Marine Le Pen: vers un "nouveau" Front National?
Jeudi 09 décembre, Marine Le Pen était invitée sur France 2 par la très séduisante et toujours chaleureuse Arlette Chabot, dans son émission A vous de juger. D’un autre côté, vu le savoir-vivre de nombreux politiques, il vaut mieux une journaliste revêche pour faire régner l’ordre sur le plateau… Dans l’ensemble, je dois dire que Mme Le Pen s’est montrée à la hauteur, et à mon avis, elle a marqué des points dans l’opinion. Si elle est désignée à la tête du FN en janvier 2011 (ce qui n’est sans doute pas joué d’avance comme ont l’air de le croire certains journalistes), cette prestation pourra être considérée comme l’entrée en campagne présidentielle de Marine Le Pen. De ce point de vue, il semble que les frontistes aient mis en place un bien meilleur calendrier que les socialistes : dans quelques semaines, le nouveau dirigeant du parti (si l’élection n’est pas contestée…) devrait être en mesure de lancer sa campagne électorale, suite logique de la campagne interne, avec un parti en ordre de marche.
Marine Le Pen, un « produit » médiatique ?
A cette question, on pourrait répondre : oui et non. Oui, parce que, indéniablement, lorsqu’il est apparu clairement que la fin de règne de Jean-Marie Le Pen s’annonçait, les médias ont choisi sa fille comme nouveau porte-parole du Front. Un Bruno Gollnisch est en revanche systématiquement écarté des plateaux télé depuis des années. Est-ce parce que Mme Le Pen est plus « présentable » ? Ce n’est pas le cas si on regarde le niveau intellectuel : M. Gollnisch est bardé de diplôme, universitaire, juriste compétent et fin connaisseur de la culture nippone. Il maîtrise parfaitement la langue de l’empire du Soleil Levant. A bien des égards, c’est un intellectuel et un homme brillant (quoi qu’on pense de ses convictions par ailleurs), ce qui est paradoxal dans une famille politique où l’on n’apprécie guère les « intellos » et où l’on conspue régulièrement les élites. Or, qui niera que les universitaires font partie de ces « élites » tant honnies par le FN ? Marine Le Pen n’a pas cependant à rougir de son cursus : elle est avocate, ce qui est une situation honorable. A bien des égards, les deux candidats à la succession de Jean-Marie Le Pen sont intellectuellement très supérieurs à Nicolas Sarkozy qui dispose d’un réel talent de politicien mais se trouve dénué de toute culture générale digne de ce nom. Et M. Gollnisch sait manier un français que M. Sarkozy aurait bien du mal à utiliser… Pour revenir à Marine Le Pen, il est probable que son père l’a poussée sur le devant de la scène médiatique, autant par tactique politique que par fierté paternelle (ou solidarité clanique si l’on est plus sévère).
Mais Marine Le Pen n’est pas seulement un produit médiatique, parce qu’on peut considérer qu’elle a aussi fait ses preuves. Les grands chefs du FN se sont divisés depuis plusieurs années l’espace national : Jean-Marie Le Pen a régulièrement mené le combat en Provence-Alpes-Côte-D’azur, Bruno Gollnisch est implanté en Rhône-Alpes, en particulier dans la région lyonnaise, et Marine Le Pen, venue plus tardivement, s’est vue confier une « terre de mission » prometteuse, à savoir le Nord-Pas-de-Calais. Et la greffe a réussi. Marine Le Pen a su conquérir une véritable audience dans le Nord, symbolisée par la fameuse bataille électorale d’Hénin-Beaumont en 2009 (47,62 % des voix pour la liste FN, avec une participation de plus de 60 %). Actuellement, Mme Le Pen est conseillère municipale d’Hénin-Beaumont, conseillère régionale du Nord-Pas-de-Calais et députée européenne pour la circonscription Nord-Ouest. Ce n’est pas mal ! Même si pour ma part, je me demande si tous ces mandats sont exercés de manière assidue… Au moins, Marine Le Pen peut se prévaloir d’une véritable expérience d’élu, et d’élu local. Elle a « affronté le suffrage universel » comme dit Nicolas Sarkozy.
Les bons scores enregistrés par le FN aux dernières élections régionales dans le Nord donnent toute légitimité à Mme Le Pen pour briguer la direction du parti. Reste le problème de son patronyme. Le fait est que la suspicion de « piston » et de favoritisme est grande, et risque de le rester, d’autant que Jean-Marie Le Pen a pris parti. Ainsi, si Marine Le Pen l’emporte, et en dépit de ses mérites propres, les esprits chagrins du FN auront beau jeu de crier qu’elle doit son trône à son père. Et ils n’auront sans doute pas tout à fait tort.
Marine Le Pen : la forme
Mme Le Pen est souvent jaugée à l’aune de la personnalité paternelle, sulfureuse, contestée et truculente, qui fait scandale depuis des années sur la scène politique française, et qui parfois nous distrait, car il faut bien dire que la plupart des dirigeants de droite ou de gauche ne distillent qu’un ennui soporifique lorsqu’ils étalent leur rhétorique technocratique ou compassionnelle (c’est selon) sur la place publique. Et on souligne régulièrement le côté plus « respectable » de la fille : pas de remarque polémique sur la Seconde Guerre Mondiale, pas de jeu de mots douteux, aucun antisémitisme (du moins affiché). Le complot « judéo-maçonnique » semble avoir disparu de la rhétorique mariniste. Marine Le Pen a d’autres atouts, et elle sait en jouer. Elle est une femme, ce qui « casse » l’image d’un parti souvent jugé patriarcal, viril, pour ne pas dire franchement machiste. D’un autre côté, Mme Le Pen en impose, physiquement par sa taille, et par sa voix rocailleuse (que je trouve désagréable, mais c’est mon point de vue) qui a de « mâles accents », si j’ose dire. Bref, on ne saurait nier qu’il émane d’elle une certaine autorité, ce qui plaît à n’en pas douter chez les frontistes. Ajoutons qu’elle paraît avoir un tempérament bien trempé, ce qui n’est certes pas un défaut en politique. Elle apparaît donc comme une « forte femme » pourrait-on dire, mais sans le côté « soudard brutal » que cultivait volontiers Jean-Marie Le Pen (un des aspects d’une personnalité complexe, qui sait aussi manier références antiques et imparfait du subjonctif comme le remarquait justement un analyste politique). Sans avoir autant que son père le sens de la répartie et de la formule, Mme Le Pen se défend. Lors de l’émission, elle a eu, je trouve, quelques formules heureuses : « front mondialiste » contre « front national », assez bien trouvé, ou encore lorsqu’elle a renvoyé la question sur le machisme qu’elle a rencontré au FN à celui auquel a pu être confronté Rachida Dati à l’UMP, réponse habile…
Cela étant, il me semble que les différences sont surestimées. Comme son père, Marine Le Pen a une fâcheuse tendance à vociférer. Je ne lui ferais pas grief de couper la parole à son interlocuteur : tous les politiques et la plupart des journalistes le font ! A ce sujet, au lieu de virer Eric Zemmour, on pourrait peut-être réclamer le renvoi d’Alain Duhamel. Ce dernier est un présomptueux, désagréable au possible, agressif, véhément et parfaitement irrespectueux de la parole d’autrui. Chacune de ses interventions m’est pénible, car il ne sait pas se taire. De plus, il ne supporte apparemment pas d’avoir tort. Quand on sait que ce sinistre individu enseigne à Sciences Po… Parenthèse fermée, ou je vais tenir des propos désobligeants sur cette noble institution. Marine Le Pen est aussi, comme son père, souvent dans l’approximation. Mais je dois dire qu’elle s’est montrée plus précise jeudi soir que face à Eric Besson. Cela étant, je n’ai toujours pas compris sa solution concernant les conséquences de l’immigration. Limiter les entrées, d’accord. Mais concernant les populations issues de l’immigration et dotées de la nationalité française, que fait-on ? On met la plupart des hommes de plus de 16 ans en prison (solution américaine pour les « Afro-américains ») ? Je répète pour ma part qu’il m’apparaît nécessaire de réexaminer toutes les naturalisations effectuées depuis 1980, afin de déchoir de la nationalité et d’expulser les indésirables, à savoir les musulmans militants, les criminels et les délinquants. Et à ceux qui hurlent à la violation des droits de l’homme, je réponds que les Français d’Algérie vivaient depuis plus d’un siècle pour certains de l’autre côté de la Méditerranée. Leur a-t-on laissé le choix ? J’ajoute que les monarchies islamiques du Golfe, qui sont tout à la fois nos grands amis (et créanciers) et les généreux donateurs de toutes les associations qui diffusent en Occident un islam rétrograde et agressif, ne prennent pas de gants avec leurs (nombreux) immigrés indiens, philippins, indonésiens… Ils les parquent dans des camps, et quand il faut les expulser, pas une once de compassion !
Enfin, il semblerait que Marine Le Pen, sans tomber dans les dérapages verbaux de son père, ne soit pas à l’abri d’une phrase… disons malheureuse. Comparer les prières musulmanes à l’Occupation allemande comme elle vient de le faire me paraît très excessif et contre-productif. Cela étant, il semblerait que ses propos aient pu être déformés.
Marine Le Pen : le fond
Le discours conventionnel sur Mme Le Pen est le suivant : la forme est plus acceptable que chez son père, mais le fond des idées est le même. Si ceux qui pensent cela, notamment à gauche, ne se rendent pas rapidement compte qu’ils ont tort, ils pourraient avoir une très mauvaise surprise. Certains craignent un 21 avril 2002 « à l’envers ». C’est à mon avis sous-estimer l’UMP (qui a un noyau électoral solide et discipliné) et surestimer le PS. Ce dernier est dans une période de turbulences, peut-être pour 6 mois encore. La campagne interne des primaires pourrait avoir des conséquences incalculables. Le problème de l’électorat « de gauche », c’est qu’il n’est pas entièrement acquis au capitalisme financier, ni même à la construction européenne, alors que les dirigeants du PS sont quasiment tous (Arnaud Montebourg étant à mon avis un opportuniste sans consistance) ralliés à la « gestion » de la mondialisation libérale, et des européistes convaincus de surcroît. Il est de plus en plus probable que Jean-Luc Mélenchon et Olivier Besancenot seront candidats en 2012. Lutte Ouvrière a déjà présenté sa candidate. Je pense que M. Mélenchon pourrait être très dangereux pour les socialistes. Il pourrait récupérer une partie des suffrages de la gauche du « non » au référendum de 2005, dans des circonstances où l’actualité européenne ne pousse guère à éprouver de la tendresse pour l’UE. Jean-Luc Mélenchon est un bon orateur, et il occupe le terrain. Il a du charisme. Or Ségolène Royal est à mon avis discréditée. Dominique Strauss-Kahn a un profil trop libéral, qui déplaira à certains électeurs. Il reste Martine Aubry, sérieuse, crédible, mais fade et ennuyeuse. Et le drame de la V° République, c’est l’élection présidentielle, qui décide de tout, et qui personnalise au maximum le vote. Je me trompe peut-être, mais je ne vois pas au PS une personnalité en état de conquérir réellement l’opinion. Le PS ne doit pas trop compter sur le centre : François Bayrou sera certainement candidat (bien que je crois qu’il subira une défaite mémorable), et peut-être Hervé Morin (qui auquel cas prendrait des voix à l’UMP). La situation ne paraît pas si mauvaise, après tout, pour le FN.
D’autant que Marine Le Pen est en train d’opérer une révolution idéologique chez les frontistes. Son père était l’héritier, non point du fascisme ou du nazisme, mais de la vieille droite nationaliste et populiste, plus Ligue des patriotes qu’Action française d’ailleurs, plus Déroulède que Maurras. Plus encore, Le Pen père est l’héritier du poujadisme et des nostalgiques de l’Algérie française (parmi lesquels il n’y avait guère de « néo-nazis » ou de pétainistes, beaucoup étant issus de la Résistance, n’en déplaise à certains). Cette droite est anti-parlementaire sans être complètement anti-républicaine. De ce point de vue, la V° République dont la présidentialisation s’est accrue lui convient assez bien. Jean-Marie Le Pen n’est pas monarchiste, ni même catholique intégriste. Sa droite « nationale » est surtout réactionnaire et conservatrice. Elle est opposée, moins à la République elle-même qu’aux valeurs héritées du radicalisme du début du XX° siècle, comme la laïcité. Jean-Marie Le Pen utilisait souvent les termes « nation » et « patrie », beaucoup moins « république ». Ce défenseur des écoles privées confessionnelles n’a jamais porté dans son cœur la laïcité. Cet ancien poujadiste a longtemps tenu un discours anti-étatique, dénonçant des « fonctionnaires pléthoriques » et des impôts écrasants. De même, le programme politique du FN était encore très libéral au plan économique au début des années 2000 lorsque je le consultai à cette période.
Or Marine Le Pen a tenu un discours très éloigné des fondamentaux paternels : le mot « république » est revenu à plusieurs reprises dans sa bouche. Mais elle est allée aussi sur le terrain de la laïcité (inimaginable il y a quelques années pour un dirigeant frontiste) et a même dénoncé la suppression des services publics ! Les fonctionnaires rentreraient-ils en grâce ? De même, Mme Le Pen s’en est pris au « libéralisme », ce qui est nouveau. Certains y voient l’influence d’Alain Soral (parti du FN depuis, et qui rumine désormais un antisémitisme obsessionnel). Elle a clairement évoqué la sortie de l’euro et même de l’Union européenne, alors que de nombreux partis eurosceptiques (sauf le Parti Ouvrier Indépendant) se contentent de la ritournelle sur « une autre Europe ». Autre sujet abordé sous un angle inhabituel au FN : l’islam. Autant Jean-Marie Le Pen s’en est toujours pris avec constance à l’immigration (maghrébine notamment), autant sa position sur l’islam était plus ambigüe. C’est qu’au FN on était partagé (et on l’est encore) entre d’une part la crainte de cette religion étrangère si dynamique, et de l’autre la haine viscérale envers la laïcité, produit maudit d’une France « maçonnique » et « enjuivée ». Marine Le Pen a opéré un choix clair, celui d’attaquer l’islam et de récupérer la laïcité dans son bagage idéologique. Du coup, toute une partie de l’extrême droite qui s’est associée historiquement au projet frontiste hurle à la trahison. Si l’on ajoute à cela la tiédeur de Mme Le Pen concernant l’interdiction de l’avortement, cela explique le déchaînement de haine dont elle fait l’objet chez les plus radicaux. Déchaînement de haine qui en réalité la sert, puisqu’il démontre qu’elle est effectivement en train de tourner le dos à des factions d’extrême-droite.
Alors, ce virage idéologique est-il sincère ? Ou bien faut-il y voir un opportunisme électoral qui masque une allégeance de fait aux fondamentaux du FN ? J’ai pour ma part, en tant que fonctionnaire, un peu de mal à considérer Mme Le Pen comme défenseure de la fonction publique. Et on touche là à un point important, la limite sans doute de Marine Le Pen : elle est une héritière, son nom et celui de son parti la condamnent à mon sens à le demeurer. Malgré ses efforts, je doute qu’elle parvienne à se détacher complètement de son père et du passé de son parti. D’autant que ces éléments fondent pour une part sa légitimité. Dilemme cornélien.
Marine Le Pen occupe le vide
Comment le Front National en est-il arrivé à s’emparer des thématiques de la République et de la laïcité ? Comme toujours, la nature a horreur du vide. Au cours des années 80 et 90, la gauche et la droite ont abandonné les références à la patrie et à la nation, préférant conserver uniquement le terme abstrait (et donc commode) de « république ». Ce dernier, galvaudé, a été progressivement vidé de sa substance historique. En effet, la République française est sociale (c’est inscrit dans la Constitution), or le modèle social français est méthodiquement démantelé depuis près de 10 ans par la droite. François Fillon est le maître d’œuvre et l’idéologue de cette destruction programmée et bien évidemment « nécessaire ». La République française est laïque, or les autorités locales et nationales montrent une incroyable complaisance à l’égard d’une religion, l’islam, qui, en échange de cette tolérance, réclame toujours plus de « commodités » pour une pratique religieuse ostensible, agressive et au final intégriste. Les élus « se couchent », aident au financement des mosquées et suppriment le porc dans les cantines. Et ils appellent cela « intégration ». La République française a dans sa devise les mots « Liberté » et « Egalité », or les Indignes de la République et les rappeurs « issus de l’immigration » éructent en toute impunité leur haine de la France voire leur racisme assumé (!), tandis que les Français natifs qui s’aviseraient de critiquer les populations issues de l’immigration sont tout aussitôt traînés devant les tribunaux, couverts d’opprobres et taxés de « fascisme » ou de « racisme ». Mme Le Pen a évoqué ce « deux poids, deux mesures » injuste, et ce faisant, elle fait mouche. La législation antiraciste se transforme en délit de blasphème et en crime de « lèse-minorité ». Aujourd’hui, certains musulmans et leurs amis réclament même publiquement qu’on bâillonne ceux qui ne sont pas d’accord avec eux. Ainsi, cette logique liberticide s’est trouvé récemment un nouvel objet : les assises sur l’islamisation organisées (entre autres) par Riposte Laïque dont d’aucuns réclament l’interdiction pure et simple ! On croit rêver. La démocratie repose sur la liberté d’expression et le débat contradictoire. Les musulmans, les gauchistes et les bobos qui n’ont pas compris cela n’ont rien à faire en France. Je leur reconnais le droit de s’exprimer, pas celui d’empêcher les autres de parler !
Le FN s’est emparé des thématiques abandonnées par les autres, depuis les années 80 : patrie et nation hier, république et laïcité aujourd’hui. En 2010, pour parler d’ « identité nationale » en cours, je suis obligé de préciser que ce n’est pas un gros mot, ni un terme « nauséabond »… Il se trouve que beaucoup de Français sont attachés à la nation, à la patrie, à la République, en un mot à la France. Il se trouve que beaucoup de nos compatriotes tiennent au caractère laïc de notre pays, et s’inquiètent de la progression visible des pratiques et coutumes islamiques. Beaucoup de Français s’interrogent également sur la construction européenne et sur les bienfaits de l’immigration. Précisons que l’immense majorité de ces citoyens ne sont ni fascistes, ni nazis. Or les partis établis refusent d’aborder ces thèmes (PS) ou bien en parlent mais ne font rien (UMP). Ces partis ont ouvert un boulevard pour le FN, et Marine Le Pen a eu l’astuce de s’engouffrer dans la brèche. Elle a ainsi la possibilité de surfer sur des thèmes populaires, dont elle sait qu’ils vont lui apporter des électeurs. Pourquoi se priverait-elle ?
Au cours de l’émission, le député-maire socialiste d’Evry, Manuel Valls a déclaré : « c’est à la gauche de se saisir de ces sujets, la République, la laïcité, l’autorité ». Il a par là reconnu que, de fait, son parti a abandonné ces thèmes depuis des années… De plus, M. Valls a ressorti le vieux discours anti-FN, dénonçant le fait qu’on « dresse les Français les uns contre les autres, on est dans la stigmatisation ». Ces propos me laissent rêveurs. Que penser de toute cette gauche, sociale-démocrate ou radicale, qui passe son temps à invectiver les citoyens en désaccord avec elle, qui exclut du débat démocratique ceux qui ne pensent pas « bien » ? N’est-ce pas dresser les Français les uns contre les autres ? Est-ce donc grandir la démocratie ? Avant de donner des leçons, Manuel Valls ferait bien de méditer sur les méthodes ignominieuses employées par sa famille politique pour faire taire ses opposants.
En fait, Marine Le Pen n’occupe pas tant un vide idéologique qu’un vide politico-médiatique. En effet, les mouvements souverainistes, républicains, « patriotes » (puisque « nationalistes » fait toujours peur), laïcs pullulent en réalité : Riposte Laïque, Résistance Républicaine, Debout La République (DLR), l’Union Populaire Républicaine (UPR), le Comité Valmy, le Rassemblement pour l’Indépendance et la souveraineté de la France (RIF), l’Ordre républicain, l’Union gaulliste… Il y a pléthore de bonne volonté ! Mais ce surnombre est un frein pour une action efficace. Je crains d’autre part que plusieurs de ces groupes soient, sinon sectaires, du moins dans une logique de « gardiens jaloux du temple », notamment les gaullistes, parfois plus préoccupés d’entretenir la tombe du Général que d’entrer dans l’arène. La principale faiblesse est pourtant ailleurs : c’est l’absence de chef charismatique. Nicolas Dupont-Aignan (DLR), Paul-Marie Coûteaux (RIF) ou François Asselineau (UPR) sont tous des hommes éminemment respectables, mais le fait est qu’aucun n’a vraiment la personnalité (ou la volonté) pour s’imposer. Trop discrets ? Trop prudents ? Trop hésitants ? Si la mouvance républicaine, patriote et souverainiste veut vraiment exister (et je suis convaincu qu’elle pourrait conquérir un espace politique considérable), ses dirigeants et ses composantes devraient se réunir autour d’une table et se mettre d’accord sur un programme et un chef (ou au moins un directoire). J’ajoute que gémir en regrettant le « bon temps » du Général ne mènera à rien. Cette mouvance regarde, atterrée, les progrès du FN depuis des années, et pousse des cris d’orfraie aujourd’hui en voyant Marine Le Pen se lancer à l’assaut de leur « temple » républicain. Mais ces républicains ne sont-ils pas les premiers coupables ? Ils ont été incapables de s’organiser et d’exister sur l’échiquier politique. Eux aussi ont ouvert la voie à Mme Le Pen. M. Dupont-Aignan, qui dénonce l’euro et la construction européenne, n’a pas eu le courage de prôner une sortie de l’UE. Sur l’islam ou sur l’immigration, il est « prudent », c’est-à-dire hésitant. Marine Le Pen, avec des positions plus tranchées, prend l’avantage sur ces thématiques, parce qu’elle répond aux attentes d’un nombre croissant de citoyens.
Conclusion
Je ne suis ni prophète, ni devin, mais je pense que si Marine Le Pen s’impose à la tête du FN, et lance sa campagne présidentielle sur les thèmes qu’elle a esquissé chez Arlette Chabot, elle pourrait faire un gros score. Tous ceux qui lui abandonnent des thèmes chers aux Français porteront une lourde responsabilité le moment venu.
Je ne jette pas la pierre à Mme Le Pen : elle occupe un créneau politique délaissé et porteur, c’est de bonne guerre. Je la crois plus désireuse du pouvoir que son père, qui avait fini par se complaire dans la posture de l’opposant et de la victime de l’ « establishment ».
Nous verrons bien ce que tout cela donnera. Mais il est fort possible qu’en 2012, il faudra compter à nouveau avec le FN.