Bloc-note des blogs: bon point à gauche
Ce blog fait sa troisième rentrée. Merci à ceux qui viennent me lire. Autant le dire franchement : la motivation est toujours là, d'autant que nous allons d'ici peu aborder une année très riche électoralement, et donc politiquement. Je craignais que la lassitude s'installe, il n'en est rien. Mais si la motivation est là, le temps, lui, fait parfois défaut. L'année dernière, les hasards de l'affectation et de l'emploi du temps m'avaient laissé pas mal de loisirs, il faut le reconnaître. C'est le lot des remplaçants : des services lourds alternent avec des suppléances moins prenantes. Cette année les choses sont un peu différentes : nouveaux programmes, plus de route, quelques petits désagréments inattendus... Mais bon, je ne vais pas raconter ma vie, ni me plaindre, j'aime mon métier (et j'en ai un, ce n'est pas le cas, hélas, de tous nos compatriotes). La cadence des publications va sensiblement diminuer : l'année dernière, j'arrivais à rédiger quatre à cinq articles par mois, en y consacrant cependant l'essentiel de mon temps libre. Or j'ai moins de temps libre, et je ne veux pas qu'il soit entièrement accaparé par le blog. Le « militantisme de clavier » a ses limites, même si je pense qu'il est loin d'être inutile. Mon objectif est de tourner autour de deux à trois articles mensuels. J'avais réfléchi à l'idée de rédiger de courts billets assez souvent, mais je dois avouer que j'en suis incapable, cela demande un talent que je n'ai pas. J'ai trop la propension à me lancer dans de longs développements. Tant pis pour moi.
Pour l'élection présidentielle, voilà plusieurs mois déjà que je penche pour Nicolas Dupont-Aignan, dont la démarche et le discours me séduisent, je l'avoue. Il est encore trop tôt pour se lancer dans la campagne, mais le moment venu, je défendrai mon choix (je précise que je ne suis pas membre de Debout La République, la formation de M. Dupont-Aignan, parti qui a toutefois ma sympathie). Je l'ai déjà dit : je suis un peu déçu par les souverainistes jacobins (ça fait moins peur que « nationalistes républicains »...). J'espérais (et j'espère encore, l'espoir fait vivre) que MM. Dupont-Aignan, Chevènement, Asselineau et Coûteaux, ou tout au moins deux ou trois d'entre eux, se mettraient autour d'une table et feraient alliance pour un projet de Salut Public. Je crois qu'il ne faut pas rêver malheureusement...
Pour le reste, rien de nouveau sous le soleil. L'UMP démantèle consciencieusement la République française, au nom du triple A et du Saint Empire Européen. J'ai déjà un slogan de campagne pour Nicolas Sarkozy (je suis convaincu qu'il sera le candidat de la droite, en dépit des spéculations qui ont cours) : « Mourrons pour sauver l'euro ! ». Ou bien : « Avec l'euro, tout devient possible... même la mort de la France ! ». Ce que n'ont pas réussi en leur temps les tyrans coalisés, l'UE pourrait bien le réaliser. Doit-on parler d'une revanche de l'Allemagne ? On ne m'ôtera pas de l'idée que certains stratèges parmi nos « cousins germains » comme dit William Irigoyen ne prendraient pas le deuil si la France, l'Espagne et l'Italie venaient à éclater.
Et pendant ce temps-là au PS ? Le spectacle lamentable continue. Je ne parle pas des primaires. Je n'ai aucun à priori sur celles-ci et je les ai suivies avec grand intérêt (sans y participer bien sûr) car elle nous renseigne sur les rapports de force internes, et tout cela a son importance. Non, ce qui est consternant, c'est le discours (je n'ose dire « le programme ») des deux principaux prétendants. François Hollande propose un Ministère du droit des femmes et la reconnaissance du génocide arménien. Rien que ça ! Les femmes revendiquent l'égalité avec les hommes et on créerait un Ministère spécifique à la cause féminine ?! Chers compatriotes socialistes, soyez cohérents : si un Ministère de l'immigration et de l'identité nationale stigmatise les immigrés, alors un Ministère du droit des femmes ne peut que... stigmatiser les hommes ! Sommes-nous égaux ? Ou bien les femmes seraient-elles plus égales que les hommes ? La Halde ne suffit plus ? Elle coûte pourtant bien cher. Quant à la reconnaissance des martyrs arméniens, on peut dire que « quelques voix valent bien une loi mémorielle », comme on disait jadis « Paris vaut bien une messe ». Rappelons quelques principes élémentaires : ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire. Et puis cette démarche s'inscrit dans une politique résolument clientélaire et communautariste, avec l'entretien des chapelles victimaires. Un républicain attaché à l'unité nationale ne saurait entrer dans cette logique. De plus, bien qu'étant personnellement très hostile à M. Erdogan, je pense qu'il n'est pas nécessaire de provoquer inutilement la Turquie.
Il ne faut pas non plus compter sur Martine Aubry pour défendre l'unité nationale. Si j'en crois le blog de Marylise Lebranchu (1), Mme Aubry serait décidée à ratifier la néfaste Charte européenne des langues régionales. Cette charte est contraire à tous les efforts menés par les rois d'abord, puis par la République, pour unifier notre pays. Elle est contraire à la Constitution française, comme l'a précisé le Conseil constitutionnel. La langue française est un des symboles de notre unité nationale. La ratification serait une catastrophe, la remise en cause de plusieurs siècles d'effort, l'abandon du projet national et républicain tel qu'il est porté depuis la Révolution. Pire, Mme Aubry soutiendrait un projet de loi qui garantirait « dans les aires géographiques concernées, en collaboration avec les collectivités territoriales, l’enseignement de langue régionale ou en langue régionale à tous les enfants, sauf opposition dûment signalée des parents ». Prochaine étape ? Un référendum pour l'autonomie de la Bretagne et de la Corse ? Le transfert de compétences législatives aux régions ? Mme Lebranchu, qui n'a peur de rien, écrit : « les langues régionales ne menacent pas l’unité de la République. » Ah bon ? Mais alors, Madame, pouvez-vous nous dire pourquoi tous les régionalistes de France et de Navarre, qui souhaitent ardemment la dissolution de notre pays, rêvent eux aussi d'appliquer la Charte ? Pourquoi l'ALE (Alliance Libre Européenne) réclame-t-elle la ratification, ainsi que l'UFCE (Union Fédéraliste des Communautés Ethniques européennes) qui l'a portée sur les fonts baptismaux ? Qui peut croire honnêtement que ces organisations souhaitent le renforcement de la République française ? Le poison du régionalisme et du communautarisme gangrène le PS. Parfois, je l'admets, j'ai le désir fugace qu'un Breivik français fasse taire tous ces traîtres... Ce serait cependant contraire à l'humanisme (dont je me réclame, si, si) et au principe de souveraineté de la nation. Les suffrages des Français seront seuls juges. Mais, mes chers compatriotes de gauche, prudence ! Ne votez pas à la légère.
Venons-en au sujet principal de cet article (quand je le dis que je suis incapable de rédiger de courts billets...). On s'enrichit en lisant les autres, en tâchant de comprendre comment s'articule leur raisonnement et quelles sont leurs aspirations. Au demeurant, je n'ai aucun scrupule à prendre des arguments chez les autres lorsqu'ils me paraissent pertinents. Depuis quelques temps je m'attache à la lecture de quelques blogs dignes d'intérêt. Premier constat : ces blogs sont de gauche. Ce qui m'amène à reconnaître qu'il y a encore des patriotes et des républicains à gauche. Je le souligne car j'ai souvent vilipendé les « gens de gauche » sur ce blog. Il faut croire que la généralisation était abusive. Toutefois, je constate que ces blogueurs sont souvent en rupture de ban, minoritaires dans leur camp et parfois regardés comme des pestiférés. Après cela, ils gardent le courage de se dire « de gauche » ce que je ne pourrais pas faire.
Descartes : la force du raisonnement
Il s'agit là du blog d'un homme mystérieux qui se surnomme « Descartes ». Son identité (comme la mienne) n'a d'ailleurs aucune importance. Ce que l'on peut dire, c'est qu'il s'agit d'un (ex-?) membre du parti communiste, et l'on peut penser, eu égard à sa bonne connaissance des structures du parti, qu'il a exercé en son temps quelques responsabilités au PCF. Et puis le « nouveau communisme » développé depuis des années par la trinité Hue-Buffet-Laurent paraît l'avoir éloigné du parti. Descartes déteste Mitterrand mais a une certaine estime pour Mélenchon qu'il se désole de voir glisser vers un gauchisme stérile. Pouvait-il cependant en être autrement ? Descartes se rapproche du « gaullo-communisme », une idéologie mêlant socialisme, démocratie, patriotisme républicain et jacobinisme (pour faire vite).
Descartes est une synthèse de Machiavel et de Marx : le pragmatisme au service du socialisme (encore que... la critique du capitalisme chez Descartes reste un peu discrète, je ne saurais dire s'il est vraiment marxiste). Ses textes sont en général un régal, bien construits, bien écrits. La culture est solide et l'habileté à argumenter montre à l'évidence une habitude du débat. Le blog aborde souvent les questions économiques, et il se trouve justement que je cherchais ces derniers temps à parfaire ma culture économique, qui est très faible. Or Descartes aurait fait, je pense, un bon prof d'éco, il a un vrai talent pédagogique. A le lire, on apprend beaucoup de choses intéressantes, et je dois dire qu'après un article de Descartes, on a souvent l'impression d'être un peu plus intelligent qu'avant.
Autre mérite de ce blog : de passionnants débats ont régulièrement lieu à partir des thématiques traitées par l'auteur. Descartes prend toujours la peine (et le temps) de répondre point par point aux questions et aux objections. Avec patience et méthode. C'est là une culture du débat qui vaut son pesant d'or, quand beaucoup de blogs se contentent d'afficher les messages des supporteurs et d'invectiver tout contradicteur éventuel.
Évidemment, j'ai aussi de nombreux points de désaccord avec Descartes. Je ne partage pas son aversion pour le régime d'assemblée ni son attachement à une personnalisation forte du pouvoir (son côté « gaulliste »). Pas plus que je n'adhère à son hostilité déclarée pour les « classes moyennes » qu'il tient pour responsable de l'évolution politique du pays. Dans une logique communiste, Descartes place la classe ouvrière au premier plan de ses préoccupations. Et j'ai toujours pensé que la France avait été une des nations les moins ouvrières du monde industrialisé. La classe ouvrière est souvent restée à la marge de la société, et je crois que la France a toujours été une nation de paysans et de classes moyennes, sauf brève parenthèse des Trente Glorieuses, mais qui forment l'exception confirmant la règle. Par conséquent, considérer que l'intérêt de la classe ouvrière coïncide nécessairement avec celui de la nation me paraît être une erreur. Je ne suis pas en train de dire qu'il faut mépriser les ouvriers français, bien au contraire. Leurs intérêts doivent être pris en compte. Mais rien ne se fera sans les classes moyennes (du moins une partie d'entre elles). Descartes a raison sur certains points : les classes moyennes se sont bien accommodées dans l'ensemble de l'individualisme et de la mondialisation libérale. Les discours européistes, écologistes et libertaires trouvent dans ces couches de nombreuses oreilles attentives, c'est vrai. Pourtant, le sort de l'Argentine il y a peu et l'évolution récente de la société américaine tendent à prouver que la mondialisation ne se fait pas en faveur des classes moyennes. Certes, ces dernières paient moins cher leurs vêtements et leurs gadgets made in China, mais la concurrence « libre et non faussée » finit tôt ou tard par menacer y compris certains emplois des classes moyennes. D'autre part, je goûte peu le « déterminisme social » qui veut qu'on épouse telles idées pour des raisons de pur intérêt. C'est, je crois, la limite de la théorie des classes. Il n'y a pas que la classe sociale qui compte, mais aussi la culture. Et je pense (peut-être à tort) qu'une partie des classes moyennes est culturellement attachée à la nation. Je ne suis pas non plus d'accord avec Descartes pour dire que les classes moyennes ont sciemment « cassé » l'ascenseur social. Tout ascenseur a en lui-même ses limites : 1) il mène à un nombre limité d'étages, l'ascension n'est pas possible indéfiniment ; il arrive forcément un moment où il y a des blocages, parce que les places intéressantes sont moins nombreuses que ceux qui aspirent à les occuper ; 2) L'ascenseur ne peut pas emmener tout le monde en même temps, question de place ; 3) plus on est nombreux à un étage, plus on doit se serrer, et c'est moins confortable ; 4) on peut difficilement reprocher à ceux qui sont montés de ne pas avoir envie que leurs enfants redescendent ; ainsi critiquer certains milieux « favorisés », comme celui des enseignants, en soulignant qu'ils envoient leurs enfants dans les bonnes filières, n'a aucun sens, car qui agirait différemment ? Qui renverrait ses enfants en bas pour que les enfants des autres montent ?
On peut dire que c'est de l'égoïsme, et sans doute il y a de cela. Les classes populaires aspirent (et c'est légitime) à ce que leurs enfants montent ; les classes moyennes ne veulent pas que les leurs descendent, et c'est aussi légitime. La solution serait peut-être de relancer une politique industrielle ambitieuse pour offrir aux enfants d'ouvriers qui ne seront pas ingénieurs, cadres ou avocats (car les meilleurs le seront, et c'est tant mieux) des débouchés valorisants.
Il faut se garder d'avoir une vision trop idyllique de l'école d'avant 1968 : elle avait aussi, même sous la III° République, ses laisser-pour-compte et ses ratés. Et elle pérennisait en partie les inégalités. L'ascenseur social n'a jamais fonctionné pour tout le monde en même temps, sauf quand les mutations économiques ont provoqué à un moment précis une demande massive de personnels plus qualifiés qu'auparavant. L'école républicaine n'a pas la possibilité de faire de tous les enfants d'ouvriers des ingénieurs. En revanche, elle a le devoir de permettre cette ascension pour les plus doués, donc d'empêcher que l'origine sociale soit un handicap. Il y a de ce côté-ci du travail, j'en conviens, notamment en ayant de réelles exigences plutôt que de céder à la démagogie de la facilité. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, c'est en abaissant le niveau d'exigence qu'on bloque l'ascension des élèves issus de milieux modestes. Car les autres ont les moyens extra-scolaires d'acquérir des références culturelles. Mais je veux dire ici que l'institution scolaire n'a pas non plus tous les pouvoirs. Il faut aussi une volonté des familles. J'entends souvent : « ben oui, mais ces gens n'ont pas accès à la culture, la culture, c'est trop cher ». C'est faux : dans de très nombreuses communes françaises, il y a une bibliothèque municipale, si modeste soit-elle. Les grands classiques y sont, et l'inscription est gratuite le plus souvent. Tous les collégiens de France ont un CDI dans leur établissement et pourtant... Beaucoup n'y vont jamais. Les livres peuvent être empruntés, et gratuitement. Même à la télévision, des émissions de vulgarisation scientifique peuvent s'enregistrer. Chez Emmaüs, des livres s'achètent pour 0,50 €. Je connais des gens modestes qui se cultivent sans dépenser un euro. Parce qu'ils le veulent. Par conséquent, le discours misérabiliste sur « les couches défavorisées qui n'ont pas accès à la culture » ne m'émeut guère. Bien sûr, les voyages, les musées, le théâtre, le cinéma parfont la formation intellectuelle. Mais l'essentiel se trouve bien dans les livres. Encore faut-il avoir envie de se les procurer. Là doit être le rôle de l'école : sans doute les enseignants ne donnent-ils pas assez envie, parfois, de lire. Il y a cependant un vrai mépris du savoir qui se développe, et une partie des élites donne l'exemple.
En dépit de ces désaccords fondamentaux, le blog de Descartes demeure très stimulant intellectuellement. On ne perd pas à le lire régulièrement.
http://descartes.over-blog.fr/
La Lettre volée : un euroscepticisme solidement argumenté
L'euroscepticisme est relativement répandu en France. Mais il s'apparente souvent à un vague sentiment d'hostilité à l'égard des technocrates de Bruxelles et de certaines aberrations du système (comme des directives fixant le pourcentage de cacao autorisé dans le chocolat...). Toutefois, la plupart du temps, on en reste là. Il faut dire que tous nos dirigeants, énarques propres sur eux, libéraux bon teint et bobos de la gauche caviar made in Sciences Po, tous nous répètent doctement que « sortir de l'euro est une ânerie », « l'Europe nous a apporté la paix » (alors que, comme je le lisais récemment, c'est le contraire...), « la construction européenne est le seul avenir démocratique possible » (admirez l'alliance de mots), etc. Dans ces conditions, tout europhobe primaire tend à ressentir, sinon une once de culpabilité, du moins une certaine honte en se disant que tous les gens intelligents pensent le contraire, et que par conséquent, lui-même doit être un peu stupide.
Avec le blog d'Edgar (c'est le pseudo du blogueur, en référence à Edgar Poe, l'auteur d'une nouvelle intitulée La Lettre volée, je le dis parce que je ne comprenais pas le rapport, n'ayant qu'une médiocre culture littéraire), l'eurosceptique trouvera son bonheur : un rejet de l'UE bien argumenté. Edgar parle beaucoup d'économie, citant moult spécialistes, afin de démontrer que l'euro ne nous apporte guère la prospérité mais nous coule sûrement (j'entends par « nous », France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce... bref, les pays « méditerranéens », les mauvais élèves de la zone euro). Bon, parfois c'est un peu compliqué si l'on est, comme moi, pas très fort en économie. Il vaut mieux aller lire Descartes pour commencer... Edgar propose également des compte-rendu de lecture, en économie ou en politique, très intéressants, d'autant que l'auteur a manifestement une bonne maîtrise de l'anglais et peut donc commenter des ouvrages dans cette langue. L'auteur du blog a fait un choix : ne parler quasiment que de l'UE. Il est très pointu sur la question mais on peut regretter que d'autres thèmes ne soient pas abordés. Et c'est au fond ce que je reproche à la gauche en général, même lorsqu'elle est « intelligente » : l'économie et le social toujours, la dimension culturelle rarement, l'aspect identitaire jamais. Je ne dis pas que la nation n'intéresse pas ces gens, au contraire puisqu'ils sont souverainistes. Mais la nation qu'ils conçoivent est abstraite, et se résume en quelques mots : démocratie, liberté, égalité, fraternité, laïcité. Je ne renie pas ses valeurs, loin s'en faut, elles sont très importantes. Mais la nation française, pour moi, c'est plus que cela. C'est un peuple avec son histoire, ses traditions, sa culture, tout un ensemble d'éléments complexes et contradictoires. Avec cette définition, la question de l'identité nationale et de l'immigration a du sens. Ce que je reprocherai à Edgar comme à Descartes (et à l'ensemble de la gauche « intelligente », celle de M. Chevènement par exemple), c'est d'écarter ces thématiques. La montée de l'islam (et le retour des religions en général), les conséquences de l'immigration, la poussée du communautarisme, cela ne semble pas les intéresser ni les concerner. Pourtant, même une amélioration des conditions économiques ne réglerait pas ce problème. Sur l'Europe, la crise, l'économie, la médiocrité de la gauche établie, ces gens ont de brillantes analyses, mais ils ne paraissent pas voir qu'il y a aussi d'autres problèmes qui touchent à l'identité et au multiculturalisme. Et ce ne sont pas les médias qui inventent tout cela pour faire diversion, comme on le lit parfois. Les raisons de cette cécité m'échappent.
Il n'en demeure pas moins que La Lettre volée est un excellent blog qui a le grand mérite de démontrer que l'efficacité économique de l'euro et de la construction européenne relève plus du mythe ou du fantasme des europhiles que de la réalité. Mais il ne suffit pas de répéter des mensonges pour qu'ils deviennent réalité...
Le blog de Frédéric Delorca
Je terminerai par un blog un peu à part, celui de Frédéric Delorca, docteur en sociologie. En règle générale, je n'ai pas grande estime pour les sociologues (quand on sait qu'Alain Soral se présente comme tel...) qui me paraissent représenter l'archétype de l'intello nuisible et inutile, surtout habile à habiller d'un appareil pseudo-scientifique ses opinions politiques et ses préjugés. J'ignore si M. Delorca est l'exception qui confirme la règle, mais ses articles sont souvent très intéressants et ne manquent pas de finesse. Avec cela beaucoup de culture et de curiosité intellectuelle, ce qui l'amène à traiter divers sujets d'histoire, de philosophie et de géopolitique. Évidemment, la première et la troisième me passionnant, je trouve sur ce blog beaucoup de choses intéressantes.
D'autant qu'en géopolitique, M. Delorca s'intéresse entre autres à l'Europe orientale. Il s'est rendu par exemple en Transnistrie, cette région sécessionniste de la République de Moldavie, et il a rédigé un ouvrage sur la question. Vu qu'il ne doit pas y avoir pléthore de Français qui ont visité cette partie du monde (ce n'est d'ailleurs pas simple d'y aller), ce témoignage vaut son pesant d'or. Ce blog est aussi plus personnel que les précédents. Frédéric Delorca se présente comme un homme de gauche, mais il paraît un peu désabusé, et déçu par ses contemporains.
Là aussi il y a des points de divergence, notamment sur la notion d' « empire » qu'il emploie pour désigner la suprématie occidentale, et les puissances concurrentes : Russie, Chine, mais aussi Turquie qui paraît retrouver des appétits politiques en Orient (on parle de « néo-ottomanisme »). Je suis un peu sceptique pour ma part. Je ne dis pas que le terme « Occident » n'a aucun sens. Il y a, je pense, un Occident, surtout au travers de l'alliance militaire appelée OTAN. Mais s'il y a une véritable puissance militaire et sans doute une volonté hégémonique, y a-t-il pour autant un « empire » ? Je n'en suis pas convaincu. L'Occident a deux pôles : États-Unis et Union européenne (pour aller vite). Les intérêts de ces deux ensembles ne convergent pas forcément. Et surtout, au sein même de l'UE, certaines nations ont des traditions géopolitiques différentes voire contradictoires. D'où des tensions et des querelles permanentes. L'« empire » occidental pourrait bien n'être qu'un géant aux pieds d'argile. D'ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler que si l'OTAN peut bombarder quasiment n'importe quelle région du globe (exception faite de la Russie, de la Chine et peut-être de la Corée du Nord), les états occidentaux sont eux incapables d'assimiler certaines de leurs minorités originaires d'Asie ou d'Afrique. Un « empire » digne de ce nom, comme celui des Perses ou des Romains, réussit à séduire, le premier son vainqueur, Alexandre le Grand en personne, le second les peuples barbares qui l'envahissent (Clovis, Alaric, Théodoric, Gondebaud, tous rivalisent de romanité à la fin du V° siècle). Or l'Occident ne séduit pas, ou plus. Même les autochtones doutent et parfois se détournent de leurs cultures ancestrales. Ne reste à l'Occident que la force brute. Mais sans la foi en une civilisation...
Ces réserves posées, la lecture du blog de M. Delorca reste des plus enrichissantes. Il est toujours intéressant de se confronter à d'autres idées lorsqu'elles sont bien présentées.
(1) http://www.maryliselebranchu.fr/2011/10/martine-aubry-defend-les-langues-regionales/
A découvrir aussi
- François Fillon, l'anti-républicain
- Bilan du 1er tour des présidentielles 2012
- Rémi Fraisse: une mort profitable