Nationaliste Social et Ethniciste

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Luc Chatel connaît-il Babar?

Lettre ouverte au Ministre de l'Education nationale.

 

« Monsieur le Ministre,

 

C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris connaissance de vos déclarations du dimanche 13 novembre 2011, et je me permets d'abord de vous adresser mes félicitations pour la haute distinction de vos références culturelles. Pourquoi les Français liraient-ils La Princesse de Clèves alors que Babar et Astérix forment un substrat culturel aussi estimable et – pourquoi le nier – infiniment plus distrayant ? Merci, Monsieur, d'avoir rendu ses lettres de noblesse à un genre littéraire trop souvent déprécié et méprisé par les intellectuels arrogants qui sont légion dans la gent professorale : la bande dessinée enfantine, support nécessaire et suffisant de la pensée élaborée qui sied à tout citoyen.

 

J'ai admiré, Monsieur, votre manière remarquable de vous moquer du Président de la République, alors même que vous êtes son ministre : le railler sur sa petite taille (Astérix est qualifié de « nabot » dans un album) en paraissant le couvrir de louanges, voilà le summum de la subtilité, qu'on ne rencontre assurément que chez les grands hommes d'esprit, dont vous êtes, Monsieur, à l'égal d'un Voltaire ou d'un Beaumarchais. Nous aurions aimé que la métaphore soit filée, comme on dit chez les littéraires, et que défilent sous nos yeux Guaino-Panoramix, Mitterrand-Assurancetourix, Baroin-Cétautomatix, Douillet-Obélix... Mais qui donc aurait fait le chef Abraracourcix ? Et quel rôle vous donniez-vous vous mêmes ? Le temps médiatique étant ce qu'il est, vous n'avez malheureusement pas pu peaufiner cette comparaison riche de sens. Je le regrette, mais demeure ébloui, croyez-le bien, par un sens de la formule qui fait de plus en plus défaut dans les rangs de l'énarchie technocratique et soporifique.

 

Mais, il y a un mais, Monsieur. Malheureusement. Je ne suis que votre humble subordonné, modeste professeur d'histoire-géographie dans l'enseignement secondaire, j'en conviens. Et pourtant, Monsieur, l'honnêteté, que dis-je, l'honneur injustement bafoué d'un personnage, m'oblige à vous le dire tout de go : vous vous trompez sur Babar. Oui, c'est cruel, je le reconnais. Oh certes ! Il y a le Babar vieillissant, bedonnant, pantouflard qu'on connaît, bon père de famille et souverain libéral. Mais ce n'est qu'illusion, ce Babar-là est le Babar des jours heureux et paisibles. Il n'en fut pas toujours ainsi : il y a un autre Babar, un grand Babar, un roc au milieu des tempêtes. Tout cela est conté dans Le Triomphe de Babar. Je ne vous fais pas l'offense de supposer que vous en ignorez la trame, cultivé comme vous l'êtes, mais je la rappelle tout de même, car certains réactionnaires préfèrent, hélas, lire Montaigne ou La Fontaine.

 

Babar, donc, alors jeune roi des éléphants, est confronté à une offensive aussi soudaine que brutale de la part des rhinocéros dirigés par leur roi, l'infâme, le méprisable, le caricatural, j'ai nommé Rataxès. Avec toute l'impétuosité de la jeunesse, Babar veut répliquer, d'autant que Rataxès n'a apparemment pas daigné déclarer la guerre, comme les Japonais coulant des navires russes à Port-Arthur en 1904 (je le dis parce qu'on parle toujours de Pearl Harbour...). Mais il en est empêché par ses conseillers, Cornélius, vieux général incompétent qui n'est pas sans évoquer Maurice Gamelin au meilleur de sa forme, et Pompadour, un de ces courtisans plus doué pour le protocole que pour la politique. Ces deux énergumènes croient neutraliser le fougueux monarque. Mais Babar est intrépide : il part seul, oui seul, et s'en va constater par lui-même la réalité de la menace. Revenu à temps à Célesteville, la capitale des éléphants, en compagnie de sa dulcinée (Céleste), il conçoit un brillant stratagème qui met en fuite la redoutable armée des rhinocéros, pourtant parvenue aux portes de la cité. Rataxès, effrayé, ne doit son salut qu'à une course fort peu royale.

 

Pourquoi ne pas y voir une belle métaphore ? Rataxès et les rhinocéros représentent symboliquement les marchés et les spéculateurs, bref les menaces qui pèsent sur Célesteville (la France), tandis que Babar-Hollande les repousse grâce à son brillant intellect, et en dépit de l'affligeante médiocrité de ses lieutenants (Avez-vous écouté MM. Peillon ou Delanoë?). Mais alors, me direz-vous, n'est-ce pas le contraire de ce que vous avez voulu dire ? J'ai pour ma part une hypothèse audacieuse, Monsieur, et je me targue avec quelque présomption de vous avoir percé à jour : feignant de flatter le Président en perte de vitesse, vous annoncez en réalité votre ralliement prochain à François Hollande. Votre habileté le dispute à votre inventivité, Monsieur, et voyez-en moi désormais l'un des plus fervents admirateurs de cette rhétorique que vous maniez à la perfection, dans laquelle les références naïves cachent des messages cryptés inaccessibles au commun des mortels.

 

Le professeur que je suis s'incline respectueusement devant le noble héritier de Molière que vous êtes, et la joie m'inonde le cœur à l'idée de vous donner le joli nom de « compatriote ».

 

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, mes salutations les plus distinguées et les plus admiratives. »



15/11/2011
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