Parlons d'immigration
Mon problème avec la gauche, du moins avec une certaine gauche, c’est et cela a toujours été l’immigration. Pour des raisons qui demeurent mystérieuses, les « penseurs » de gauche snobent les questions d’immigration. Pourquoi ? Cette problématique sent-elle mauvais ? Est-ce une thématique trop populacière ou démagogique, peut-être ? On ne sait pas. Pour le blogueur Edgar, parler d’immigration, c’est une preuve de « déconnexion du réel » [1]. Pour l’un des commentateurs de son blog, professeur d’économie de son état, « il est plus facile de prêter aux "immigrés" ou aux "musulmans" la responsabilité de ce malaise social que d'adhérer à un discours rationnel sur les méfaits du néolibéralisme. » [2]. On pourrait rétorquer que le communautarisme ethnique ou confessionnel, alimenté par l’immigration, a tout à voir avec une certaine idéologie libérale, anglo-saxonne par exemple. Mais non, seule l’économie compte. Soyons clair : je ne minimise pas l’importance des questions économiques. Je l’admets volontiers, j’ai de grosses lacunes dans cette discipline, ce n’est pas ma spécialité et j’ai du mal à me passionner pour ce domaine. Mais un raisonnement politique doit impérativement prendre en compte l’économie, donc je travaille à me constituer un (maigre) bagage théorique dans ce domaine. Les articles du blog de Descartes [3] présentent de ce point de vue un intérêt certain. Je respecte tout à fait ceux qui ont une véritable culture économique. Ce que j’accepte moins facilement, c’est le mépris et l’arrogance dont ils font preuve à l’égard de ceux qui, comme moi, traitent des questions plus culturelles, plus « identitaires » pourrait-on dire. Que nous disent Edgar et consorts en substance ? Grosso modo que l’économie est l’alpha et l’oméga, que traiter des questions économiques, c’est parler des seules véritables questions sérieuses, et que le reste, c’est juste bon pour les guignols qui veulent amuser la galerie, ou pour les fachos qui souhaitent voir monter Marine Le Pen. Je condamne fermement cette vision des choses. Oui, les préoccupations économiques sont prioritaires pour les Français, comme probablement pour la quasi-totalité des sept milliards d’êtres humains qui peuplent la Terre. Mais « préoccupation prioritaire » ne signifie pas « unique préoccupation ». Je crois sincèrement que les problématiques d’immigration, de communautarisme, d’intégration/assimilation, d’acculturation, d’identité nationale intéressent aussi de nombreux Français, et pas forcément des citoyens « déconnectés du réel ». Dès lors, pourquoi mépriser ces thèmes ? Au nom de quoi n’aurions-nous pas le droit de débattre sur l’immigration, ses conséquences, son utilité ?
Tout est parti d’un article de Descartes (le blogueur). Ce dernier ayant utilisé l’expression « penser l’impensable », j’ai rebondi sur cette élégante alliance de mots pour poster un commentaire un peu provoquant [4]. Je me demandais jusqu’où l’on pouvait « penser l’impensable », et j’évoquais le départ de centaines de milliers d’immigrés et descendants d’immigrés de culture musulmane. Eh bien, je dois dire que je ne fus pas déçu. Un commentateur me qualifia poliment d’ « héritier spirituel d’Alfred Rosenberg ». Plusieurs intervenants ont sur-interprété mes propos en imaginant que j’avais évoqué l’expulsion forcée de la totalité des musulmans vivant en France. Ce qui en dit long sur les « impensés » de ces personnes. Il est intéressant de noter aussi ce que les gens imaginent dès qu’on parle d’ « expulsion forcée » : l’armée et la police débarquant chez les pauvres immigrés, les bergers allemands (forcément allemands…) aboyant dans la nuit, sous la lueur blafarde des lumières des hélicoptères militaires, les femmes pleurant, les jeunes enfants hurlant de terreur… On se croirait dans un remake de La Rafle. C’est ignorer qu’il y a des moyens beaucoup plus subtiles de pousser des gens à partir, en leur rendant la vie pénible sans toutefois les maltraiter physiquement [5]. J’ajoute que la simple application de la loi française dans de nombreux quartiers permettrait déjà de séparer le bon grain de l’ivraie : les trafiquants de toutes sortes, privés des revenus de leurs méfaits, finiraient bien vite par quitter le sol français, à moins qu’ils ne soient tués en affrontant les forces de l’ordre. La suppression de la double nationalité imposerait enfin un choix aux immigrés et à leurs descendants : la France ou le pays d’origine. Car c’est un peu facile de prétendre être étranger, de brandir le drapeau du pays de ses ancêtres tout en réclamant l’égalité des droits avec les Français. On pourrait également rêver – soyons fou – que la réglementation française sur l’abattage des bêtes de boucherie, qui condamne de fait le hallal, puisqu’elle stipule que l’animal ne doit pas souffrir si ce n’est pas nécessaire (et cela me semble un principe louable), soit appliquée de manière plus stricte. On pourrait également imaginer que les cantines cessent de se plier aux injonctions communautaires. Ainsi, les « vrais croyants » seraient bien obligés de s’envoler tôt ou tard pour un territoire un peu plus « islamo-compatible ». Ensuite, quelques mesures ponctuelles, comme le durcissement de l’accès à la nationalité, la fin de l’assistanat généralisé (y compris pour les natifs, cela va de soi), un contrôle plus tatillon des mosquées et des imams, bref une politique, non pas agressive, mais disons de mauvaise volonté, de vexations, suffirait je pense à faire comprendre à certains que leur présence n’est pas souhaitée sur le sol français.
Mais je voudrais revenir sur certains arguments qui ont été avancés par mes contradicteurs (dont je salue la courtoisie à une exception près) et qu’il me paraît important de réfuter. Et j’évoquerai d’abord la « tradition assimilationniste » de la France. Nombre de communautaristes patentés qualifient l’assimilation de position néocolonialiste. Malheureusement, ils n’ont pas tort. L’idéal de l’assimilation est une des facettes de la politique impériale et coloniale de la France, de la fin du XIX° siècle jusqu’à la décolonisation. Descartes pense qu’on ne doit pas confondre les deux, je suis d’un avis contraire. D’une certaine façon, assimilation et impérialisme sont indissociablement liés. L’identité française pouvait séduire des colonisés quand elle était forte, lorsqu’elle s’imposait, par la violence si nécessaire, et ne souffrait aucune contestation. Ce temps est révolu. Aujourd’hui, l’assimilation n’est plus possible, même si la croissance revenait, même si le plein-emploi était là. Tout simplement parce que le facteur économique n’est pas déterminant. La France continuait à assimiler dans les années 30, alors même que la crise économique sévissait. Pourquoi ? Parce qu’elle acceptait de chasser des étrangers, tout en se montrant exigeante avec ceux auxquels elle offrait la nationalité française. La conjoncture économique ne suffit pas à donner de la force à un peuple, même si elle y contribue. Au début des années 2000, la situation économique n’était pas mauvaise et pourtant Jean-Marie Le Pen accéda au second tour de l’élection présidentielle un certain 21 avril 2002. En 2012, dans un contexte de crise aigüe, sa fille et héritière réalise un score honorable… mais se trouve loin derrière les qualifiés au second tour. Voilà un fait qui mériterait d’être médité. La France de 2002, c’était celle de la coupe du monde de 1998, la France victorieuse, unie, la France « black-blanc-beur », riche de sa diversité. A l’époque, on polémiquait sur la « cagnotte » dont disposait le gouvernement. Heureux temps, et pourtant… L’assimilation, c’est terminé. J’entends par là l’assimilation de masse. La France a encore des ressources, elle peut retrouver de sa vigueur et de sa grandeur, et je le souhaite ardemment. Son identité peut redevenir plus attractive qu’elle ne l’est aujourd’hui. Pour autant, il faut se faire une raison et arrêter de se bercer d’illusions : la France s’est repliée sur la métropole avec la décolonisation, et nos horizons se sont en partie rétrécis. Ce qui ne m’empêche pas de penser qu’il y a des cartes à jouer pour notre pays du côté de la francophonie. Et que la France peut encore assimiler des individus, mais pas des populations entières.
D’un côté, l’identité nationale s’est affaiblie, le peuple français doute (ou plutôt on le fait douter devrais-je dire), de l’autre, les immigrés qui nous arrivent ont, eux, une identité de mieux en mieux définie. Lorsque les Français conquirent l’Afrique de l’Ouest au XIX° siècle, il n’y avait pas de nation, il n’y avait guère d’Etat. Aujourd’hui, les choses ont changé. Bien sûr, beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne sont instables, ont des identités nationales fragiles, minées par les querelles ethniques et confessionnelles, bien sûr le tribalisme est encore à l’ordre du jour. Il n’empêche qu’il existe des états africains, et que ceux-ci construisent et diffusent de nouvelles identités nationales. Or ces dernières se sont en parties bâties contre l’ancien colonisateur, ce qui est tout à fait logique. Il faut se souvenir de ce que fut la colonisation française : les Français débarquèrent en disant aux indigènes qu’ils venaient leur apporter la « civilisation », ils construisirent quelques routes, hôpitaux et chemins de fer, accessoirement quelques écoles (mais tous les petits indigènes n’y allaient pas, les lois Ferry, c’est pour le petit métropolitain) ; ils édifièrent des bâtiments officiels avec la devise républicaine « liberté – égalité – fraternité »… avant de mettre les indigènes au travail, forcé parfois, de les enrôler dans l’armée française et de les gouverner de manière autoritaire, tout en respectant le cas échéant les pouvoirs tribaux et les potentats locaux, qui ne sont pas vraiment réputés historiquement pour promouvoir l’égalité et la liberté. Tant de contradictions ne pouvaient pas ne pas se retourner contre le colonisateur. Les autochtones estimèrent à juste titre qu’il y avait quand même tromperie sur la marchandise, et qu’on les prenait un peu pour des simples d’esprits ou de grands enfants. De ce point de vue, ne le nions pas : la colonisation a produit un discours et une pratique très paternalistes, fondés sur des préjugés raciaux. A tous ceux qui vantent les « principes républicains » universels de la France, je leur rappelle que nos dirigeants ont longtemps estimé que lesdits principes s’appliquaient d’abord et essentiellement à nous-mêmes, les citoyens français natifs. Est-ce à dire qu’ils n’avaient rien compris à la République ? L’ « égalité » républicaine, c’est l’égalité entre les citoyens français, et non entre citoyens et étrangers. La « liberté » républicaine, c’est la liberté de s’exprimer et de participer à la vie politique pour le citoyen français, et non la liberté pour les immigrés de venir ici par millions, d’imposer leur culture et d’acquérir le droit de vote sans contrepartie. Je pense qu’il y a de gros malentendus historiques sur la signification des valeurs de notre République, chez beaucoup de gens de gauche.
Mais surtout, il est un point fondamental sur lequel je voudrais insister : les immigrés originaires des anciennes colonies françaises du Maghreb et d’Afrique subsaharienne sont issus de populations qui ont choisi de ne pas être françaises, et de ne plus s’identifier, ni de près, ni de loin, à la nation française. A ceux qui invoquent le « passé commun » entre le colonisateur et le colonisé, je rappelle cette vérité : la décolonisation est une séparation et une rupture. L’ « histoire commune » s’est arrêtée avec les déclarations d’indépendance. Par conséquent, les immigrés originaires des anciennes colonies n’ont pas le droit d’invoquer le « passé commun », ou le sacrifice de leurs ancêtres au service de la France. Leurs ancêtres, justement, ont majoritairement choisi dans les années 60 de devenir des étrangers. Je respecte ce choix mais je demande aux populations maghrébines et subsahariennes d’assumer la décision de leurs pères. Vous avez voulu être Algériens, Tunisiens, Sénégalais, Ivoiriens, Camerounais, votre avenir est désormais en Algérie, en Tunisie, au Sénégal, en Côte-d’Ivoire ou au Cameroun, et non en France, point à la ligne. Je ne veux rien entendre sur la « faillite » des états nouvellement indépendants, ce n’est pas mon affaire, ni celle de la France en général. Je trouve que la Françafrique a bon dos toute de même. Ce n’est pas la France qui a mis sur la paille ses anciennes colonies (si l’on excepte peut-être le cas très particulier d’Haïti). Il est un peu facile, au bout de cinquante ans, pour des gens majoritairement nés après l’indépendance, de débarquer en France en pleurnichant et en nous expliquant que la France a des devoirs envers eux parce que le grand-père était tirailleur sénégalais ou parce que la France a exploité le « cher pays » d’origine. Maintenant, c’est à eux de l’exploiter, ils n’ont plus de maîtres. Par conséquent, à partir du moment où les colonies du Maghreb et d’Afrique subsaharienne accédaient à l’indépendance, il devenait clair que leurs populations n’avaient plus vocation à devenir françaises. Je souhaite pour ma part que ce principe soit clairement affirmé. Si l’on était cohérent, les ressortissants des anciennes colonies ne devraient même pas avoir accès à la nationalité française (ce qui ne les empêche pas éventuellement de résider, d’étudier ou de travailler temporairement ici), non point pour des raisons ethniques ou culturelles, mais pour des raisons politiques : respecter la volonté d’indépendance qui a présidé à la décolonisation. J’en profite pour rappeler que l’Algérie a empêché les pieds-noirs d’acquérir la nationalité algérienne, alors que cela était prévu dans les accords d’Evian. Evidemment ce principe souffre des exceptions liées aux circonstances historiques (je pense aux harkis). Seulement voilà, Maghrébins et Subsahariens veulent souvent le beurre et l’argent du beurre. Ils exploitent de surcroît la mauvaise conscience que nombre de nos bienpensants distillent comme du poison dans le débat public pour décourager d’éventuels citoyens de protester contre cette « évidence » qui nous enseigne que les immigrés maghrébins et subsahariens installés en France sont « naturellement » destinés à devenir des citoyens français.
Ensuite, plusieurs contradicteurs m’ont fait remarquer que l’intégration était en fait en cours, que beaucoup d’immigrés et descendants d’immigrés s’étaient de fait francisés. Première remarque : parle-t-on de francisation ou d’américanisation ? Porter des jean’s, aller chez Macdo, boire du coca, ce n’est pas être « francisé ». Alors, on me dit qu’il y a moult immigrés ou descendants d’immigrés « de culture musulmane » qui boivent l’apéro, mangent des cochonnailles, et se souviennent qu’ils sont musulmans uniquement pour les mariages et les enterrements. Je veux bien. N’empêche que le ramadan serait suivi par 70 % des musulmans contre 60 % il y a dix ou quinze ans. Dans le même temps la pratique du catholicisme (et peut-être même du protestantisme) baisse régulièrement. Est-ce que le carême est plus suivi de nos jours qu’il y a dix ans ? J’ai quelques doutes. Depuis déjà longtemps, les Français natifs, et à leur suite les descendants d’immigrés originaires de pays européens (où l’on observe souvent le même phénomène), se détachent de la religion. Dans le même temps, de plus en plus de musulmans suivent le ramadan et on assiste à une réislamisation de la jeune génération, souvent née en France. Conclusion ? Etrange intégration d’un groupe dont le comportement va globalement à contre-courant du reste de la population ! Cette réislamisation n’est pas une invention ou un fantasme de ma part. Elle est soulignée par exemple par l’islamologue Gilles Kepel. Par ailleurs, je puis témoigner que, dans nos établissements scolaires, nous sommes confrontés à une insidieuse poussée des affirmations et revendications communautaires des familles musulmanes (et autres). Entendons-nous bien : je ne nie pas que des immigrés ou descendants d’immigrés s’attachent à la France, adoptent un mode de vie français et se fichent pas mal de l’islam. Quelques-uns mêmes apostasient et deviennent de virulents islamophobes. D’autres font de réels efforts pour concilier leur foi et leur pratique religieuse avec la culture française, et acceptent des accommodements (ce qui relève du bon sens : c’est bien à l’immigré de s’accommoder et de s’acclimater). Mais à côté de ceux-là, il y en a d’autres qui préfèrent la culture musulmane et refusent les concessions. Or ces derniers sont de plus en plus nombreux. Je n’avancerai pas de chiffres, ni de proportions. Je pense qu’il y a deux pôles parmi les immigrés et descendants d’immigrés originaires de pays musulmans : une minorité d’assimilés et une minorité d’intégristes purs et durs. Entre les deux, les gros bataillons des musulmans de France (français ou étrangers) balancent. Mais j’ai quand même l’impression qu’un nombre croissant bascule du côté des intégristes…
Je voudrais aussi évoquer un phénomène dont on parle peu : l’« intégration honteuse » car c’est bien ainsi qu’il faut la nommer. De quoi je veux parler ? Eh bien des immigrés ou Français issu de l’immigration qui s’intègrent… mais en cachette. J’ai en tête plusieurs exemples de jeunes d’origine maghrébine qui, en effet, boivent de l’alcool, consomment de la charcuterie si l’occasion s’en présente, vont en boîte, fréquentent des jeunes femmes « émancipées ». Seulement voilà : ils le font sans le dire à papa-maman, parce que ce serait un scandale. Et quand ils rentrent chez leurs parents, ils font bien sagement le ramadan, et ils respectent à la lettre les interdits alimentaires, pas seulement à la maison (il est bien normal de manger et de boire ce qu’il y a sur la table) mais aussi dans le quartier. Il ne faudrait pas qu’on médise de la famille, qu’on apprenne que Mohamed « vit comme un Français ». Et le jour où le jeune homme commence à évoquer sa tendre moitié, Française native, alors là, la famille fait un bond, car un mariage était déjà arrangé au bled ! Voilà un autre phénomène qui n’émeut guère les optimistes : pourquoi les immigrés si bien intégrés vont-ils chercher leur conjoint dans le pays d’origine ? Je me souviens qu’on avait évoqué devant moi, il y a quelques années, le cas de ce Marocain, intégré, diplômé, qui avait pris femme au pays. Mais son épouse n’avait pas tout à fait reçu la même éducation que lui : elle eut tôt fait de lui interdire le porc et l’alcool ; invitée chez les amis français de son époux, elle refusait de serrer la main ou de faire la bise. Et progressivement, le Marocain intégré s’est… dés-intégré sous l’influence de sa femme venue des campagnes traditionalistes du Maroc. Je ne peux pas dire si c’est un cas isolé ou non, mais je parierais fort qu’on pourrait trouver d’autres exemples. On s’aperçoit de toute façon que les musulmans adeptes de l’ « intégration honteuse » sont un jour ou l’autre obligés de choisir : soit ils se détachent de leur famille pour vivre à l’européenne, soit ils rentrent dans le rang en respectant (au moins en façade) les préceptes de l’islam. Il y a toujours la solution de faire l’hypocrite, mais je ne suis pas convaincu que ce soit très sain. Enfin, le degré de francisation varie au cours de la vie, et peut régresser chez certains Français issus de l’immigration maghrébine ou subsaharienne. Les jeunes sont tentés un temps par le mode de vie occidental, plus libéral, et il arrive fréquemment qu’ils reviennent ensuite à une pratique plus stricte de l’islam. Je conseille vivement aux incrédules d’aller faire un tour sur les forums qui traitent de problèmes conjugaux. Ils découvriront ainsi la réalité du « métissage » et de certaines « unions mixtes » qui produisent l’intégration tant attendue. L’exemple typique est le suivant : une non-musulmane se met en ménage avec un homme de « culture musulmane » mais non pratiquant. Il boit du pinard et mange des saucisses sans problème. Au bout de quelques années pourtant, il renoue avec l’islam, et veut que cette culture soit transmise à ses enfants. Il est très intéressant (et assez tragique je dois dire) de lire alors le désarroi de la femme non-musulmane qui ne sait plus quoi faire : se soumettre ? Résister au risque de briser son couple ? Chercher un compromis bancal ? La réalité n’est pas toujours aussi idyllique que veulent bien le dire les statisticiens immigrationnistes qui s’émerveillent devant la hausse des « unions mixtes ».
La plupart de mes contradicteurs reconnaissaient cependant que l’immigration devait être régulée, et que la situation actuelle n’était pas vraiment satisfaisante. Mais plusieurs m’ont fait remarquer que l’idée de procéder à l’expulsion de tout ou partie de la population musulmane de France était contraire aux principes républicains, ce en quoi ils ont tout à fait raison. Une telle expulsion manu militari ne pourrait se concevoir que dans une situation de crise très grave, probablement à la suite d’affrontements armés confinant à la guerre civile. Cela étant, l’histoire de France a connu des précédents : la Saint-Barthélemy de 1572, outre les massacres bien connus, a provoqué un premier exode des protestants français et aussi de nombreux retours au catholicisme ; la Révocation de l’édit de Nantes de 1685 a évidemment entraîné un second exode des protestants français. Ces faits sont antérieurs à la République. Mais, lors de la Révolution française, la 1ère République, à un moment donné, a, par son attitude répressive, favorisé de fait le départ des Français les plus hostiles à la Révolution comme à la République (les émigrés). Par conséquent, quand on vient me dire que provoquer le départ de certains Français est « contraire à la tradition de notre pays », je souris, et j’invite mes contradicteurs à scruter avec plus d’attention la complexité de notre histoire. L’un des commentateurs du blog de Descartes se démarque néanmoins des autres : c’est Joe Liqueur [6]. Ce dernier est un immigrationniste revendiqué et, chose intéressante (et assez rare), il présente des arguments en faveur de l’immigration, autres que « il faut s’ouvrir à l’Autre parce que c’est bien » ou « regardez-les, les pauvres, nous devons les accueillir ». Joe Liqueur rejette le discours immigrationniste compassionnel. Pour lui, l’immigration est un instrument au service de la France, de sa puissance et de son rayonnement. Il part d’un constat : la densité de population en France est relativement faible en comparaison d’autres pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas. Par conséquent, partant du principe que la puissance d’un pays se mesure entre autres à son poids démographique, Joe Liqueur est favorable à l’ouverture des frontières, à l’accueil de centaines de milliers de migrants par an. Pour les assimiler, il compte sur une politique économique planifiée qui garantira le plein-emploi. Et, selon lui, si tout le monde a un emploi, l’intégration se fera naturellement, le métissage sera un succès tandis que la France, plus peuplée, sera plus forte.
Cette vision des choses me laisse sceptique. Il est vrai qu’elle est optimiste, et se heurte d’emblée à mon incorrigible pessimisme. J’ai adressé plusieurs critiques à Joe Liqueur, et je les porte ici à la connaissance de mes lecteurs. D’abord, oui la démographie est un atout, mais elle ne suffit pas. Un pays peut être très peuplé, s’il est désuni, son poids démographique ne lui suffira pas. Ensuite, l’intégration économique ne suffit pas à produire l’assimilation même si elle la favorise. L’assimilation passe par l’acculturation, qui est un phénomène plus diffus, plus difficile à mesurer. Je pense ensuite qu’il ne suffit pas de planifier l’économie pour atteindre le plein emploi. Il faut se méfier des formules magiques. Je ne maîtrise pas les arcanes de la science économique, mais je suis persuadé qu’organiser la production, créer de la croissance, de la consommation, assurer une juste répartition du travail et des revenus, tout cela est extrêmement délicat. De très nombreux paramètres entrent en compte. Ensuite, je l’ai expliqué, les immigrés d’aujourd’hui ainsi que leurs descendants me paraissent plus difficilement assimilables. Ils sont relativement nombreux, arrivent avec un niveau scolaire bien meilleur qu’autrefois, et une identité mieux structurée. Ajoutons à cela que cette identité s’entretient plus facilement que jadis : avec internet, la téléphonie, les chaînes de télévision satellitaires, l'immigré du XXI° peut, s’il le souhaite, rester assez facilement « connecté » à son pays d’origine. Le regroupement familial favorise le communautarisme, ainsi que le fait d’aller chercher son conjoint dans le pays d’origine. Et puis, de mon point de vue, il y a aussi le rôle de l’islam qui à mon sens est un puissant ferment de ségrégation. L’islam est une religion qui imprègne profondément le quotidien du croyant (là où le catholique pratiquant peut se contenter de sa messe hebdomadaire). Le musulman a plus d’interdits alimentaires que le chrétien, et je soutiens que le « vivre-ensemble », cela se travaille aussi et beaucoup autour d’une table. Or, bien que condamnant le communautarisme, Joe Liqueur a une attitude très ambigüe à l’égard de l’islam et des musulmans. Par exemple, il admet manger souvent du hallal sans problème, alors que l’abattage hallal contrevient à la réglementation française. D’un autre côté, il propose l’interdiction de la circoncision, la considérant comme une mutilation (alors qu’elle peut être pratiquée pour raison médicale), ce qui est une atteinte à la liberté religieuse, et serait sans doute unanimement condamnée comme telle par la communauté internationale. Refuser la circoncision, opération traditionnelle bénigne (quand elle est correctement effectuée), mais accepter que les pauvres bêtes de boucherie agonisent des heures durant par respect de la même tradition ? Pourquoi cette exigence sélective ? Je pense que la position de Joe Liqueur, si elle est plus construite et plus argumentée que chez bien des immigrationnistes, pèche néanmoins sur deux plans : l’excès d’optimisme et une certaine incohérence.
Au final, quelle que soit la conviction de chacun, je pense que le thème de l’immigration a le droit d’être présent dans le débat public. Beaucoup de nos concitoyens l’acceptent. Mais quelques-uns, se croyant sans doute au-dessus de la masse, méprisent superbement la question. Ils ont tort.
[2] Commentaire n°52 :
http://www.lalettrevolee.net/article-voter-front-national-118839463-comments-50.html#c
[3] http://descartes.over-blog.fr/
[4] Malheureusement, le fil des commentaires n’est pas toujours aisé à suivre :
http://descartes.over-blog.fr/villeneuve-sur-lot-panorama-apr%C3%A8s-la-bataille#comments
[5] Question déjà évoquée ici :
[6] Dont le blog est consultable à cette adresse (la position de Joe Liqueur sur l’immigration s’inscrivant dans une réflexion plus vaste sur les moyens de rendre sa puissance à notre pays) :
A découvrir aussi
- Le lobby immigrationniste manifeste
- Les religions contre la République?
- La France face à l'islamisation et aux tensions ethniques