Nationaliste Social et Ethniciste

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Tunisie: modérons notre enthousiasme

J’écris cet article d’abord pour reconnaître mon erreur, puisque dans l’article « Tunisie, Algérie : situation explosive », j’affirmais, bien imprudemment, que l’agitation tunisienne n’aurait sans doute pas raison du régime de Ben Ali. Et voilà que l’inamovible président a pris la poudre d’escampette vendredi 14 janvier ! Après avoir entendu ses interventions télévisées, j’avoue avoir pensé (comme lui-même a dû le penser) que les concessions calmeraient les Tunisiens. Erreur ! La contestation a finalement eu raison du dictateur. Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas la corruption et les menées mafieuses de la « famille » Ben Ali-Trabelsi plus que le caractère autoritaire du régime qui a finalement entraîné la chute du tout-puissant président. Le résultat spectaculaire obtenu par le peuple tunisien est d’abord le fruit de son courage. Car malgré les tirs à balle réelle et la brutalité policière, les Tunisiens sont descendus, chaque fois plus nombreux, dans la rue. La démocratie, le peuple tunisien la mérite, incontestablement. Mais l’aura-t-il ?

 

Qui connaît Ben Ali ?

Autour de la personnalité de l’ancien président, c’est un jeu de dupes assez lamentable qui vient de commencer. Il est vrai que je ne tiens pas en haute estime un dictateur qui s’enfuit. Fidèle à l’adage de Théodora en 532 : « la pourpre est un beau linceul », je pense qu’un tyran digne de ce nom doit résister jusqu’au bout avec panache, si nécessaire retranché dans son palais avec une poignée de fidèles dans l’attente angoissante de l’assaut final. Quitte à se suicider pour ne pas tomber aux mains de ses ennemis. Mais les dictateurs ne sont plus ce qu’ils étaient. Même un Saddam Hussein avait un peu plus de cran. Ben Ali serait à présent en Arabie Saoudite, ce qui est une humiliation pour un homme qui a combattu impitoyablement les intégristes. Les princes saoudiens doivent jubiler.

 

Pourquoi cette destination ? Parce que la France a « lâché » Ben Ali avec un manque de courage et de dignité assez impressionnant. La France ne connaît plus Ben Ali. Voilà un homme que nous avons reçu pendant plus de 20 ans, nous lui avons serré la main, nous l’avons traité en ami, trop heureux de pouvoir faire profiter nos entreprises du petit « miracle » économique tunisien dont il est tout de même le père, et nous lui refusons l’asile ! Qu’il ait été nécessaire que Ben Ali quitte le pouvoir, je ne le nie pas, mais eu égard au passé, la France aurait dû l’accueillir. Pourquoi cette lâcheté et cette ingratitude ? Pour éviter des émeutes de la jeunesse maghrébine en France ? Elle trouvera d’autres prétextes. Pour ne pas offenser le peuple tunisien et essayer de faire oublier nos années de complicité cordiale avec Ben Ali ? C’est peine perdue. On nous le reproche déjà et on nous le reprochera pendant des décennies puisqu’on nous accuse encore pour l’esclavage et la colonisation. Il paraîtrait que ce refus est motivé par des « risques de troubles à l’ordre public » : les nombreux Tunisiens vivant en France (près de 600 000 en 2009) ne voudraient pas laisser le dictateur déchu en paix. Ai-je bien entendu ? Dois-je comprendre que ce sont les Tunisiens qui font la loi en France ? Dois-je comprendre que ceux-là même qui sifflent la Marseillaise(1) sont en mesure de diriger la politique étrangère de la France ? Cette nouvelle humiliation imposée à notre patrie, comme les autres, ne restera pas éternellement impunie. Que les Tunisiens le sachent.

 

Vendredi soir, au journal de 20h de France 2, le procès de notre pays a déjà commencé. A un moment, on a même pu se demander si les malheurs de la Tunisie, ce n’était pas « presque » de notre faute. Et le discours pseudo-humaniste habituel : pourquoi la France a-t-elle soutenu Ben Ali ? Comment la patrie des droits de l’homme a-t-elle pu s’entendre avec un régime autoritaire et corrompu ? Et ainsi de suite, on connaît la litanie. La France a été pragmatique. Elle a considéré (et j’approuve cette considération) que le régime de Ben Ali était un moindre mal. Un régime plutôt laïcisant, ennemi des islamistes qui représentent la menace majeure dans le monde arabe, et dans le nôtre puisque des millions de musulmans (et d’Arabes en particulier) se sont implantés dans différents pays d’Europe. Un régime qui a fait de son pays un état stable (quand l’Algérie sombrait dans la guerre civile) et qui lui a assuré un certain développement économique. Ben Ali n’a pas été raisonnable : il avait promis de limiter les mandats présidentiels à trois, et s’il l’avait fait, il serait un héros national, une autorité morale dans son pays. Mais il a voulu s’accrocher au pouvoir, et le voilà errant et sans appui, condamné à finir ses jours loin de son pays.

 

Bertrand Delanoë non plus ne connait plus Ben Ali. Nous avons pu mesurer à cette occasion le courage du maire de Paris (né en Tunisie), un des porte-parole de la gauche caviar made in Sciences Po, le modèle du bobo parisien, écolo, ouvert et tolérant (du moins officiellement). Le journaliste dit a maire de Paris : « Vous avez bien connu le président Ben Ali ? ». M. Delanoë s’est empressé de répondre qu’il ne l’avait pas vu depuis longtemps. Et pourquoi ? A cause de ses liens avec les défenseurs des droits de l’homme, bien sûr ! Bertrand Delanoë aurait pu dire : « Oui, j’ai connu le président Ben Ali. Et j’ai entretenu des rapports cordiaux avec lui. Mais il est vrai que j’ai désapprouvé l’orientation de son régime ces dernières années, et ses choix politiques nous ont éloignés. » Non, le maire de Paris, soucieux de son image, souligne avec insistance ces liens forts avec les défenseurs tunisiens des droits de l’homme. Et d’ajouter, dans un élan de modestie dont la gauche compassionnelle est coutumière, qu’il voulait manifester son soutien au peuple tunisien bien avant, mais que ses amis tunisiens l’en avaient dissuadé. Ah bon ? C’est d’une crédibilité…

Les charognards viennent à la curée. Barack Obama s’est félicité de la chute de la bête immonde. Le clan Ben Ali-Trabelsi va perdre son emprise sur l’économie du pays. La France complice du dictateur risque d’amorcer un recul, elle aussi. Les investisseurs américains, allemands et chinois doivent se frotter les mains : à eux le marché tunisien ! A mon avis, dans quelques années, les Tunisiens vont déchanter. Ben Ali et sa femme contrôlaient l’économie du pays, mais au moins ils étaient tunisiens. Quand les grandes firmes américaines ou chinoises vont installer leur domination sur l’économie tunisienne, le peuple devra se préparer à des lendemains difficiles…

 

Et maintenant ?

Le pays est au bord du chaos. Souhaitons que la transition démocratique ait lieu, et qu’elle se passe dans le calme. Et ensuite ? Rien n’est réglé. La crise économique n’est pas du fait de Ben Ali, et elle va perdurer. Les nouveaux dirigeants, même démocratiquement élus, vont rencontrer des difficultés. Ils vont décevoir, forcément. Jusqu’au jour où le FMI « volera au secours » de la Tunisie, avec sa méthode bien connue : moins de fonctionnaires, moins de prestations sociales, toujours plus de sacrifices. Je souhaite bien du plaisir au peuple tunisien. Et je ne serais pas surpris d’entendre certains murmurer dans quelques années : « A quoi sert la liberté si on n’a pas de pain ? ».

Les problèmes économiques ne sont pas le seul danger qui guette. Les islamistes persécutés par le régime doivent se réjouir. Attention à ces gens-là. Sur fond de crise économique et de frustration sociale, ils prospèrent et leur discours séduit. La cause de tous les malheurs ? L’impiété des croyants, évidemment. Il faut que les femmes se voilent, que les préceptes du Coran soient respectés à la lettre, et les choses iront mieux. Leur solution, le retour aux fondamentaux de l’islam, est une régression. L’expérience montre que les régimes islamistes sont aussi corrompus que les dictatures laïques. Si jamais les islamistes, selon une méthode éprouvée, organisent des attentats, ils viseront les touristes. Et si la Tunisie voit les recettes du tourisme s’effondrer, elle ne risque pas d’aller mieux.

 

Je voudrais également m’adresser aux 600 000 Tunisiens de France ainsi qu’à leurs éventuels descendants munis de la double nationalité (ou en état de la réclamer). Certains d’entre vous ont sifflé notre hymne national. Certains d’entre vous font parti de ces musulmans qui nous échauffent les oreilles avec leurs prescriptions alimentaires et vestimentaires, et leur communautarisme rampant. Certains d’entre vous pensent sans doute que les Français sont islamophobes et racistes. Vous souffrez ici, je le sens bien. Eh bien, rassurez-vous : vos problèmes sont terminés. Votre pays est en passe de devenir un paradis démocratique. Votre pays est une terre d’islam, et la dictature laïque de Ben Ali, qui brimait les honnêtes croyants, n’est plus. Vous êtes libres, enfin. Alors n’hésitez plus ! Courez acheter vos billets pour Tunis. Un aller simple suffira. Rentrez tous chez vous, en Tunisie. Je vous souhaite bon voyage et tous mes vœux de réussite dans votre patrie.

 

Enfin, je veux saluer la dignité des dirigeants français. Comme tout dictateur déchu, Ben Ali est rejeté et livré à la vindicte médiatique. Il en est le principal responsable. Est-ce une raison pour en rajouter ? Je considère qu’un Ben Ali, un Al-Assad, un Moubarak même, vaut cent fois mieux que les rois d’Arabie Saoudite ou que Mouammar Kadhafi. Et pourtant ! Lorsque le truculent colonel vient en Europe, on lui déroule le tapis rouge. Il se permet des propos d’une incroyable insolence (comme appeler l’Europe à se convertir totalement à l’islam, rien que cela) ou des fantaisies tout aussi délirantes, en Italie ou en France. On lui dit amen. Lorsque le président français se rend à Riyad, il fait des courbettes devant ses hôtes, vante les religions en général et la spiritualité de l’islam en particulier. La spiritualité de l’islam wahhabite ? Qu’est-ce que c’est ? Imposer le niqab aux femmes ? Couper la main des voleurs ? Lapider les femmes adultères ? La belle spiritualité que voilà. J’ai la faiblesse de croire que Ben Ali vaut un peu mieux que ces gens là, même s’il y a beaucoup à lui reprocher. Nous savons tous que la diplomatie est faite de pragmatisme et d’hypocrisie. On ne peut pas dire leurs quatre vérités aux princes islamistes du Golfe, car ils ont l’or noir, le pétrole. Sans eux, notre pays ne fonctionne plus. Mais puisque les circonstances nous obligent à traiter avec déférence (voire servilité) ces interlocuteurs peu recommandables, la France ne se serait pas déshonorée, je crois, en acceptant sur son sol un Ben Ali exilé.

 

(1) C’était le 14 octobre 2008, lors d’un match « amical » (!) France-Tunisie ; Lââm, chanteuse d’origine tunisienne, avait même été choisie pour interpréter la Marseillaise, afin de calmer les esprits et montrer que l’intégration et la coexistence sont possibles. Peine perdue…



15/01/2011
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