Nationaliste Social et Ethniciste

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Guerre en Ukraine: le point sur la situation

Cela fait presque dix jours maintenant que les troupes russes ont déclenché leur invasion du territoire ukrainien. La guerre n'est hélas pas terminée, mais on peut déjà faire un petit bilan de la tournure des événements. Je ne m'étends pas sur ce qui se passe sur le terrain, parce qu'en réalité, on ne sait pas grand-chose, chaque camp faisant assaut de propagande, et on le comprend. Il semblerait qu'on s'oriente vers un conflit long. Si la Russie pensait effrayer Zelensky et son gouvernement, et les pousser à fuir, force est de constater que c'est un échec. Moscou paraît condamné à intensifier son effort de guerre. Volodymyr Zelensky a montré jusqu'à présent un certain courage, qu'on n'aurait pas forcément soupçonné chez un homme de spectacle. Il s'est imposé comme chef de guerre, et je pense qu'il a su galvaniser le peuple ukrainien, dont on ne peut que saluer la résistance opiniâtre. Les cartes qu'on nous présente laissent supposer que les Russes cherchent à prendre le contrôle du littoral ukrainien sur la Mer d'Azov, tandis qu'à Kiev et Kharkov [1] on s'achemine apparemment vers une guerre de siège dont on ne saurait prédire la durée ni l'issue. Les Russes tentent également de s'emparer des sites de production d'énergie, comme les centrales nucléaires. A ce stade, il serait imprudent d'en dire davantage. Ce n'est qu'un avis personnel, mais je pense que Vladimir Poutine a grandement sous-estimé Zelensky, qui se révèle être un redoutable communicant. Le statut de victime d'une agression russe [2] ne pouvait qu'augmenter le capital de sympathie dont bénéficie l'Ukraine, mais j'ai l'impression que la communication habile du président ukrainien a contribué à renforcer ce capital, en donnant une dimension héroïque à la résistance ukrainienne.

 

Ce qui m'intéresse surtout dans cet article, c'est l'impact du conflit russo-ukrainien en Occident en général, et en France en particulier. Et là, je dois dire que je suis stupéfait et très inquiet de la situation. Je passe sur le fait que cette guerre risque d'assurer à Emmanuel Macron sa réélection dans un fauteuil, et que, pour avoir tenu un discours lucide et mesuré, Eric Zemmour est à présent qualifié de "pro-russe" (alors qu'il a condamné l'agression russe). On a l'impression que la raison a déserté le débat public et qu'une fois de plus, un manichéisme réducteur s'impose.

 

J'ai trouvé désastreux le discours de M. Macron lors de son allocution [3]. Je suis en désaccord avec plusieurs éléments de ce discours. D'abord, oser dire que l'OTAN n'est pour rien dans ce conflit, c'est un mensonge. Il suffit de regarder une carte de l'élargissement de l'Alliance Atlantique depuis la chute de l'URSS pour constater que les Occidentaux n'ont cessé d'étendre leur influence jusqu'aux portes de la Russie, et ce n'est pas être pro-russe que de dire cela. Installer des missiles en Pologne en prétendant qu'il s'agit de lutter contre la menace iranienne, c'est se moquer du monde. Emmanuel Macron sait fort bien que les Occidentaux poussent les Ukrainiens à la rupture avec les Russes depuis près de 20 ans, et que nos pays ont applaudi à la destitution du président Ianoukovitch en 2014. C'est que, voyez-vous, Viktor Ianoukovitch avait le malheur de déplaire à l'Union européenne, car il refusait de signer un accord avec cette dernière. Emmanuel Macron sait très bien que Vladimir Poutine réclame depuis des années des assurances sur le fait que l'Ukraine ne sera pas admise dans l'OTAN, assurances que les Occidentaux n'ont jamais voulu lui donner. Et Macron le sait d'autant mieux que la France s'est opposée à cette adhésion, justement pour ne pas attiser les tensions avec Moscou. Quelle peut être la légitimité de cet homme à dénoncer les mensonges des autres quand on voit ceux qu'il profère? Nous expliquer ensuite que nous allons prendre des mesures visant à asphyxier l'économie russe, pour conclure que "nous ne sommes pas en guerre contre la Russie", c'est ridicule. La France a bel et bien déclaré une guerre à la Russie, mais une guerre économique, parce que nous n'avons pas le courage de faire autre chose. Ce que je trouve navrant, c'est que la France a renoncé à sa position de puissance d'équilibre pour se mettre à la remorque des Etats-Unis d'Amérique.

 

Mais surtout, nous assistons à la montée d'une véritable hystérie antirusse, sur fond d'unanimisme forcé et, je pèse mes mots, de chasse aux sorcières digne du Maccarthysme. Et c'est insupportable. Des Russes sont pris à partie sur les réseaux sociaux. D'autres sont sommés de critiquer publiquement leur gouvernement. La censure des médias financés par la Russie, Sputnik et Russia Today, est pour moi inacceptable. D'abord, la décision vient de l'UE, une institution illégitime et non-démocratique, qui spolie nos nations de leur souveraineté. Devons-nous nous attendre demain à l'interdiction de médias, de chaînes Youtube, de blogs même hostiles à l'UE? Rappelons que dans sa déclaration Mme Von der Leyen a déclaré qu'il s'agissait d'empêcher la diffusion de "mensonges qui menacent notre unité [européenne]". Tout le monde devrait s'inquiéter d'une telle rhétorique. Ensuite, plus généralement, ne sommes-nous pas censés être le "monde libre"? Est-ce que, justement, la liberté d'expression ne fait pas de nos pays occidentaux des états un peu meilleurs que la Russie poutinienne? On se le demande. Je ne comprends pas non plus l'intérêt de bloquer le yacht d'un oligarque russe. Qui espère sérieusement gagner la guerre avec ce genre de mesures? En réalité, tout est fait, non point pour chercher un terrain d'entente avec la Fédération de Russie, mais pour rendre nos relations exécrables, et pour longtemps, avec ce pays. Je ne suis pas d'accord avec cette politique. Je pense au contraire qu'il faut travailler à une sortie de crise qui permettrait d'envisager le plus tôt possible une réconciliation avec la Russie.

 

Or on n'en prend pas le chemin. J'avoue même que, depuis quelques jours, je m'interroge: jusqu'à quel point l'Occident (du moins certains en Occident) ne cherche pas à prolonger le conflit? L'OTAN peut se targuer de prouver son utilité face à la menace russe, l'UE, si désunie par ailleurs, peut se donner l'illusion de l'unité. A quoi sert donc d'envoyer des armes à l'Ukraine? Pas à permettre aux Ukrainiens de gagner la guerre, vu le type d'armement dont il est question. Ne s'agirait-il pas plutôt de favoriser un "pourrissement" du conflit pour que la Russie s'embourbe? Alors on me dira: comment?! Vous ne voulez pas armer les courageux résistants ukrainiens! Eh bien je ne suis pas contre le fait d'envoyer des armes en Ukraine... à condition d'y envoyer aussi les soldats qui les manient. D'aucuns me reprocheront l'incohérence apparente de ma position: d'un côté, je me montre compréhensif vis-à-vis des intérêts russes, et de l'autre, je propose une implication dans le conflit que les Occidentaux refusent. Comme je l'ai expliqué dans mon précédent article, j'estime que l'Occident (et la France avec lui) porte une lourde responsabilité dans le déclenchement de cette guerre, et ce contrairement à ce qu'affirme Emmanuel Macron. Les Ukrainiens font face à un ennemi plus puissant qu'eux par notre faute, et par conséquent je pense qu'il est de notre devoir de soutenir l'Ukraine dans cette épreuve, avec un peu plus que des mots. Mais j'irais même plus loin: si demain, des soldats français, allemands ou italiens meurent en Ukraine, je suis convaincu que nos dirigeants chercheront avec un peu plus d'énergie à négocier sérieusement avec la Russie. C'est terrible, mais c'est ainsi. Le pourrissement de ce conflit est ma hantise. D'autant que, dans cette affaire, les Ukrainiens sont en partie manipulés par nos gouvernements. Ce sont eux qui souffrent et qui meurent, et qui donnent ainsi une caution morale à une batterie de mesures moins destinées à sauver l'Ukraine qu'à affaiblir la Russie.

 

Je le dis à nos amis ukrainiens: l'Occident vous tresse des lauriers pour faire oublier qu'il ne fait rien pour vous, et il ne fera rien. Je suis persuadé que certains Ukrainiens commencent à s'en apercevoir. J'entends tous les jours des gens qui, en France, proclament que "les Ukrainiens se battent pour l'Europe" [4]. Si c'est vrai, qu'attendons-nous pour envoyer des troupes européennes (sans l'OTAN) combattre aux côtés des Ukrainiens? On voit bien d'ailleurs quel récit est en train de s'élaborer dans nos pays: les Ukrainiens sont héroïsés, on nous vend des histoires de jeunes mariés qui s'en vont combattre au front après avoir avancé la date de leur union, partout on manifeste, on collecte des couvertures, on lit des textes d'auteurs ukrainiens sur France Culture... La belle affaire! La réalité est autrement plus sordide: derrière les déclarations de façade, nos gouvernements se fichent éperdument de l'Ukraine et des Ukrainiens, qui ne sont que des pions dans la grande partie d'échec que les Etats-Unis jouent contre la Russie, la Chine et quelques autres. Là encore, il ne faut pas se raconter d'histoires: à qui profite le crime? Si l'Ukraine est écrasée militairement et dépecée, l'OTAN et l'UE verseront de grosses larmes, diaboliseront pour longtemps la Russie, mais... cela ne changera rien. Au fond, la chute de l'Ukraine ne menace pas vraiment la sécurité des pays d'Europe occidentale, encore moins celle des Etats-Unis. Si par contre la Russie est vaincue au terme d'une interminable guerre d'usure, humiliée et durablement affaiblie, la seule puissance qui, en Europe, peut faire contrepoids aux Etats-Unis aura été liquidée. Plus rien ne fera obstacle à l'influence de nos "amis" américains. Des amis qui, rappelons-le, nous espionnent sans vergogne, attaquent nos entreprises, font capoter nos contrats d'armement. Dans tous les cas, les Ukrainiens auront joué malgré eux le rôle de supplétifs d'un Occident aussi ingrat que cynique.

 

L'intérêt de la France, ce n'est pas une Russie toute-puissante qui s'autorise à agresser ses voisins ou à s'ingérer dans leurs affaires intérieures. Mais ce n'est pas non plus une Russie écartée du concert des grandes puissances, mise au ban des nations, "tenue en laisse" par des missiles braqués sur ses grandes villes depuis le territoire ukrainien. J'ai écouté le discours du président Poutine. J'ai tendance à penser que Vladimir Poutine et ses conseillers ont en effet pu estimer qu'il n'y avait pas d'autre alternative que la guerre pour se faire entendre des Occidentaux, et que la Fédération de Russie jouait dans cette affaire son avenir en tant que grande puissance. Je persiste à croire que le pari est risqué et que, profitant de ses ressources naturelles qui nous font défaut, la Russie aurait pu faire pression d'une autre manière. Mais le gouvernement russe a pris la décision que l'on sait, dont acte. Il nous faudrait maintenant prendre la mesure de l'inquiétude russe et chercher un terrain d'entente qui essaierait de concilier les exigences de sécurité de la Russie et celles de l'Ukraine, un pays qui, en huit ans, a perdu de facto le contrôle de pans entiers de son territoire, en Crimée et dans le Donbass. Je le redis, je pense qu'il serait sage de reconnaître l'annexion de la Crimée et de signer un traité en bonne et due forme garantissant qu'une adhésion de l'Ukraine, de la Biélorussie et de la Géorgie à l'OTAN est définitivement exclue [5]. Avant l'offensive russe, je croyais possible une réintégration de Donetsk et Luhansk dans l'Ukraine. Cela me paraît très difficile à présent, et, en même temps, faire accepter aux Ukrainiens une amputation supplémentaire de leur territoire, après les morts et les destructions subis, semble également compliqué. La tenue à terme de référendums d'autodétermination dans ces Républiques populaires autoproclamées resterait à mes yeux la moins mauvaise solution. On pourrait aussi imaginer une démilitarisation du Donbass et d'une bande de terres de part et d'autre de la frontière russo-ukrainienne. L'Ukraine, de son côté, a droit à sa souveraineté et à son indépendance.

 

Je n'ai évidemment pas la naïveté de prétendre que l'on peut régler simplement des problèmes complexes, ou solder d'un claquement de doigts les contentieux qui s'accumulent depuis des années. Néanmoins, je crois possible d'arriver à un compromis qui pourrait satisfaire les revendications russes tout en préservant la souveraineté ukrainienne. Mais y a-t-il une réelle volonté, côté occidental, de parvenir à une solution équilibrée? Je n'en ai pas l'impression. Et pendant ce temps-là, la guerre continue...

 

[1] Je n'adopte pas la forme ukrainienne "Kharkiv", parce que la ville se trouve dans l'est russophone, et je ne trouve pas scandaleux d'utiliser la forme russe. En revanche, il me paraît normal d'écrire "Lviv" et non "Lvov" puisque cette dernière se situe dans les régions traditionnellement ukrainophones. Je comprends tout à fait que les Ukrainophones de l'ouest (Galicie, Volhynie,...) soient attachés à leur langue et que cette dernière ait un statut officiel. Mais je pense que la pratique de la langue russe fait aussi partie de l'histoire ukrainienne, et qu'il faut l'accepter. On peut être russophone et Ukrainien. J'ai d'ailleurs lu que Zelensky a le russe comme langue maternelle, et qu'il a appris l'ukrainien sur le tard. Je ne pense pas qu'il ait démérité de la Patrie. Il avait d'ailleurs au début de son mandat pris ses distances avec les partisans d'une marginalisation de la langue russe en Ukraine.

 

[2] Il ne faut pas se voiler la face: les Russes, comme les Serbes en 1999, comme les Iraniens et quelques autres, font partie des "méchants" dans l'imaginaire occidental. Poutine, el-Assad, comme Milosevic et Ahmadinejad en leur temps, font partie d'un "axe du mal". Cela nous rappelle combien la vision géopolitique américaine a fini par imprégner la nôtre. C'est aussi, en Europe, le résultat d'une résurgence de l'influence (je n'ose dire hégémonie) allemande, qui amène par exemple tout un courant historiographique à relativiser le rôle de l'Empire allemand dans le déclenchement de la guerre en 1914, et au contraire à attribuer à la Serbie et à la Russie la responsabilité de nos malheurs... J'avais évoqué cette question dans cet article, notamment dans les échanges avec un commentateur.

 

[3] Et que dire du décorum... Le drapeau français, soit. Le drapeau de l'UE, il faut s'y résigner. Mais le drapeau ukrainien? Emmanuel Macron est-il président de l'Ukraine? On ne gagne rien à brouiller les symboles de la sorte. Et ce ton empreint d'une gravité factice... Macron est un acteur, et un mauvais (contrairement à Zelensky soit dit en passant). Il a tellement avili sa fonction que lorsqu'il essaie d'être crédible dans son costume présidentiel, ça sonne faux. On ne peut pas blaguer avec Mcfly et Carlito et espérer ensuite jouer dans la cour des grands. 

 

[4] La phrase est d'ailleurs étrange: les Russes ne sont-ils pas des Européens? Moscou et Saint-Pétersbourg se trouveraient-elles en Asie?

 

[5] Je crois avoir entendu que le président Zelensky a laissé la porte ouverte à une éventuelle neutralisation de l'Ukraine. Mais je suppose qu'il attend des garanties en échange, et on le comprend.



05/03/2022
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