Nationaliste Social et Ethniciste

Nationaliste Social et Ethniciste

Réponse aux immigrationnistes

Cet article m'est inspiré par la récente intervention, sur l'antenne de France Info, de François Gemenne, un « spécialiste des flux migratoires », immigrationniste assumé, dont l'un des titres de gloire fut, paraît-il, de « moucher » Florian Philippot sur le plateau de Thierry Ardisson [1]. L'homme est un universitaire belge qui enseigne à l'université de Liège, à celle de Versailles et à Sciences Po Paris (ce qui est très, très étonnant...). Il se dit « proche des milieux écologistes et de la gauche quoique assez libéral sur les questions économiques » (ce qui est encore plus étonnant...). Il est favorable à l'ouverture des frontières et, vu la teneur de son intervention sur France Info qui contenait un vibrant plaidoyer pour une « vraie réponse européenne » au défi migratoire, M. Gemenne est probablement européiste. J'ai presque envie d'écrire que c'est l'archétype du bienpensant. Il ne manquait même pas le petit couplet sur « l'Allemagne qui, Elle, fait ce qu'il faut » puisque l'homme a salué l'attitude d'Angela Merkel, la jugeant « à la hauteur de la situation ». Rappelons que nos voisins d'Outre-Rhin s'apprêtent à accueillir pour 2015 entre 700 000 et 800 000 migrants si ma mémoire ne me trompe pas. Durant sa brève intervention (et dans l'article que je mets en lien), François Gemenne a énoncé ce que je nommerai les « poncifs immigrationnistes ». Je souhaite ici y répondre, et fournir ainsi à ceux qui partagent mes convictions des contre-arguments à opposer à tous ceux qui, comme M. Gemenne, nous rabâchent depuis des années que « l'immigration, c'est une chance pour la France ». Ces arguments ont le plus souvent déjà été énoncés sur ce blog, il s'agit donc en quelque sorte d'une synthèse. Pour les affiner, les interventions de lecteurs (en particulier immigrationnistes) sont évidemment les bienvenues.

 

1. L'immigration se voit parce que les média se focalisent sur cette question.

François Gemenne explique ainsi que l'immigration est un sujet, parce qu'on en fait un sujet, parce qu'on nous montre les bateaux de migrants en Méditerranée, les îles de Lampedusa ou de Cos submergées, les tensions à la frontière gréco-macédonienne ou à Calais. Il suffirait donc de ne pas en parler, et cette immigration ne se verrait plus... sauf évidemment pour les habitants de Lampedusa, de Cos, de Calais, etc. M. Gemenne se trompe. Le problème, justement, c'est qu'indépendamment de la médiatisation, l'immigration se voit : les Subsahariens, les Maghrébins, les Asiatiques, se reconnaissent dans la rue, désolé. Quand, dans un quartier, la plupart des commerces proposent des produits orientaux, africains ou asiatiques, ça se voit. Quand, dans un quartier, la moitié des femmes se promènent voilées, et la moitié des hommes sont en djellaba le vendredi, ça se voit. Quand une mosquée ou une pagode se construit, ça se voit aussi. Or, toutes ces transformations du paysage urbain, de la société, sont bel et bien des conséquences de l'immigration. On a le droit de trouver cela bien, estimer que vivre dans une société multiculturelle est souhaitable. Ce n'est pas mon cas, mais chacun son opinion. Toutefois on ne peut pas dire que « l'immigration ne se voit pas ». Et j'ajouterai qu'en tant qu'enseignant, je suis bien placé pour voir cette immigration et ses conséquences nuisibles provoquées par le fossé entre la culture française et les cultures immigrées (en particulier islamique). Sur des questions comme la liberté d'expression, par exemple...

 

2. L'immigration est un problème parce que le Front National en a fait un problème.

Comme dit le proverbe, « quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage ». Depuis la fondation du FN en 1972, la rhétorique anti-immigration n'a jamais cessé de faire partie de l'ADN idéologique du parti pourrait-on dire. J'aimerais que M. Gemenne nous explique pourquoi pendant une décennie le discours frontiste a fait un flop total, illustré par des résultats dérisoires aux élections. Et, comme par hasard, lorsque l'immigration a commencé à devenir visible (premières émeutes urbaines organisées par des « jeunes » en 1979 à Vaulx-en-Velin), le FN a entamé son ascension. Étrange, n'est-ce pas ? Par ailleurs, avant de devenir une coquille sèche sans idée ni projet, un autre parti s'est opposé à l'immigration : le Parti Communiste Français. Et c'est là que le bâts blesse : autant le rejet de l'immigration et la xénophobie sont au cœur de l'idéologie frontiste dès le début, autant cette rhétorique est étrangère aux fondements idéologiques du communisme. Alors, comment expliquer que Georges Marchais se soit alarmé et ait réclamé un arrêt de l'immigration (légale je précise) ? Et qu'on ne vienne pas nous dire que le PCF était à la remorque du FN dans les années 80 ! Cet argument ne tient pas. Il y a deux façons de considérer les choses. On peut, comme François Gemenne, prendre les gens pour des imbéciles en disant que les beaufs ont entendu Le Pen dénoncer l'immigration, alors ils se sont dits qu'il y avait un problème et ils sont devenus électeurs frontistes. Ou bien on considère les gens comme des êtres doués de raison, et on peut alors formuler l'hypothèse que c'est après avoir commencé à mesurer les méfaits de l'immigration qu'un certain nombre d'électeurs se sont progressivement tournés vers le vote FN. Et l'histoire électorale du FN plaide plutôt pour ce second scénario...

 

3. L'immigration est une nécessité démographique pour un continent vieillissant.

C'est vrai pour l'Allemagne, confrontée à un fort vieillissement de la population et à une relative pénurie de main-d’œuvre, ça l'est beaucoup moins pour la France. D'ailleurs, François Gemenne, lorsqu'il salue l'attitude d'Angela Merkel, se garde bien de rappeler que l'Allemagne n'a pas du tout le même profil démographique que la France... Ni le même taux de chômage, ni la même situation économique. Il semble échapper à M. Gemenne que la France est endettée, en crise, et connaît un chômage important. Je suis toujours très étonné que les immigrationnistes « oublient » ce détail. Mais, à bien y regarder, on s'aperçoit étrangement que les partisans de l'immigration se recrutent beaucoup chez les fonctionnaires, les cadres, les universitaires, les journalistes... et beaucoup moins chez les chômeurs et les ouvriers. Les immigrationnistes exercent en général des métiers bien rémunérés dans lesquels la concurrence avec les immigrés est très faible. Une coïncidence sans doute. Il faut arrêter de voir le monde musulman et l'Afrique subsaharienne comme des « réservoirs démographiques » pour les pays européens. Bien sûr, ces régions ont une démographie plus dynamique que la nôtre, bien sûr, on peut faire venir ces gens par millions. Mais il faut bien comprendre la conséquence à terme de cette politique, conséquence que l'on peut déjà observer : une arabisation, une africanisation, une islamisation (ou pour les plus optimistes une « américanisation communautariste ») de nos pays. En France, ce ne sont plus les Maghrébins et les Subsahariens qui s'européanisent, c'est bien la France qui s'arabise et qui s'africanise. Les partis les plus en pointe sur le multiculturalisme l'ont bien compris, et l'on commence à nous expliquer qu'il va falloir « faire une place » à la culture de ces gens, s'adapter à leur mode de vie, accepter leurs coutumes au nom de la tolérance et de l'ouverture à l'Autre. Il va falloir les respecter aussi, éviter de les offenser, de blesser leurs croyances, par exemple en dessinant un prophète... Eh oui, c'est à cela qu'on arrive. Encore une fois, on a le droit de trouver cela bien. Mais pas d'hypocrisie : le multiculturalisme ne sera certainement pas synonyme de liberté et d'harmonie. Ce sera, ça ne peut qu'être, le règne du politiquement correct, de la censure et du culte de l'offense. On en voit les ravages dans un pays comme les États-Unis, où pourtant le mot « liberté » a un sens plus fort que chez nous.

 

4. L'immigration est une nécessité économique.

Je le répète : c'est vrai pour l'Allemagne, beaucoup moins pour la France, où il n'y a pas de réelle pénurie de main-d’œuvre [2]. D'ailleurs, l'immigration économique en France est anecdotique : un peu plus de 16 000 titres de séjour sur environ 200 000 délivrés en 2012 d'après l'article que je citais précédemment, dont 2 000 ou 3 000 travailleurs qualifiés et 15 000 travailleurs peu qualifiés (ce qui ne peut pas faire un total de 16 379 ainsi que l'affirme l'article, comme quoi il n'y a pas qu'Eric Zemmour qui fait des approximations...). Précisons que nous parlons là d'immigration légale. Par conséquent, en 2012, la France a estimé avoir un très faible besoin en travailleurs immigrés légaux. De plus, l'affirmation de François Gemenne selon laquelle les migrants sont souvent plus qualifiés que le Français moyen est de toute évidence fausse, puisque les cinq sixièmes de ces migrants au titre du travail sont « peu qualifiés ». A noter que les journalistes se sont bien gardés de mettre le « spécialiste des flux migratoires » en face de ses contradictions. En fait, une bonne partie des immigrés dits qualifiés sont en réalité des étudiants qui viennent compléter leur formation en France mais qui, toujours selon l'article, « pour la plupart rentent chez eux ». Il y a fort à parier qu'une bonne partie des immigrés qualifiés se recrutent parmi les ressortissants des pays de l'Union européenne, et non parmi les Maghrébins et les Subsahariens. Or ces derniers forment quand même les gros bataillons des 90 000 immigrés au titre du fameux regroupement familial, soit environ la moitié de l'immigration légale pour l'année 2012. Ces immigrés-là ne viennent pas pour raisons économiques, du moins officiellement, mais une fois en France, ils se retrouvent sur le marché du travail. Et là, il y a de fortes chances qu'ils se retrouvent en concurrence avec des Français pour les emplois peu qualifiés... ou bien au chômage à profiter des allocations que la France leur verse avec une générosité quelque peu excessive.

 

Il faut dénoncer également un autre mythe sur l'apport économique de l'immigration. Je cite :

« il faut des gens pour remplir des trous dans le marché du travail, notamment dans la restauration et dans la construction, des secteurs qui s’effondreraient économiquement sans l’immigration. »

Eh bien non, désolé. Selon la loi de l'offre et de la demande, la pénurie de main-d’œuvre devrait conduire les employeurs à proposer des salaires plus élevés pour attirer des travailleurs dans leur secteur (ou bien à fermer boutique). Si une activité n'attire que des travailleurs immigrés, c'est que les salaires proposés sont trop faibles aux yeux des natifs. Je le redis : vu le niveau de chômage en France, et vu le profil démographique de notre pays, la France ne connaît pas (et ne connaîtra pas dans un avenir proche) de pénurie de main-d’œuvre. Il y a certes une inadéquation entre le marché du travail et les formations (ainsi que les aspirations) de nos jeunes. Il faut y remédier, mais pas en faisant appel à de la main-d’œuvre immigrée. Les travailleurs immigrés peu qualifiés ne contribuent que faiblement, avec leurs impôts et leur maigre consommation, au budget de l’État. Et si la richesse qu'ils génèrent sert essentiellement à entretenir d'autres immigrés ou enfants d'immigrés au chômage, il faudra qu'on m'explique quel est le bénéfice pour la France. L'idée selon laquelle l'immigration enrichit considérablement la France est très certainement fausse si l'on veut bien considérer les coûts annexes qu'elle entraîne : construction et entretien de logements sociaux, d'infrastructures, de services, créations de places dans les crèches et les écoles, prestations sociales diverses (en gardant à l'esprit deux choses : d'abord, le taux de chômage des immigrés extra-européens est quand même le double de celui des natifs, et cela est valable aussi pour les enfants et petits-enfants d'immigrés ; d'autre part, les familles nombreuses sont plus fréquentes chez les immigrés maghrébins et subsahariens). Je ne pousserai pas le mauvais esprit jusqu'à comptabiliser le coût des destructions de mobilier urbain, du vandalisme sur les transports publics, de la mobilisation des forces de police, et de l'argent (public) généreusement versé à toute une nébuleuse d'associations pour acheter la paix sociale dans les « quartiers ». Je note d'ailleurs que les services et subventions accordés à ces populations sont en partie financés par la suppression des services publics dans les campagnes peuplées de Français natifs généralement assez modestes... Ce qui invalide au passage l'argument selon lequel ces populations rurales n'ont aucune raison de voter FN puisqu'elles vivent loin des immigrés. Sauf que ces Français natifs sont pour une part « sacrifiés » pour payer les infrastructures, les associations et la rénovation des quartiers urbains cosmopolites. Comme quoi, on peut être en concurrence pour l'accès aux services publics, même avec des gens qu'on ne croise pas quotidiennement. Si l'on prend en compte tout cela, je doute que l'immigration (en particulier extra-européenne) enrichisse la France. Et si c'est le cas, le bénéfice est probablement assez faible, et surtout, il faut le comparer au coût social en terme de tensions ethniques et de dégradation du « vivre-ensemble ».

 

5. L'immigration a un faible impact, car le solde migratoire reste faible.

Ah, revoilà notre bon vieil argument du solde migratoire ! En 2011, nous dit François Gemenne, il y a eu en France 267 000 entrées mais le solde migratoire est seulement de 54 000 (autrement dit, il y a eu 213 000 départs). Pas d'inquiétude, donc, nous sommes loin d'une invasion. Mais, j'insiste sur ce point, qu'a déjà souligné la démographe Michèle Tribalat (qui depuis est naturellement accusée d'être à la solde du FN...), il ne faut pas regarder seulement le quantitatif, il convient aussi de s'intéresser au qualitatif. Autrement dit, qui part et qui arrive ? Il y a bien évidemment des immigrés qui repartent dans leur pays d'origine, d'autres qui vont tenter leur chance ailleurs. Mais globalement, il est plus que probable que la plupart des émigrés sont des natifs ou assimilés : nombre de cadres, ingénieurs, chercheurs, entrepreneurs quittent le pays pour des cieux économiquement plus accueillants, sans parler des « citoyens du monde » qui ont envie d'ailleurs ou des riches opprimés qui fuient la persécution fiscale. Le solde migratoire n'a pas de grande influence sur le nombre d'habitants de la France, mais il ne garantit pas l'absence d'impact de l'immigration sur la composition de la population : si, chaque année, 100 000 Subsahariens et Maghrébins arrivent pendant que 100 000 Français natifs et assimilés partent, il y a bel et bien une lente et progressive substitution de population. Surtout si immigrés et émigrés sont des jeunes en âge de fonder une famille.

 

6. Accueillir l'immigration est conforme à la tradition de la France depuis la Révolution.

C'est faux. A la fin du XVIII° siècle et jusqu'au milieu du XIX° siècle, la France est le pays le plus peuplé d'Europe, un pays « plein », très agricole, densément occupé et mis en valeur. Les immigrationnistes confondent la tradition d'asile politique (qui ne concernait pendant longtemps qu'une infime minorité de personnes, rien à voir avec l'exode syrien) avec l'accueil massif de migrants économiques et de réfugiés. La France n'a eu recours à l'immigration économique (et temporaire au début) qu'à la faveur de l'industrialisation, quand le manque de main-d’œuvre, lié à une natalité en berne, est devenu problématique. Il s'agit d'une immigration conjoncturelle, conséquence de l'expansion industrielle. Durant la crise des années 30, de nombreux Italiens et Polonais sont repartis. Il n'y a aucune « tradition d'accueil » propre à la France. Ni les philosophes des Lumières, ni les révolutionnaires français, ni même les pères fondateurs de la III° République n'ont pris la peine de penser l'immigration comme élément constitutif de la nation française, pour une bonne et simple raison : l'idée que la France devrait quoi que ce soit à l'immigration aurait certainement paru très incongrue à un Français du XVIII° ou du XIX° siècle. La soi-disant « dette » contractée par la France envers l'immigration est une lubie récente, née dans le contexte d'une entreprise intellectuelle de dénigrement systématique de la nation française et de son passé.

 

7. L'immigration favorise le développement des pays du Sud.

On cite parfois les chiffres impressionnants qu'atteignent les transferts d'argent opérés par les travailleurs immigrés vers les pays d'origine. Ces transferts sont cités en exemple des effets bénéfiques des migrations pour les états du Sud. Je suis pour ma part très sceptique. D'abord, une bonne partie de cet argent est utilisée pour la consommation (immobilier, acquisition du confort moderne), y compris une consommation qu'on pourrait qualifier de somptuaire (c'est-à-dire dont le but est de montrer la richesse et la réussite de sa famille, en vue de contracter un mariage par exemple), plutôt que dans l'investissement. Bien sûr, l'accroissement de la consommation permet un certain développement, mais limité. En effet, si l'argent envoyé par les migrants sert en priorité à acquérir des biens dont beaucoup sont importés, le bénéfice pour le pays est en réalité très faible. Un développement réel et durable ne peut provenir que de la construction et de l'amélioration d'un appareil productif. Or les migrants ne peuvent pas, à eux seuls, financer le développement de cet appareil productif : les routes, les chemins de fer, les universités, toutes les infrastructures doivent être aménagées par l’État. De la même façon, il appartient aux gouvernements d'assurer la sécurité des biens et des personnes ainsi que l'efficacité (et l'honnêteté) des administrations, car aucun investissement n'est intéressant dans un pays où règnent une corruption et une insécurité endémiques. Ensuite, je voudrais revenir sur les « travailleurs qualifiés » que nous procure l'immigration, à la grande joie de M. Gemenne. Pour un pays comme la France, former un travailleur hautement qualifié représente déjà un coût important et, à titre personnel, je suis toujours un peu triste d'apprendre que nos centraliens ou polytechniciens s'en vont mettre leurs talents au service des Américains par exemple. Bien sûr, je comprends leurs motivations individuelles lorsque ils ne trouvent pas en France un emploi et un salaire à la hauteur de leurs attentes, ou tout simplement des conditions de travail adéquates (la recherche scientifique, par exemple, réclame des sommes importantes). Mais pour la France, c'est une perte puisqu'on forme à nos frais des jeunes diplômés qui vont ensuite enrichir une autre économie que la nôtre. Pour un pays aux moyens modestes, comme le Ghana, former un médecin représente un investissement énorme. Quand je lis qu'une bonne partie des médecins ghanéens vont ensuite exercer en Amérique du Nord ou en Europe, je suis mal à l'aise. J'ai le sentiment que nous, pays développés, pillons les cerveaux de pays qui en ont terriblement besoin et qui, souvent, ont consenti de gros sacrifices pour former des cadres (de santé dans mon exemple). Je doute que cette attitude favorise le développement des pays du Sud.

 

8. L'immigration favorise la tolérance, la connaissance de l'autre, et fait reculer la xénophobie.

Je ne le crois pas un instant. En France d'abord, on peut observer une augmentation des comportements et des discours xénophobes au fur et à mesure que se développe l'immigration au tournant des XIX° et XX° siècles. Cette xénophobie s'enracine dans deux milieux distincts : le milieu ouvrier, où la concurrence avec le travailleur immigré est une réalité, que ce soit l'Italien dans les salines d'Aigues-Mortes ou le Belge, recours du patronat face aux grévistes dans les mines du Nord ; les milieux d'extrême-droite qui, à partir du début du XX° siècle avec Maurras et l'Action Française, théorisent le rejet de l'étranger (en particulier juif) perçu comme une menace pour la civilisation française. Il y a donc une xénophobie populaire, économique pourrait-on dire, et une xénophobie conservatrice, plus culturelle. Étrangement, ces xénophobies étaient quasiment inexistantes avant les premières vagues d'immigration de la seconde moitié du XIX° siècle. Elles s'effacent après la Seconde Guerre Mondiale pour renaître à la fin du XX° siècle lorsque la crise remet en concurrence travailleurs français et immigrés et lorsque, sous l'influence de l'idéologie antiraciste et multiculturelle, les immigrés deviennent visibles et commencent à implanter durablement leurs cultures exotiques dans le paysage français. Tout cela est évidemment une pure coïncidence. Si l'on regarde ce qui se passe dans un pays comme la Suède, modèle nordique de la société accueillante et tolérante, on s'aperçoit que l'accroissement de l'immigration finit par entraîner le développement d'un parti politique aux thèses xénophobes (les Démocrates Suédois, 12,86 % des voix et 49 députés aux législatives de 2014). Et la même chose s'observe au Danemark et aux Pays-Bas, autres pays longtemps réputés fort accueillants.

 

9. L'immigration, l'ouverture des frontières, la libre circulation des personnes, c'est « le sens de l'histoire ».

Alors ça, c'est l'argument qui tue, si je puis dire. Pourquoi ? Mais parce qu'il relève de la croyance, de l'irrationnel, et ne souffre aucune contestation. Il est surprenant et assez inquiétant qu'un universitaire recourt à ce type d'argument. Une discipline comme l'histoire exclut normalement la fatalité et le destin. L'histoire est ce qu'en font les hommes. Bien sûr, il y a des tendances, des mouvements, des évolutions, qu'on peut observer et analyser. Mais prédire le futur est un exercice très périlleux. On peut toujours essayer de définir des tendances générales, mais sous réserve que les évolutions en cours se poursuivent. Or il arrive qu'un processus s'arrête, voire s'inverse. Il arrive qu'une idéologie en remplace une autre. Qu'est-ce qui prédestinait la Russie tsariste de 1914 à devenir l'URSS dix ans plus tard ? Pas grand chose. Le « sens de l'histoire » à la fin du XIX° siècle semblait plutôt prédire le triomphe du mouvement ouvrier en Allemagne. De la même façon, le « sens de l'histoire » au XV° siècle semblait promettre la domination du monde à la Chine, dont les navires traversaient alors l'Océan Indien pour arriver aux côtes africaines. Et puis tout s'arrêta, et les obscurs peuples de l'Occident chrétien, tout juste sortis de la féodalité, se lancèrent hardiment à la conquête du monde. Dans les années 80, plus près de nous, le « sens de l'histoire » promettait au Japon la première place dans l'économie mondiale. Aujourd'hui, l'Empire du Soleil Levant est troisième, avec un modèle en crise et une démographie préoccupante... On nous annonce à présent un XXI° siècle chinois, et l'on est en train de découvrir que la Chine a d'immenses faiblesses économiques, sociales et géopolitiques. Beaucoup d'observateurs, avec une certaine légèreté, ont par exemple sous-estimé la capacité des États-Unis à penser leur domination mondiale et à se doter des outils (technologiques, économiques, militaires, mais aussi idéologiques) nécessaires à sa perpétuation. Un esprit rationnel doit se défier du « sens de l'histoire ». L'avenir que nous promet François Gemenne n'est qu'un futur possible parmi d'autres. De plus, je trouve cet argument du « sens de l'histoire » très anti-démocratique puisqu'il revient à éliminer les citoyens de la marche de l'histoire : en effet, il y a un mouvement, une évolution, inéluctables, et chacun doit l'accepter, l'accompagner au mieux, et est même prié de s'en réjouir. En gros, on ne peut rien changer, alors autant accepter la réalité avec le sourire. Que c'est commode... Pour ma part, je ne cesserai jamais de combattre cette vision téléologique de l'histoire qui condamne les peuples (enfin, surtout les peuples européens étrangement) à l'impuissance.

 

[1] http://rue89.nouvelobs.com/2013/11/05/a-soumis-les-idees-recues-limmigration-a-celui-a-mouche-fn-247211

 

[2] Je me permets de renvoyer à un échange que j'ai eu sur la question avec le blogueur Descartes, qui est plus versé en économie que moi :

http://descartes.over-blog.fr/2015/04/et-maintenant-une-page-de-publicite-meritee.html#comments

 

Il faut aller dans les commentaires, à peu près à la moitié de la page (commentaires des 26/04/2015 et 27/04/2015 entre Descartes et nationalistejacobin).



25/08/2015
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