Nationaliste Social et Ethniciste

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Faut-il mourir pour l'Ukraine?

Le 2 janvier 1792, alors que la menace d'une guerre se précise, Robespierre, dans un discours prononcé au club des Jacobins, a ces mots: "La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d'un politique est de croire qu'il suffise à un peuple d'entrer à main armée chez un peuple étranger pour lui faire adopter ses lois et sa Constitution. Personne n'aime les missionnaires armés". Sages paroles de l'Incorruptible que les révolutionnaires, dans l'enthousiasme du moment et grisés par les victoires, n'appliqueront pas. Je pense même que l'échec final de Napoléon tient à cela: avoir voulu faire le bonheur des peuples de l'Europe en leur apportant les acquis de la Révolution et de son propre gouvernement (Code civil, abolition des privilèges, nouveaux principes administratifs) mais sous la menace du canon.

 

Une très grande tristesse m'envahit en lisant et en écoutant ce qui se passe à l'est de l'Europe. La fuite des populations, les routes encombrées, l'armée ukrainienne débordée, tout cela me rappelle ce que la France a connu lors de la débâcle de 1940. L'Ukraine est un pays de 600 000 km² et de plus de 40 millions d'habitants, donc comparable à la France en terme de superficie, bien que moins peuplé. Même si je veux croire que l'armée française est plus puissante, mieux équipée et mieux commandée que l'armée ukrainienne, cette attaque russe sonne comme un avertissement. L'histoire reprend ses droits, et les pays d'Europe occidentale le découvrent avec effroi. Nous avons vécu des années dans une naïveté irénique, à croire à une extension irrésistible et inévitable de l'Union européenne et de son corollaire, l'OTAN. Il est temps d'ouvrir les yeux: le Royaume-Uni a quitté l'UE, qui est en état de "mort cérébrale" tout comme l'OTAN qui n'a pas défendu nos intérêts et ceux de nos alliés grec et chypriote face à la menace grandissante de la Turquie.

 

Cette offensive russe met à nu nos propres faiblesses. Faiblesse militaire d'abord, parce qu'une question lancinante se pose: si la France était attaquée de la sorte (et pas forcément par la Russie, d'ailleurs), serions-nous capables de nous défendre? Ce n'est pas certain. Nous avons la dissuasion nucléaire, mais nous n'avons pas des dirigeants qui aujourd'hui auraient la trempe de l'utiliser. Mais notre faiblesse, plus encore, est économique. La Russie, non content de disposer d'immenses réserves de matières premières (gaz, minerais divers), conserve un appareil industriel que la France n'a pas su et n'a pas voulu préserver. Et c'est pourquoi nous sommes devenus dépendants. Les écologistes qui veulent la peau de notre secteur nucléaire sont les idiots utiles de la Russie: une fois les centrales nucléaires fermées, comment produirons-nous notre électricité? Le renouvelable dont on nous rebat les oreilles ne peut que servir d'appoint. Les centrales à charbon sont extrêmement polluantes et il faut "sauver le climat". Parmi les options, les centrales à gaz sont un peu moins polluantes d'après ce qu'on entend. Et devinez qui détient les plus grandes réserves de gaz au monde... La Russie bien sûr. Regardez l'Allemagne et ses atermoiements face à Moscou. Dans quelques années, la France pourrait se retrouver dans la même situation. Si nous ne voulons pas que cela arrive, il faut réagir. Et pas dans dix ans, mais dès les prochaines élections, en cessant de voter pour des faibles, des naïfs et des incompétents.

 

J'ai dit que les informations en provenance d'Ukraine m'évoquaient la débâcle française de 1940. Mais je ne pense pas pour autant que Vladimir Poutine soit la réincarnation d'Adolf Hitler, ou qu'il soit fou. Il faut d'ailleurs cesser de personnaliser les enjeux géopolitiques. Derrière Poutine, il y a la Fédération de Russie, il y a le peuple russe. Je ne dis pas que tous les Russes sont d'accord avec la politique de leur président mais, contrairement à ce que l'on essaie de nous faire croire, je reste persuadé que beaucoup de Russes voient en Poutine le défenseur des intérêts du pays, et ils n'ont pas tort. Par conséquent, au lieu de se demander à longueur de journée "que veut Poutine?", peut-être serait-il plus pertinent de se poser la question "quels sont les intérêts de la Fédération de Russie?". Il faut accepter l'idée que l'adhésion de l'Ukraine, de la Biélorussie ou de la Géorgie à l'OTAN est tout simplement inadmissible pour Moscou. La Russie veut des pays neutres à ses frontières, et c'est compréhensible. Et si elle ne les a pas, elle est prête à les neutraliser elle-même en les vassalisant, de force si nécessaire. A ceux qui me diront que l'Ukraine doit être un état libre et souverain, je répondrai qu'en effet, l'Ukraine doit être libre et souveraine, mais qu'elle doit aussi prendre en compte sa situation géopolitique: l'Ukraine a sa frontière la plus longue avec la Russie, une partie de la population est russophone et russophile, par conséquent, les Ukrainiens ne peuvent pas se permettre d'ignorer la Russie ou d'entretenir de mauvais rapports avec leur puissant voisin. Soyons d'ailleurs lucides: si demain, le Mexique concluait une alliance militaire avec la Russie ou avec la Chine, qui peut croire un seul instant que les soldats américains resteraient tranquillement dans leurs casernes? Pourtant, le Mexique est un état libre et souverain. Ne demandons pas à la Russie d'accepter ce qu'aucune grande puissance ne tolérerait.

 

Est-ce à dire que nous devons approuver les méthodes de Vladimir Poutine? Non. Il y a la fin, et il y a les moyens. L'objectif russe me paraît valable. Les moyens mis en oeuvre pour y parvenir sont inacceptables. Comme je l'ai dit, Vladimir Poutine n'est pas à mes yeux le diable, loin s'en faut. Mais il n'est pas non plus ce demi-dieu infaillible qu'adule une bonne partie de la mouvance "nationaliste-patriote" en France. J'admire l'homme en tant que chef d'Etat, très au-dessus de la moyenne des dirigeants occidentaux, mais je n'approuve pas comme certains la moindre de ses déclarations, la moindre de ses actions. Si la Russie a raison de reprocher à l'Occident la sécession du Kosovo, force est de constater que les Russes ont eux-mêmes fabriqués beaucoup d'états factices de ce type, qui sont autant de protectorats déguisés, comme je le dénonçais dans un article il y a quelques années déjà. Par ailleurs, je ne pense pas comme Poutine que les Ukrainiens et les Russes forment un seul peuple. Deux peuples frères, oui, mais deux nations distinctes. Je ne suis pas d'accord avec l'idée que "l'Ukraine serait une invention de Lénine". Si l'Ukraine n'avait pas eu un semblant de substance, on se demande bien pourquoi les Soviétiques en ont fait une République fédérée, au lieu d'en faire une simple région ou de la diviser en plusieurs oblasts directement rattachés à la République socialiste de Russie (principale entité de l'URSS). Je renvoie à l'article que j'avais rédigé sur l'histoire mouvementée de l'Ukraine et la difficile émergence d'une identité ukrainienne. Certes, la construction nationale de l'Ukraine, longtemps contrariée, demeure inachevée. A l'est et au sud du pays, il n'est pas dit que le sentiment national ukrainien soit très fort, ou même dominant. Néanmoins, en-dehors de la Crimée (qui était un territoire à part) et des zones géographiquement limitées de Luhansk et de Donetsk, la majorité de la population est demeurée fidèle au pouvoir de Kiev jusqu'à aujourd'hui. Une vidéo du journal Le Monde, pourtant très pro-ukrainienne, signale que "39 % des hommes seraient disposés à se battre" pour défendre l'indépendance du pays. Ce n'est pas énorme - mais "quels seraient les chiffres en France?" me faisait remarquer quelqu'un - et cela laisse entendre qu'une partie non-négligeable de la population est prête à s'enfuir ou bien se résignerait à une forme (laquelle?) de domination russe. Mais cela peut tout aussi bien indiquer que beaucoup d'Ukrainiens ne se font pas d'illusion sur la capacité de leur pays à résister efficacement à l'agression russe. L'Ukraine est un pays fragile économiquement, instable politiquement, miné par la corruption, et dont les élites ont plutôt fait preuve de médiocrité. Je fais une exception pour Volodymyr Zelensky qui, jusqu'à présent, fait preuve de courage et de dignité dans l'épreuve.

 

 

Dans cette affaire, les Russes sont clairement les agresseurs. Leur attaque est d'autant plus injustifiée que l'Ukraine ne représente pas un réel danger pour la Fédération de Russie. Les Ukrainiens, sans doute, ont leurs torts: la dégradation des relations russo-ukrainiennes n'était pas un bon calcul. J'avoue avoir été très surpris par l'offensive militaire déclenchée par Poutine. J'ai cru qu'il bluffait, et qu'il allait se contenter d'envoyer des soldats dans le Donbass pour "geler" le conflit et bloquer toute entrée de l'Ukraine dans l'OTAN, une telle adhésion équivalant à une déclaration de guerre à la Fédération de Russie. Je me suis trompé. Quel est le projet russe pour l'Ukraine? Je ne saurais le dire. Il semble assez évident que Poutine veut le renversement de Zelensky, et il a appelé l'armée ukrainienne à se retourner contre son président, lequel se voit traiter de "nazi" et de "drogué". Ensuite bien malin qui peut dire ce qu'envisage le président russe. Une vassalisation de l'Ukraine placée sous l'autorité d'un gouvernement à la dévotion du Kremlin? Une annexion pure et simple d'une partie du pays (je peine à imaginer que la Russie prenne toute l'Ukraine mais sait-on jamais) et l'ouest constitué en état-tampon? Pour ma part, je n'écarte pas des ambitions territoriales: après tout, le Donbass est peuplé et industriel, et contrôler la région d'Odessa ferait perdre à l'Ukraine sa dernière façade maritime. J'entends régulièrement que la Russie est un état continental, inquiet de sa sécurité, soucieux avant tout de sa "profondeur stratégique", un pays peu agressif qui cherche d'abord à assurer sa défense. Ce point de vue, très bienveillant à l'égard de la Russie, me paraît faux: historiquement, la Russie est un pays qui a connu d'importantes phases d'expansion vers l'Europe et l'Asie centrale. Je veux bien que les Russes aient cherché de tout temps à sécuriser leur territoire et assurer leurs approvisionnements, toutefois cette logique a tout de même conduit l'Empire russe à dépecer la Pologne-Lituanie, un vieil ennemi certes, mais aussi à s'emparer de la Finlande, de la Bessarabie (actuelle Moldavie), des steppes d'Asie centrale jusqu'aux confins de l'Iran et de la Chine, et à étendre sa domination sur le Caucase ainsi que son influence sur les Balkans. Une vision globalisée de la sécurité! Ce n'est pas faire injure à la Russie que de rappeler qu'elle a une solide tradition impérialiste, comme d'ailleurs la France et le Royaume-Uni. 

 

Condamner l'agression russe, rejeter les visées néo-impérialistes de la Russie ne doit pas cependant nous exempter de faire notre examen de conscience et notre autocritique. Et quand je dis "nous", je veux dire "nous les Occidentaux" et pas seulement les Français. Là encore, ne nous voilons pas la face: Vladimir Poutine présente à l'Occident l'addition de trente ans d'interventionnisme décomplexé. Nous avons foulé aux pieds le principe d'intangibilité des frontières, nous avons humilié la Russie, nous avons renié notre parole. Aujourd'hui, la Russie nous renvoie à la figure notre légèreté et notre arrogance. Revenons en arrière: jusqu'en 2004, Poutine était plutôt conciliant avec l'Occident. Mais, cette année là, jetant aux orties les assurances apparemment données à la Fédération de Russie au début des années 90, l'OTAN s'élargit à l'est, accueillant notamment l'Estonie et la Lettonie qui sont frontalières de la Russie. A partir de ce moment là, Poutine a changé son fusil d'épaule et s'est mis à considérer l'Occident comme un rival. Et on ne peut guère lui en vouloir, étant donné qu'on s'est ouvertement payé sa tête: installer des missiles en Pologne en prétendant que le but est de prévenir la menace iranienne, c'est se moquer du monde, et un rapide coup d'oeil sur une carte suffit pour s'en rendre compte. Au début des années 90, les états occidentaux, au premier rang desquels l'Allemagne, se sont empressés de reconnaître l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, entraînant la dislocation de la Yougoslavie et un cycle de guerres ethniques dans les Balkans. L'OTAN a bombardé la Serbie en 1999 pour permettre aux criminels de l'UCK de créer un nouvel état, parachevant la fragmentation des Balkans et consacrant le droit d'ingérence "humanitaire". La France a participé à cette infamie et c'est pour moi une honte. Un collègue d'origine serbe me disait qu'à Belgrade les gens applaudissent aux actions de Poutine. L'offensive russe en Ukraine sonne comme une revanche contre l'Occident, Poutine venge les Serbes par procuration. 

 

Il y a eu l'invasion de l'Irak en 2003, à laquelle la France a eu cette fois-ci le courage de s'opposer. Mais, plus près de nous, et surtout plus près de la Russie, l'Occident a soutenu la "révolution orange" en 2004 Ukraine, puis la révolution de Maïdan en 2014 qui a conduit au renversement d'un président ukrainien régulièrement élu, Viktor Ianoukovitch. J'avais déjà dénoncé à l'époque cette façon de faire dans un article. On avait vu des responsables européens et américains venir soutenir les manifestants. Par pur amour de la liberté, sans arrière-pensée bien sûr. Plus récemment, le président biélorusse Loukachenko a aussi fait l'objet de tentatives de déstabilisation avec l'approbation de l'Occident. Et qu'on ne vienne pas me parler de "démocratie": nous sommes alliés à l'Egypte, au Qatar et à l'Arabie Saoudite qui sont des régimes très autoritaires pour ne pas dire despotiques. C'est ce qui m'écoeure dans cette affaire: voilà vingt ans que les Occidentaux - surtout les Américains et les Allemands - montent les Ukrainiens contre les Russes... Et le jour où les seconds attaquent les premiers, nous sommes stupéfaits et nous ne faisons rien. Parce que c'est la réalité, nous sommes en train de laisser les Russes écraser les Ukrainiens. La violence de Poutine est le fruit de nos péchés, tout comme la menace islamiste est en partie le résultat de nos alliances douteuses. Nous n'avons pas fini de payer notre manque de lucidité, et notre propension à porter atteinte à la souveraineté et/ou à l'intégrité territoriale des autres. Vladimir Poutine nous rend la monnaie.

 

J'ai intitulé cet article: "faut-il mourir pour l'Ukraine?". Nous sommes dans une situation où il n'y a pour ainsi dire que des mauvaises solutions. A titre personnel, ayant dénoncé depuis longtemps les atteintes à l'intégrité territoriale de la Serbie, je ne me vois pas, par souci de cohérence, applaudir à l'offensive de Poutine. Les Ukrainiens ne méritent pas ce qui leur arrive. Même s'ils ont leurs torts, ils n'ont pas directement menacé la sécurité de la Russie, ils sont pris au dépourvu et n'ont que peu de moyens pour se défendre. Dans la mesure où nous avons une part de responsabilité dans la montée des tensions, je serais favorable à ce que la France et éventuellement d'autres pays européens (mais surtout pas l'OTAN et les Etats-Unis) soutiennent militairement l'Ukraine, y compris en envoyant des soldats. Il ne s'agit pas forcément d'engager des effectifs énormes, mais de soutenir l'armée ukrainienne pour que la Russie, confrontée à une forte résistance et au risque de s'embourber, soit contrainte de venir au plus vite à la table des négociations. Cela permettrait aussi de montrer aux Russes que nous sommes capables de réagir, et ce serait également un signal envoyé à d'autres dirigeants sympathiques, comme M. Erdogan par exemple. En ce qui concerne les négociations, je serais d'avis d'accéder aux demandes de Vladimir Poutine en signant un traité garantissant que l'Ukraine, la Biélorussie et la Géorgie ne seront pas admises dans l'OTAN. Je pense également qu'il faut envisager une reconnaissance de l'annexion de la Crimée. Je suis hostile à toute forme de séparatisme, mais il me paraît difficile à présent de faire revenir le Donbass dans le giron de Kiev. Par conséquent, un référendum d'autodétermination avec présence d'observateurs internationaux me paraît la meilleure solution à terme, même si le résultat ne fait guère de doute. En contrepartie de ces larges concessions, l'armée russe devrait évidemment évacuer le reste du territoire ukrainien, et la Russie s'engager à respecter la souveraineté ukrainienne, y compris dans le choix de ses institutions ou de sa politique linguistique. L'intégrité territoriale de l'Ukraine, hors Donbass et Crimée, devrait être garantie par la Russie, la France, et d'autres pays. L'Ukraine devrait aussi être libre, sans adhérer à l'UE, de conclure des partenariats économiques avec les autres pays d'Europe.

 

Mais tout ça, c'est de la politique-fiction, j'en ai bien conscience. Le plus probable est que nous allons crier, agiter les bras, lancer quelques menaces et rester les bras croisés, en pleurant sur le sort de l'Ukraine. Plus généralement, je pense que nous, Français, devons tirer les leçons de ce qui arrive: nous devons retrouver une base industrielle solide, relancer notre filière nucléaire, et veiller à limiter au maximum notre dépendance vis-à-vis de la Russie, aussi bien que de la Chine ou des Etats-Unis, dont l'histoire récente a montré qu'ils sont tout sauf des alliés fiables. Nous devons renforcer notre outil militaire: augmenter les effectifs de notre armée, mieux équiper nos soldats, développer les forces de réserve, construire un 2ème porte-avions et de nouveaux sous-marins nucléaires. Nous devons également avoir une politique ambitieuse de promotion de la langue et de la culture françaises dans le monde. Cette politique de puissance a un coût important, mais elle seule pourra réellement garantir notre sécurité et notre prospérité dans la suite du XXI° siècle. Il faut aussi régler nos propres problèmes de séparatisme, parce que, si le Donbass n'est plus vraiment ukrainien, la Seine-Saint-Denis et Roubaix sont de moins en moins français... Sur tous ces sujets, je dois dire qu'Eric Zemmour me paraît être celui qui montre le plus de lucidité et de volonté. J'ai d'ailleurs apprécié son intervention au lendemain de l'attaque russe.



26/02/2022
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