Nationaliste Social et Ethniciste

Nationaliste Social et Ethniciste

Nicolas Offenstadt n'aime pas la France

Et il le dit. Il n'est pas le seul, rétorqueront certains. Certes, mais dans son cas, c'est un petit peu gênant.

 

Qui est Nicolas Offenstadt ?

Agrégé d'histoire, maître de conférence en histoire à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, Nicolas Offenstadt est un universitaire comme tant d'autres. Mais il a certaines particularités. La première est une qualité appréciable : rompant avec le traditionnel cloisonnement des périodes en histoire, ce spécialiste de la guerre et de la paix au Moyen Âge a étendu son champ de recherche aux périodes plus récentes, notamment à la Grande Guerre. Voilà donc un historien complet. De plus, M. Offenstadt participe à la revue L'Histoire qui a le mérite de mettre à la portée d'un large public les dernières avancées de la recherche historique. Louable engagement. Nicolas Offenstadt se classe sans doute à gauche, ou peut-être au centre-gauche, à en juger par son hostilité envers un autre Nicolas, M. Sarkozy. C'est son droit le plus élémentaire. Chacun est libre de ses opinions en France, et c'est tant mieux. Je passe sur les problèmes d'ego, inhérents au milieu universitaire (sauf rares exceptions) : le « prof de fac » est souvent imbu de sa personne. Il faut dire qu'il a réussi à accomplir son rêve, qui est aussi celui de nombreux étudiants. Beaucoup d'appelés, peu d'élus, c'est la règle de l'université. On ne m'ôtera pas de l'idée que le piston compte parfois autant que le talent et la ténacité dans le travail pour avoir un poste. Mais c'est sans doute un frustré qui parle… Ce qui est un peu plus ennuyeux, c'est la posture que prend Nicolas Offenstadt, à savoir qu'il se pose en gardien du temple de l'Histoire. Reprocher à Nicolas Sarkozy d'instrumentaliser l'histoire, c'est être assez malhonnête : cela n'est pas nouveau. M. Offenstadt sait fort bien que le politique s'est toujours emparé des questions historiques, et on ne pourra pas l'en empêcher. Je dirai même qu'il serait inquiétant que les dirigeants n'aient pas une certaine conception de l'histoire nationale, une certaine idée de la France diraient d'autres. Mais d'une manière générale, l'histoire n'appartient pas qu'aux universitaires de la discipline : elle appartient à tous les citoyens. Soyons clair : c'est aux historiens de dire les faits, de lutter contre les mensonges. Je me souviens de cette interview délirante d'Elie Chouraqui au sujet de son spectacle sur Spartacus, si j'ai bonne mémoire : « l'empire romain, c'était horrible, c'était le fascisme, les juifs étaient persécutés » s'exclama gravement ce personnage, nous rappelant à propos que le monde du spectacle est peuplé d'ignares et d'incultes qui seraient bien inspirés de se renseigner au lieu de venir sur les plateaux télé nous laisser contempler l'étendue de leur médiocrité. Aucun historien ne vint démentir les propos lamentables de M. Chouraqui. Dommage.

 

La haine de la France

Du 8 au 11 octobre se sont tenus à Blois les Rendez-vous de l'Histoire, festival annuel de la discipline avec moult conférences et un salon du livre qui mérite le détour. A cette occasion, le journal Libération fait, depuis quelques années, un numéro spécial, le « Libé des Historiens », distribué gratuitement à l'entrée du site principal, car il ne me viendrait pas à l'idée d'acheter un numéro de Libération. Les historiens feraient de bons journalistes pour certains. A la page 24 de ce numéro, on peut donc lire un article de M. Offenstadt intitulé « Faut-il une « maison de l'histoire de France » ? ». Pour lui, la réponse est clairement non, car il s'agit d'un projet sarkozien (premier défaut) destiné à promouvoir une identité nationale dont tout le monde (!) sait qu'elle est dépassée pour ne pas dire nauséabonde (deuxième défaut). Nicolas Offenstadt ne fait que reprendre ici la thèse de son livre L'Histoire Bling-Bling. Le retour du roman national (Stock, 2009). Je n'ai évidemment pas acheté ce livre, je m'en voudrais d'enrichir M. Offenstadt (ou son éditeur). Mais l'universitaire avait déjà présenté sa thèse dans les colonnes du magazine L'Histoire, dans un numéro spécial consacré à l'histoire de France et à l'évolution de sa conception (ce qu'on appelle l'historiographie dans le jargon des historiens). Il s'en prenait à Max Gallo, l'accusant d'être « proche du pouvoir » et de « valoriser la France éternelle ». Je crois pour ma part que Max Gallo (lui-même universitaire) sait bien que la France est une construction historique et non une donnée naturelle. Un descendant d'immigré italien est bien placé pour mesurer le ridicule du refrain « nos ancêtres les Gaulois ». Proche du pouvoir ? Max Gallo ne l'a pas toujours été. La vérité est, qu'à gauche, on ne lui pardonne pas sa « trahison » non plus que sa conversion (au catholicisme bien sûr, s'il était devenu musulman ou bouddhiste, tous les bobos applaudiraient). Il me semble pourtant que c'est la configuration politique, et non M. Gallo, qui a changé. Max Gallo a toujours été un patriote sincère, attaché à une République sociale et à une nation unie. C'est la gauche qui a abandonné la référence à la nation, à la patrie (ouh ! le vilain mot !) et au drapeau tricolore (là, les militants du NPA commence à crier « fasciste ! », c'est normal, c'est l'un des plus importants mots de leur bagage rhétorique qui, il est vrai, n'en compte guère qu'une dizaine…). On sait quel parti a récupéré ces symboles, entraînant de nouvelles justifications pour les maudire. Max Gallo écrit assez bien, il parle bien. M. Offenstadt est-il jaloux ? Il n'est pourtant pas médiocre orateur, je puis en témoigner pour l'avoir entendu à une conférence. Alors ? Frustré de ne pas être « proche du pouvoir » ? Peut-être.

 

Ce qui m'indigne, c'est l'association, dans le titre du livre de Nicolas Offenstadt, des termes « bling-bling » et « roman national ». Donc, si on aime le « roman national », terme un peu cavalier pour parler de l'histoire de France traditionnelle, axée sur le politique, les rois, les « grands hommes » (comprenez : les dirigeants), les guerres, les traités pour faire bref, on est « bling-bling » ? Merci du compliment ! Je pense que Max Gallo a cru, assez naïvement à mon sens, qu'il pourrait influencer M. Sarkozy. Mais Nicolas Sarkozy est le modèle du libéral-opportuniste : on ratisse large, surtout en période électorale. Un jour, on glorifie l'identité nationale en jouant sur la fibre patriotique, la larme à l'œil si possible. Le lendemain, on nous explique sans rire que la France est métissée « depuis toujours » et qu'on n'a pas le choix (belle conception de la démocratie !). Cherchez l'erreur… Nicolas Offenstadt a raison de dire que ce projet de « maison de l'histoire de France » est une opération politique en vue de caresser l'électorat de tendance nationaliste dans le sens du poil. Le problème est que M. Offenstadt dénonce le projet parce qu'il est idéologique… mais lui-même oublie de dire que sa dénonciation est aussi idéologique ! Puisqu'il défend un projet orienté vers « les échanges entre les espaces » (la mondialisation, donc) et l'Europe qui « est devenue une autre échelle centrale ». Eh bien, voilà ! Il fallait le dire, M. Offenstadt, vous voulez un projet de « maison de l'Europe » parce que vous êtes européiste. Mais en quoi serait-ce plus honorable ? Je cite : « les développements récents ont montré combien la construction de cet espace politique suscitait d'interrogations, de méfiances et de discours de rejet ». Donc M. Offenstadt ne veut pas d'un musée légitimant la construction de la nation française mais veut un musée légitimant la construction de l'Europe politique. Nicolas Offenstadt évoque des « discours de rejet ». S'il quittait parfois les salons parisiens, notre universitaire distingué saurait que la montée des discours de rejet envers la France et son histoire n'est pas un pur fantasme.

 

Dans son article, Nicolas Offenstadt cite Gérard Noiriel, le pape de l'histoire de l'immigration, un des maîtres d'œuvre de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, cette officine de propagande chargée d'enseigner aux Français natifs que la France doit tout à l'immigration, que sans cette chance incomparable, la France ne serait rien. Gérard Noiriel, l'ancien militant communiste, considéré par certains comme un chercheur irréprochable, un historien rigoureux, n'est pourtant qu'une caricature de chercheur. Je ne le connaissais pas du tout lorsque j'acquis, il y a quelques années de cela, son Atlas de l'immigration en France aux éditions Autrement. La question m'intéressait et, quoi qu'on en pense, elle est incontournable. Las ! Je lisais ébahi un pamphlet francophobe comme on en fait peu où les immigrés étaient présentés comme les principaux bâtisseurs de la France contemporaine. Je crois me souvenir avoir lu que les immigrés ont construit « 80 % des autoroutes françaises ». Comment ça, « construit » ? Sous-entendu, ils les ont financées ? Si c'est l'Etat français qui a mené les chantiers, ces immigrés, simples exécutants, ont été payés avec l'argent du contribuable français. La nation française reste le maître d'œuvre. De la même façon, on dit : « les Pharaons ont bâti les pyramides » et jamais : « Les esclaves et les immigrés en Egypte ont construit les pyramides ». Celui qui bâtit, c'est celui qui décide et qui finance, et non celui qui manie la truelle même si, naturellement, sa contribution est nécessaire et nullement méprisable. Mais enfin, les ouvriers immigrés n'ont pas débarqué avec les plans des autoroutes françaises ! Ailleurs, on lit, en substance car je ne me souviens pas de la citation exacte, que la France issue de l'immigration a toujours été le moteur, la partie dynamique de la nation sans laquelle nul progrès n'est possible. Fermer les guillemets. Auteur ? Date ? Contexte ? M. Noiriel semble avoir oublié sa déontologie historienne, peut-être happé par l'enthousiasme du militant. Chassez le naturel… En tout cas merci pour tous les Français natifs des générations précédentes qui, c'est bien connu, n'ont jamais travaillé et ont profité de la main-d'œuvre immigrée pour devenir de paisibles rentiers. Et je passe sur la litanie habituelle : « l'intégration se passe bien » (il suffit de regarder la situation des banlieues), « l'islam ne pose aucun problème » (ben voyons, je viens de lire un article expliquant que des rues de Paris sont bloquées pour la prière de nos chers musulmans bien intégrés, chaque vendredi, mais ça ne vous gêne pas, M. Noiriel ?).

 

Nicolas Offenstadt a bien intégré la doxa de la nouvelle historiographie : faisons l'histoire des minorités, et seulement elles ! Souvenons-nous que la nation totalitaire les a opprimées ! Et de souligner que les minorités et les gens du commun seront oubliés dans le projet sarkozien susdit. « Offenstadt » veut dire « ville ouverte » en allemand. Tout un symbole. Nul doute que si les blindés arborant la bannière azur et or devaient se présenter demain aux portes de Paris pour mettre fin à l'existence de l'abominable nation française et instaurer enfin l'Europe, la paix faite Etat, M. Offenstadt les accueillerait à bras ouvert, ravi de cette « divine surprise ». Et il en serait récompensé, gageons-le, par la présidence d'une université « Paris-Panthéon-Europe » et d'une « Cité de l'histoire européenne » chargée de la promotion… du roman européen !

 

Que penser d'une « maison de l'histoire de France » ?

Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, mais pas pour les mêmes raisons que M. Offenstadt. Le problème d'un tel projet n'est pas qu'il soit partial (comme si la Cité de l'histoire de l'immigration ou le musée Branly ne l'était pas !) mais qu'il soit partiel. Retracer l'histoire de France sur un site me paraît difficile. L'histoire de France se saisit en mille endroits de notre pays. Châteaux, cathédrales, villages, usines, monuments (aux morts par exemple) : l'histoire est partout au détour des rues et des chemins. Au fond, la seule « maison de l'histoire de France » qui vaille, n'est-ce pas le territoire français dans son ensemble ? Cela étant, il me semble intéressant de proposer un projet en riposte à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, qui prétend réécrire l'histoire de France au profit quasi-exclusif des immigrés. Mais ce projet doit à mon sens choisir clairement la thématique de la construction nationale. Et le dire. Une histoire de la France comme élaboration d'un Etat et d'une nation, et non une histoire des Français au jour le jour. Cette dernière thématique est abordée dans de nombreux musées et monuments locaux, parfois de manière remarquable. Sans apologie, il s'agirait d'expliquer la lente et difficile construction de l'Etat et de la nation française, pour montrer que malgré la violence, le sang et les larmes (à aborder, bien évidemment), l'aboutissement de ce processus historique et politique est une République sociale (espérons du moins qu'elle le redevienne), une nation de citoyens libres et égaux en droit, un système démocratique qui, bon an, mal an, fonctionne à peu près, même s'il y aurait des choses à améliorer à mon sens (mais c'est un autre débat). Il serait intéressant dans le cadre de l'histoire comparative, chère à nos milieux universitaires, d'organiser des expositions, voire de consacrer une partie du musée à la construction nationale des autres pays d'Europe et même du monde, afin de saisir les points communs et les différences et mieux appréhender les spécificités du cas français.

 

Où installer un tel musée ? Certainement pas à Paris, cette ville devenue tentaculaire, ce monstre cosmopolite dont le ventre souterrain résonne de mille idiomes. Paris n'a de français que le nom et le passé. Elle appartient à ce chapelet de métropoles, véritable tête du monde, qui, pour être multiculturelles, n'en sont pas moins d'une morne uniformité. Partout les mêmes gratte-ciel, partout les mêmes loups de la finance en costume sombre, partout les mêmes clandestins employés au bétonnage généralisé, partout la même ségrégation sociale et ethnique (mais il ne faut pas le dire). Paris n'a plus rien de français avec ses bobos écolos et bouddhistes qui prennent des cours de danse indienne puis passent chez le masseur thaïlandais avant de dîner au resto marocain pour finir la soirée devant un portrait géant du dalaï-lama à ânonner je ne sais quoi. Je dois dire que je pencherai assez pour Verdun, et ce pour deux raisons. La première, c'est le traité de Verdun de 843 qui vit la naissance, presque par hasard, de cette entité fragile que les manuels appellent « Francie occidentale ». Les frontières restent mouvantes jusqu'au début du X° siècle. Cette Francie n'est pas la France et même pas un royaume au début mais plutôt une somme de royaumes francs (Neustrie, Aquitaine, un bout d'Austrasie et un bout de Bourgogne). Malgré tout, ce cadre va perdurer dans les grandes lignes et c'est là que va se jouer la naissance d'une Francia progressivement synonyme de France. Deuxième raison : la terrible bataille de 1916 qui doit nous rappeler que la nation a parfois demander un très lourd sacrifice à ses membres. Et que des gens sont morts pour que nous naissions libres sur la terre de France. Avec cette question lancinante : jusqu'où peut aller le sacrifice pour la patrie ? Je ne prétends pas avoir la réponse. Ce sera sans doute aux visiteurs de la trouver… Ce musée rappellerait deux choses : 1) aux immigrés qu'ils n'ont pas inventé la France, elle existait avant eux ; cela parait une évidence mais pas pour tout le monde hélas ; 2) aux autres que rien n'est jamais acquis définitivement : qu'une génération manque à ses devoirs, à ses principes, et l'édifice est jeté à bas.

 

Mais au fait, pourquoi est-ce gênant que Nicolas Offenstadt n'aime pas la France ? M. Offenstadt a le droit d'être anti-sarkozyste, il a le droit d'être de gauche, il a le droit d'être un partisan de l'Europe, il a le droit de ne pas aimer la France, pays un peu rance. Je ne suis pas d'accord avec lui mais la démocratie, c'est la liberté (et la pluralité) d'opinion. Alors, où est le problème ? Le souci, c'est que Nicolas Offenstadt est professeur du supérieur, payé par la République avec l'argent des contribuables français, dont certains pourraient à juste titre s'interroger sur l'utilité de financer des gens qui semblent faire si peu de cas de l'histoire nationale…



15/10/2009
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