Nationaliste Social et Ethniciste

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Ono-dit-Biot ou le naufrage de l'intelligentsia française

Je n'ai pas délaissé ce blog pendant les congés estivaux, contrairement à ce que pourraient penser mes lecteurs. Simplement, pour proposer un contenu de qualité convenable, il faut lire, réfléchir, écrire, corriger, et tout cela prend du temps, beaucoup de temps, surtout quand on a des enfants à occuper et des cours à retravailler. Je termine donc ce mois d'août par un petit billet d'humeur en attendant d'achever deux gros articles qui seront publiés en septembre et en octobre.

 

Dernièrement, je flânais dans une librairie, comme j'aime le faire. En ce milieu du mois d'août, il n'y a pas foule devant les livres et l'on peut tranquillement regarder, feuilleter sans être dérangé. Un présentoir, à l'entrée de la boutique, attrape mon regard. Je le parcours distraitement quand mes yeux tombent sur un titre en lettres rouges: Trouver refuge. J'aime les titres courts, qui distillent du mystère et appâtent la curiosité. Celui-ci, je dois dire, était bien trouvé, d'autant qu'une photographie représentant ce que je crus être une vieille église de style byzantin plaçait ce texte sous les meilleurs auspices, car il se trouve que j'aime beaucoup la civilisation byzantine et le monde orthodoxe en général. J'avise le nom de l'auteur, Christophe Ono-dit-Biot, que je ne connais pas du tout et dont peut-être j'ai entendu le nom sans y prêter plus d'attention. Je lis peu de romans, je suis difficile à intéresser et les pavés de cinq cents pages m'effraient. C'est un grand tort, car ma culture littéraire, à ma grande honte, est rachitique. J'ai peu fréquenté les grands textes, et j'ai dû lire au grand maximum un ou deux romans du XX° siècle, hors lecture scolaire obligatoire, c'est dire! 

 

Je me saisis donc de cet ouvrage intrigant et prometteur, afin de prendre connaissance du résumé proposé par la quatrième de couverture. Et là, je dois l'avouer, le charme s'est rompu pour laisser la place à la déception et à une forme de résignation horrifiée. Voici l'histoire en quelques lignes: un couple, Sacha et Mina, accompagnée de leur fille Irène, doivent fuir la France tombée sous la coupe d'un régime nationaliste, totalitaire et xénophobe (à la suite des élections présidentielles de 2027 me semble-t-il) dirigé par un homme jeune, appelé "Papa". Les trois fugitifs, dont la vie est menacée, cherchent refuge au Mont Athos, cette petite république monastique située dans la péninsule de Chalcidique en Grèce, qui est le centre spirituel de l'orthodoxie depuis des siècles, un monde immuable, régi par la tradition la plus stricte, mais qui a toujours fait preuve de générosité à l'égard des persécutés. Bon, toute créature de sexe féminin est interdite de séjour, ce qui est ennuyeux vu que deux des trois fugitifs sont des femmes... J'ai prudemment remis l'ouvrage sur son présentoir, et j'ai passé mon chemin.

 

Mais revenu chez moi, ce résumé lu à la hâte me hantait encore. Quelque chose clochait. J'ai donc fait quelques recherches et suis tombé sur un entretien avec l'auteur, où certains points du récit étaient précisés. J'apprends ainsi que "Papa", le dictateur "nationaliste-xénophobe", s'appelle en réalité Alexandre et fut jadis le meilleur ami de Sacha (diminutif d'Alexandre parce que chaque personnage est un peu le double de l'autre). Autrefois "amoureux de l'islam", Alexandre en est devenu un ennemi inexpiable, a pris en aversion le "droit-de-l'hommisme", et Sacha aurait en sa possession un texte qui contiendrait des éléments explicatifs sur ce revirement brutal, en lien avec un mystérieux séjour en Egypte si ma mémoire ne me trompe pas... D'où la vindicte de "Papa" qui poursuit nos trois malheureux fuyards. Mina disparaît, et Sacha atteint le Mont Athos avec Irène déguisé en garçon. Là, hors du temps, Sacha va pouvoir préserver - ou tenter de le faire - son "humanisme" et essayer de transmettre l'amour de la culture à son enfant, même si, on s'en doute, le danger guette. Ono-dit-Biot en profite pour déclarer sa flamme à la mythologie grecque et à la culture byzantine.

 

Bon, selon moi, cette histoire est totalement abracadabrantesque, pour ne pas dire franchement absurde. Vous me direz, c'est un roman, c'est une fiction, est-ce qu'on doit exiger la crédibilité du récit? Eh bien dans la mesure où l'auteur prétend nous apprendre quelque chose sur notre époque, et revendique une certaine vraisemblance - notamment dans le travail de description des monastères athonites et de leur quotidien - la réponse me paraît être "oui". 

 

Mais ce que je trouve beaucoup plus intéressant, c'est la contradiction fondamentale sur laquelle repose ce récit. La France, cédant à son côté obscur, s'est donnée toute entière à la Bête immonde, par peur de l'islam et du "Grand remplacement". Et pour dénoncer cette dérive "nationaliste-xénophobe", Christophe Ono-dit-Biot semble proposer une description dithyrambique et idéalisée des moines de l'Athos et de la tradition orthodoxe, du moins l'écrivain le laisse entendre. Or, qui connaît un peu l'histoire de ladite tradition sait pertinemment ô combien elle est traversée par le nationalisme, la méfiance de l'autre, et une vision patriarcale de la société. Mais le plus amusant reste que, pour flétrir l'islamophobie ambiante en France, Ono-dit-Biot envoie ses personnages dans un monde qui a failli disparaître à cause de l'islam! Un monde, le monde byzantin, qui a pour une bonne part disparu à cause d'un "Grand remplacement" qui s'est produit en Anatolie et en Thrace à partir de la fin du XI° siècle pour se terminer durant la guerre gréco-turque dans les années 20 (je renvoie à mon article sur la naissance de la Turquie moderne). Une contradiction aussi flagrante ne manque pas de sel. Les Grecs chassés il y a un siècle d'Ionie et du Pont apprécieront, comme, plus près de nous, les Serbes du Kosovo expulsés de chez eux, et dont nombre de monastères ont été détruits. Le patriarcat oecuménique de Constantinople qui meurt lentement, asphyxié par la Turquie "laïque", également.

 

Evidemment, je n'ai pas lu le livre et, pour être honnête, je ne compte pas le lire. Peut-être que Christophe Ono-dit-Biot fait prendre à son récit un virage moins caricatural que ne le laisse présager le synopsis de la quatrième de couverture. Peut-être. Mais je dois dire que les prémices de l'histoire me laissent dubitatif quant à un éventuel retournement du postulat politico-moral qui sert de base au récit. J'ai du mal à croire que "Papa" se révèle être un dirigeant conscient des enjeux de civilisation qui, au rebours des héros, fait le nécessaire pour préserver l'identité de la France. D'emblée, notre pays semble renoncer à son "humanisme" pour se vautrer dans une forme de populisme nauséabond. Je l'ai déjà dit mais je vais me répéter: à titre personnel, je vis au quotidien le "Grand remplacement" et l'islamisation de la société française. Dans ma ville, dans mon quartier, les musulmans issus de l'immigration sont de plus en plus nombreux. Et ils font des enfants, beaucoup d'enfants, la composition ethnique des classes d'écoles en témoigne. Il est impossible de faire cinquante mètres sans croiser une femme voilée. Les mosquées, les salles de prière se multiplient, comme les commerces hallal. C'est une réalité, désolé. Cette réalité, Christophe Ono-dit-Biot s'en fiche. Peut-être même qu'il l'ignore. En tout cas, elle ne l'intéresse pas, il ne veut pas la voir.

 

Je suis un peu fatigué de ces écrivains, ces philosophes, ces journalistes, ces intellectuels qui vivent bien loin des conséquences d'une immigration qu'ils approuvent, et d'un communautarisme que leur légèreté a laissé se développer. Je suis las qu'on ne puisse plus défendre la culture et l'identité de la France sans être taxé de fascisme et de racisme. J'en ai plus qu'assez de ces petits procureurs de la pensée qui sont bien au chaud, qui n'ont rien fait pour enrayer la dégradation de notre sociabilité et qui à présent jettent l'anathème et l'opprobre sur ceux qui osent dire qu'on a un problème.

 

Ce que j'ai lu - la quatrième de couverture et l'entretien susdit - me pousse à penser, certes un peu hâtivement, qu'avec son roman, Christophe Ono-dit-Biot illustre assez bien la haine de soi et le manichéisme qui sévissent dans nos élites. La défense des traditions, des identités, des spécificités culturelles, c'est toujours très bien chez les autres. Mais la France, elle, allez savoir pourquoi, peut-être par "humanisme", a vocation à se dissoudre dans le multiculturalisme. Ce "deux poids, deux mesures" devient exaspérant. 



23/08/2022
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