Nationaliste Social et Ethniciste

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Le Raciste: une pièce de théâtre incontournable

Depuis quelques années maintenant, Alexandre Vornel promène son regard cynique, aussi désabusé que décapant, sur notre société contemporaine. Détesté par les uns, admiré par les autres, Vornel ne laisse personne indifférent, et on ne manque pas de débattre passionnément de son œuvre dans les milieux underground de la culture. Ce « misanthrope humaniste », cet « anachorète du consumérisme » comme il aime à se définir, ne manque jamais une occasion de souligner les travers de notre modernité (trop ?) décomplexée. Avec tendresse, parfois. Avec cruauté, souvent. Avec humour, toujours.

 

Cette fois-ci, Alexandre Vornel s’attaque à un mal qui ronge l’Occident, en particulier la France : le racisme. Quoi de plus abject que le racisme ? Mais là où Vornel innove avec brio, c’est qu’il nous emmène loin des clichés sur le raciste patenté, adorateur de Le Pen, ex-skinhead néo-nazi ou supporter inconditionné du PSG. Non, sous la plume de Vornel, c’est le pire des racistes qui prend vie : le raciste banal, le raciste ordinaire. Quoi de plus ordinaire en effet que Chavin, le personnage principal de la pièce ? C’est un homme cultivé, qui aime les livres. Il travaille dans le domaine culturel, il est marié et père de famille. On est bien loin de l’activiste néofasciste à la Duprat. Et pourtant ! Cet homme banal transpire le racisme par tous les pores de sa peau : il rejette pêle-mêle les musulmans, les noirs, les étrangers, les immigrés. L’Autre est systématiquement englobé dans une détestation sans rémission. Malgré la société qui, par sa tolérance et son ouverture, lui montre la voie, Chavin persiste de scène en scène dans son culte du mal. Persévérance aussi absurde que diabolique.

 

Régulièrement pourtant, face à un chœur incarnant la conscience de notre France métissée, dans une dramaturgie digne de Sophocle et Euripide, Chavin est confronté à la réalité de son idéologie nauséabonde. Mais rien n’y fait. Chaque fois, il se dresse, rejette les accusations, fait face avec une audace malsaine, persiste et signe. « Je ne suis pas raciste ! » répète-t-il dans une litanie désespérante, niant l’évidence qui pourtant saute aux yeux du spectateur attentif. Comment peut-on en arriver là ? Vornel ne le dit pas. Comme à son habitude, il se veut un disséqueur de personnalité, un scientifique du vice : il observe, il décrit, avec une précision clinique qui force l’admiration. Mais il ne juge pas la pathologie qu’il présente. C’est au spectateur, c’est au critique, c’est à nous tous, citoyens, de le faire. Alexandre Vornel provoque la réflexion, il n’assène aucune certitude.

 

Sa pièce n’est pas sans ambiguïté d’ailleurs. En mettant son personnage seul contre tous, Vornel pourrait presque le rendre sympathique, attachant. Chavin n’est pas complètement dénué de finesse intellectuelle. Son discours n’est pas forcément décousu et obéit à une certaine cohérence. Parfois, il paraît empreint de bon sens. Le spectateur doit prendre garde : il peut être tenté de lui donner raison. En cela, Vornel montre l’étendue de son talent, en nous rappelant cette vérité dérangeante : le mal revêt souvent un masque séduisant et sympathique. Chacun doit être d’une vigilance sans faille. En permanence. Toute la mécanique de la haine raciste, de son entretien, de sa diffusion est démontée dans cette pièce.

 

Vornel a le trait rageur, violent, mais aussi bref. La pièce ne fait qu’un acte. Tout se déroule rapidement, dans une logique implacable et prévisible où la prégnance du fatum est oppressante, même si l’on en vient à souhaiter une hypothétique rédemption du personnage. La fin est une véritable apothéose où la pire abjection paraît côtoyer l’héroïsme dévoyé d’un homme arrimé contre toute raison à des certitudes erronées. On se trouve face à une inversion géniale et perverse de la scène finale du Rhinocéros. Décidément, il y a du Ionesco chez Vornel. La pièce est à voir jusqu’au 26 juin au Théâtre Torquemada en Seine-Saint-Denis.

 

Le texte est disponible en cliquant ici.



30/04/2011
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