin russe. Certains voient également dans ces communautés un pont entre catholiques et orthodoxes, mais je suis dubitatif car les Gréco-catholiques sont plutôt mal vus des Eglises orthodoxes qui les considèrent comme l'avant-garde d'une Eglise catholique conquérante, et en Ukraine comme en Roumanie, les Eglises gréco-catholiques peinent à récupérer les biens confisqués à l'époque communiste.

 

(1) La situation des orthodoxes en Ukraine est extrêmement complexe. Jusqu'à récemment, ils se partageaient en trois communautés, une rattachée au patriarcat de Moscou, les deux autres indépendantes mais non reconnues par les autres Eglises orthodoxes. En 2018, ces dernières fusionnent pour former une seule Eglise nationale opposée au patriarcat de Moscou (les relations entre Russie et Ukraine sont mauvaises depuis le début du conflit au Donbass). En 2019, le patriarche de Constantinople, qui reste une des grandes autorités de l'orthodoxie, accorde l'autocéphalie (autant dire l'indépendance) à cette jeune Eglise ukrainienne, ce qui entraîne la fureur du patriarche russe, et un froid dans les relations entre le patriarcat de Moscou et celui de Constantinople. Mais l'histoire ne s'arrête pas là: une des deux Eglises ayant fusionné en 2018 cherche depuis à reprendre son indépendance...

 

(2) L'Oeuvre d'Orient est une association française qui vient en aide aux catholiques orientaux. Son site propose notamment ce schéma qui permet de s'y retrouver un peu dans l'enchevêtrement des schismes et des unions qui marquent l'histoire tourmentée de la chrétienté orientale. 

 

(3) J'en veux pour preuve que, d'après un article de France 24, le président turc aurait déclaré en parlant de Sainte-Sophie récemment reconvertie en mosquée: "tu es à nous depuis toujours, et nous sommes à toi". Je passe sur le fait étrange pour un musulman d'appartenir à un lieu plutôt qu'à Dieu, mais surtout le "depuis toujours" relève de la mauvaise foi: la basilique Sainte-Sophie a été édifiée sur l'ordre de l'empereur chrétien Justinien en 532. Jusqu'en 1453, elle est affectée au culte chrétien orthodoxe (sauf l'intermède catholique de 1204-1261). Nous sommes en 2020, la basilique a donc 1488 ans. Depuis sa construction, elle a été une cathédrale chrétienne pendant 921 ans et une mosquée musulmane pendant seulement 481 ans (puisqu'elle fut un musée par la volonté d'Atatürk, de 1934 à 2020). Ajoutons que lorsque Sainte-Sophie sortit de terre, il n'y avait pas un seul musulman sur la surface de la Terre, car Mahomet n'était pas né, et pas un seul Turc en Anatolie. Qu'apprend-on dans les écoles turques?



26/07/2020
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