Nationaliste Social et Ethniciste

Nationaliste Social et Ethniciste

Retour du travail

A la France qui se lève tôt...

et qui souvent se couche tard

 

Dix-sept heures, fin de journée, affaires bouclées, casier inspecté, manteau fermé. Une chape de fatigue tombe sur les épaules. Le pas est moins assuré, les idées plus confuses. Il faut rentrer. De nuit. Une heure de route, peut-être plus. Le ciel est déjà sombre. Il pleut. Une pluie fine, dense et drue. Une pluie silencieuse et sournoise. Le moteur démarre, bruit assommant, le concerto assourdissant du voyage. Machinalement, un disque inutile se lance, seuls quelques sons épars seront perceptibles. L'orchestre mécanique n'aime pas la concurrence. Les dernières maisons dépassées, la solitude des bois, enfin. Les cimes dénudées pointent vers le ciel, menaçantes. Une bourrasque un peu violente, le volant se montre rétif. Fausse alerte. Longue route droite, monotone. Bientôt, au détour d'un carrefour giratoire, la nationale, fréquentée à cette heure-ci. L'obscurité est maintenant totale. Comme tous les soirs, la procession peut commencer. Long chapelet mouvant de points lumineux, défilant au pas cadencé des turbines mécaniques. Sphères étincelantes déchirant l'obscurité ou yeux luisants de monstres nocturnes aux corps invisibles. Ces créatures infernales poussent-elles quelques cris ? Rien ne franchira le mur du son lancinant des pistons, injecteurs et courroies qui travaillent. Est-ce la combustion secrète à l'intérieur des machines qui produit cette lumière vive ? Comment savoir ? Étrange réalité, bien irréelle. Ni le son, ni l'image ne paraissent naturels. On se prend à rêver, à imaginer, une autre vérité que les bêtes d'acier défilant sur le bitume détrempé. Ne seraient-ce pas plutôt des lanternes de quelques nains ou esprits de la terre revenant de leur ouvrage souterrain ? Ou peut-être des trolls guettant le naufrageur de l'asphalte qui, attiré par ces lumières faussement rassurantes, s'en ira au devant du même funeste destin que les anciens marins pris par le chant des sirènes. Lumière amie ou lumière ennemie ? Dans un sens, elles montrent la voie, mais ce pourrait être le chemin de l'enfer, après tout. De l'autre, leur agressivité inquiète. Éclairante de loin, aveuglante de près, elle vous frôle sans ménagement et dans l'indifférence. Soudain, deux petits points rouges apparaissent au loin et grandissent. Les forges de l'Enfer sont donc allumées ! Le vent entre cette fois dans la partie, les mains se crispent sur le volant. Les mastodontes de la route commencent à vous narguer, en vous jetant, moqueurs, des hectolitres d'eau sur le pare-brise à chaque rencontre. Pas de visibilité. Les gouttes d'eau s'agrippent à la vitre, formant un mince voile opaque. On croit deviner des mouvements dans l'obscurité. Au détour d'un virage, tombé nez-à-nez avec un village. Rues désertes, façades grises et maussades, fenêtres moroses. Une décoration du Nouvel An clignote encore, seule et ridicule, au-dessus de la grand-rue. Qui a le cœur en fête dans cette ambiance de Fin du Monde ? Une boutique garde sa devanture éclairée, plus loin, une croix verte est allumée, affichant l'heure et la température. Déjà dix-sept heures trente-cinq. Bientôt, la campagne à nouveau, circulation plus calme. Les champs vus le matin sont dans l'ombre. Enfin, après un long moment, deux ou trois autres villages et bien des défilés fantomatiques, au loin, un spectacle presque inattendu : la ville ! Elle brille de mille feux, lascivement affalée le long du fleuve aux eaux sombres et insondables. Là-bas, le clocher de la cathédrale défie les nuages noirs chargés de pluie tel un glaive courageusement brandi dans les ténèbres qui, par couardise ou calcul, font mine de céder. Des lampadaires droits comme des militaires invitent à pénétrer dans l'agglomération, avec une rectitude et une politesse toute britannique. C'est un nouveau monde, la Terre promise. Le sens de la vue vous est rendue. Le macadam lessivé brille comme une limace noirâtre, tandis que vous glissez sur son dos tacheté de blanc. La pluie dessine un rideau de filaments que le véhicule traverse sans encombre. Enfin, le portail franchi, le crissement familier des pneus sur le gravillon. Arrêté devant la vieille porte de bois dont la peinture blanche s'écaille. Le moteur éteint, on recouvre l'ouïe. Le disque a repris au début la même chanson entendu au moment du départ. Vite rangé dans sa pochette. Le silence. Non, juste le bruit feutré de la fine pluie qui caresse la carrosserie. Clignement des yeux, bâillements, le corps tendu pendant le trajet se détend. Il faut affronter l'extérieur, devenu étranger, presque oublié après une heure dans le confinement d'un habitacle exigu. L'air est frais, la pluie réveille les sens. Au loin, une sirène se fait entendre et se perd dans la nuit. Derrière les volets clos, une lueur se devine. A l'intérieur, le confort, la civilisation, la douceur du foyer retrouvé. Plus que quelques mètres, quelques pas. Le grincement complice du portillon, le claquement sec du vieux portail rouillé dont les battants par grand vent se cognent l'un contre l'autre, l'austère boîte aux lettres qui tremble à chaque bourrasque. La porte s'ouvre, le voyage est terminé, je suis rentré.



10/01/2012
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