Nationaliste Social et Ethniciste

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Le duel Mélenchon-Zemmour

Oui, je l'ai regardé. Et je l'ai trouvé plutôt intéressant. Je parle évidemment du débat qui a opposé ce jeudi 23 septembre sur BFM TV Jean-Luc Mélenchon, dirigeant de La France Insoumise (LFI), à Eric Zemmour, chantre d'un nationalisme décomplexé. A titre personnel, j'ai trouvé que les invectives et les attaques ad hominem n'avaient pas trop pollué le débat. Dans l'ensemble, chacun a fait l'effort d'écouter l'autre, et a essayé de se faire passer pour le candidat "de la raison" face à celui du délire. Sur la forme, il est indéniable que Mélenchon est un très bon orateur, qui sait poser sa voix, varier son intonation et qui maîtrise sa gestuelle à la perfection. Sa force de conviction est impressionnante, et masque souvent les incohérences et les insuffisances du contenu. Il n'est pas surprenant qu'un brillant orateur comme Mélenchon parvienne à galvaniser les foules. Son excellent score de 2017, Mélenchon le doit probablement avant tout à son talent personnel. En face, Zemmour, plus froid, plus calme (sans être serein pour autant), pourrait à première vue faire plus pâle figure. Le ton est bien moins flamboyant et il n'a pas les grandes envolées lyriques de son adversaire, même si le diagnostic très sombre qu'il pose ne se prête guère à une rhétorique optimiste. Pour moi, Zemmour est cependant une des meilleures machines à débattre qui soit. Sa force, il la tire de son raisonnement qui est toujours très bien mené, et qui a le mérite d'être cohérent sinon parfaitement rigoureux. La talent de Zemmour réside également dans sa capacité à rester prudent sur les thèmes qu'il ne maîtrise pas, là où un politicien traditionnel comme Mélenchon donne l'impression de dominer tous les sujets. On accuse souvent Zemmour de faire une fixation sur les questions identitaires et migratoires. C'est vrai, mais ce qui semble être une faiblesse [1] donne en réalité une très grande cohérence au discours zemmourien: ayant identifié (à tort ou à raison) la cause principale de nos maux, il bâtit toute sa vision - peut-être bientôt son projet - politique sur ce constat.

 

Je propose un compte-rendu évidemment partiel et partial. Mes lecteurs le savent, j'exècre Mélenchon et j'ai de la sympathie pour Zemmour.

 

L'identité de la France

Ce fut le premier thème abordé, et il a eu le mérite d'opposer d'emblée deux visions très différentes de ce qu'est la France comme nation. Mélenchon a développé l'idée chère à la gauche diversitaire d'une France terre d'immigration depuis toujours, sur laquelle cohabitent (ou devraient cohabiter) harmonieusement des gens de toute culture, de toute ethnie, de toute religion. Et ces gens, naturellement, produiraient une "culture commune" sans cesse en évolution du fait des nouveaux apports. Cette conception dynamique, que Mélenchon nomme "créolisation", le nouveau terme à la mode dans les milieux progressistes, a l'immense avantage de concilier en apparence le différentialisme des indigénistes et autres décoloniaux, et l'universalisme que la gauche, même fourvoyée, peine à rejeter complètement. Parce que, la créolisation, à mon sens, est une culture commune au rabais. Il s'agit de créer le plus petit dénominateur commun aux différentes communautés qui composent la population. La créolisation n'entraîne pas la fusion, chacun reste ce qu'il est, chaque groupe conserve son identité, ses us et coutumes. Et il n'y avait aucune ambiguïté dans le discours de Mélenchon puisque le chef de LFI l'affirme durant le débat: "je rejette le terme d'assimilation, parce qu'il suppose un invariant auquel il faudrait se conformer" (je cite de mémoire). Je n'en croyais pas mes oreilles, je l'avoue. Qu'un homme politique se réclamant ouvertement de la Révolution et de l'héritage jacobin puisse publiquement affirmer son rejet du principe d'assimilation en dit long sur la dérive d'une certaine gauche. Selon toute vraisemblance, pour Mélenchon, la "culture commune" se confond avec la loi commune. Le chef de LFI a accusé son adversaire d'avoir une "vision rabougrie de la France". Je dirai, moi, que Mélenchon a une vision bien rabougrie de la "culture commune". Il a dit à un moment que le couscous était le plat préféré des Français, mais la question est moins de savoir si nos compatriotes peuvent se retrouver autour d'un couscous que de se demander si tout le monde peut festoyer, par exemple, autour d'une raclette...

 

Je n'ai pas eu le temps de chercher d'où vient ce concept de "créolisation" qui semble être la dernière trouvaille des milieux progressistes et décoloniaux pour faire avaler la pilule de l'immigration massive et de la dilution de l'identité française (processus que les méchantes langues nomment "Grand Remplacement"). Je me souviens avoir entendu Rachel Khan l'utiliser récemment sur France Culture [2]. Il va sans dire que le concept est fumeux. La créolisation fait référence, je suppose, aux sociétés des pays d'Amérique latine et des Caraïbes. Oh, le beau modèle que voilà! Ces sociétés sont déchirées par les querelles identitaires ou ethniques, et il faudrait s'en inspirer? Quelle riche idée! Ou bien est-ce une façon courtoise de nous annoncer ce à quoi la France ressemblera dans quelques décennies, lorsque la métropole sera à l'image de la Martinique et de la Guadeloupe? Faut-il comprendre que la France sera un jour peuplée d'une majorité de "gens de couleur" et métis, face à une minorité de "sales blancs" qui feront office de bouc-émissaire commode, comme les békés aux Antilles? Je ne partage pas l'enthousiasme de Mélenchon et de ses amis pour ce meilleur des mondes à venir. J'ai l'impression que le terme "multiculturalisme" est passé de mode après les attentats. Paniqués, les progressistes ont cherché un succédané acceptable, et ils ont opté pour "créolisation". C'est sympa "créolisation", ça fait penser à la Compagnie Créole, aux Tropiques, à la cuisine épicée, on a envie de chanter "kolé seré" ou "vas-y Franky". Le concept de "créolisation" est au problème identitaire français ce que le centre de vacances du Club Med est à la Guadeloupe: la carte postale, la vitrine alléchante, et il ne faut pas trop regarder ce qu'il y a derrière, vous risqueriez d'être déçu. Et puis Mélenchon n'a pas vraiment expliqué l'origine de cette créolisation: éradication des autochtones, déportation massive d'esclaves africains, stricte hiérarchie raciale (qui perdure largement dans les Caraïbes). Un oubli sans doute. Décidément, la gauche parie un peu trop sur l'ignorance des gens.

 

Contre cette vision qu'on pourrait résumer par "l'unité dans la différence", Zemmour a défendu une vision fixiste plus traditionnelle, plus conservatrice de l'identité française, à savoir un peuple enraciné qui a toujours préservé un vieux fond culturel constituant sa spécificité (le fameux "invariant" que nie Mélenchon) malgré les apports migratoires de plus en plus diversifiés à partir du XX° siècle. Zemmour le "droitard", Zemmour le "facho" défend, lui l'assimilation. Et pour cause: il est lui-même un assimilé, fils de juifs berbères rapatriés d'Algérie. Si Eric Zemmour provoque autant de haine et de rejet, je pense que c'est en partie parce qu'il refuse d'être à la place que la société lui assigne. Il pourrait, comme d'autres, mettre son nom et ses origines en avant, se vanter de ne pas être un "Français de souche". Il pourrait, comme d'autres, faire le procès de la France sur les questions d'antisémitisme et de colonialisme (j'entendais à la radio ce midi qu'il y eut des émeutes antijuives en Algérie, au moment où Edouard Drumont, l'auteur de La France juive se faisait élire député d'Alger). Eh bien non. Zemmour a fait ce geste, très courageux à mes yeux, de refuser l'assignation identitaire que les bienpensants lui imposaient. Il veut être plus français que bien des Français de souche. Il veut défendre avec ardeur l'héritage culturel et historique de la France, cherchant, parfois avec un excès de zèle, à la dédouaner de ses torts. Il est un ancien colonisé... qui remercie la France de l'avoir colonisé (il l'a dit dans une émission il y a quelques années). Lui, l' "Israélite français" pour reprendre ses propres mots, essaie désespérément de défendre la culture chrétienne de la France quand tant de Français qui en sont issus s'acharnent à l'extirper, sans s'apercevoir que, la nature ayant horreur du vide, ils préparent le terrain à l'islam. Personnellement, je me retrouve dans la vision zemmourienne: le socle de la nation française repose sur une population enracinée de longue date, blanche, de culture gréco-latine et de tradition catholique. Oui, la France accueille des immigrés depuis le milieu du XIX° siècle, et elle en assimilait une partie jusqu'aux années 1970-80, les autres s'en allaient. Oui, les Européens de culture chrétienne sont plus facilement assimilables que les populations issues du monde musulman et d'Afrique noire. Oui, la France est aujourd'hui confrontée à un Grand Remplacement, comme j'ai essayé de le montrer, dont l'ampleur est telle que ceux qui le niaient encore hier se sentent aujourd'hui obligés d'enrober la réalité avec des termes euphémisants comme "créolisation".

 

La "culture commune" ne se crée pas toute seule par opération du Saint Esprit, ce n'est pas un phénomène spontané (du moins en France) contrairement à ce que croit Mélenchon. La "culture commune" française a été élaborée et diffusée par l'Etat central. Cela commence avec la centralisation politique et administrative pratiquée par les Capétiens dans leur domaine royal. Cela se poursuit avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) de François 1er instituant l'usage de la "langue françoise" pour les actes officiels en lieu et place du latin. La langue française elle-même n'est pas le produit du hasard ou l'heureux résultat d'un melting-pot linguistique. Non, c'est le pouvoir politique qui a choisi un des dialectes de langue d'oïl pour en faire le français. C'est le pouvoir politique qui a veillé à ce que cet instrument de pouvoir et de communication fût soigneusement codifié, par la création de l'Académie française (1634) à l'initiative de Louis XIII et Richelieu. Enfin, c'est le pouvoir politique qui a assuré le rayonnement (et quel rayonnement!) de la langue française en soutenant les écrivains de génie, comme le fit Louis XIV. Mélenchon s'émerveille naïvement de la francophonie, mais qu'est-ce donc que la francophonie, sinon l'héritage (positif?) de la colonisation? Il n'est d'ailleurs pas étonnant que la fragmentation grandissante de la nation française s'accompagne d'une attaque en règle contre la langue française, ses règles, son bon usage. Sous couvert de déconstruire un énième instrument d'oppression, on prépare aussi le passage à une langue simplifiée, appauvrie, une espèce de pidgin qui suffira aux interactions basiques entre membres des différentes tribus se partageant le territoire français. 

 

Energie et climat

Autre grande question abordée durant le débat, celle de l'énergie. Je dois dire que Mélenchon s'est surpassé. Après n'avoir juré, il y a quelques années, que par la géothermie, il nous a cette fois servi une flamboyante tirade sur les énergies renouvelables en général, et les parcs d'éoliennes maritimes en particulier, lesquels ne sont certainement pas la solution à nos problèmes quand on sait le pouvoir corrosif de l'eau de mer. Le chef de LFI a expliqué qu'on allait, non pas "abandonner", mais "sortir" du nucléaire, parce que... Mais pourquoi au fait? Ah, ça me revient: il y a eu Tchernobyl, il y a eu Three Mile Island, il y a eu Fukushima. Un mauvais esprit serait tenté de demander à Mélenchon le rapport qu'il y a avec nos centrales. D'ailleurs, l'accident de Tchernobyl date de 1986 et il me semble que les convictions anti-nucléaires de Mélenchon sont postérieures, et pourraient bien dater du moment où l'ancien sénateur socialiste s'est mis en tête de fédérer l'électorat de la gauche radicale. Mais je suis toujours étonné de cet argument sur la dangerosité du nucléaire, car les problèmes que pose ce dernier ne sont pas si différents de ceux qu'on observe dans d'autres filières industrielles. Ainsi, les accidents liés à l'industrie chimique sont nombreux et parfois meurtriers, d'autant que les usines se trouvent souvent en milieu urbain. L'enfouissement des déchets radioactifs peut légitimement inquiéter, mais quid de l'enfouissement des déchets de l'industrie chimique (plomb, cadmium, etc) qui, étant stables, sont eux polluants pour l'éternité quand la radioactivité décroît avec le temps? Mélenchon le reconnaît sans honte: il regarde, il observe l'évolution du monde, et il change d'avis. En fait, en disant cela, Mélenchon a avoué qu'il suit son électorat plus qu'il n'essaie de le guider. Hier, Mélenchon a cru au productivisme, et il s'est trompé. Hier, Mélenchon a cru au nucléaire, et il s'est trompé. Certes, "il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis", mais quand on se trompe si souvent, cela commence à ressembler à de l'incompétence, non? Sur les énergies renouvelables, Mélenchon en est à mon sens resté à des incantations. Il n'a rien dit sur la manière, par exemple, de créer des filières industrielles françaises dans ce domaine, même s'il a affirmé à un moment être favorable au protectionnisme (eh oui, hier, il a cru au libre-échange, et il s'est trompé...), sans dire d'ailleurs s'il s'agit d'un protectionnisme européen comme il le défendait il y a quelques années, ou s'il s'agit d'un protectionnisme strictement national.

 

Zemmour, lui, est un partisan déclaré de la filière nucléaire, et il l'a dit. Il a rappelé que, grâce à l'atome, la France produit une électricité largement décarbonée, alors que la très écologiste République Fédérale d'Allemagne ferme ses centrales nucléaires pour rouvrir des centrales à charbon, grandes émettrices de CO2. Il a aussi précisé que les filières qui travaillaient à la réutilisation des déchets ont été honteusement abandonnées, alors qu'elles permettraient peut-être de réduire considérablement la quantité et la dangerosité desdits déchets. A mon avis, Zemmour aurait dû lier cette question à l'abandon de toute politique industrielle par notre pays, d'autant qu'il a affirmé ailleurs (chez Jean-Jacques Bourdin je crois, ou chez Laurence Ferrari) vouloir réindustrialiser la France. La position pro-nucléaire de Zemmour est un bon point à mes yeux, d'autant que je l'avais trouvé un peu ambigu sur la question de la vaccination. En bon jacobin et en bon colbertiste, Zemmour sait bien qu'en France, l'industrie doit être tirée par l'Etat, et que la mise en place de grands programmes est le signe d'un Etat fort. Je regrette cependant que Zemmour soit réticent à sortir de l'euro (il a déclaré que "ça coûterait trop cher d'en sortir") d'autant qu'il a reconnu lui-même qu'il serait difficile de réindustrialiser le pays avec la monnaie unique. C'est une des limites du journaliste en matière économique: il n'aime pas l'euro, il dit lui-même qu'il était opposé à son adoption, mais il ne voit pas, à mon avis, que la sortie de l'euro est la condition indispensable au redressement économique de la France. Après, il est bien évident que Zemmour n'est pas économiste. Cela étant, comme il ne manifeste aucun attachement particulier pour la monnaie unique, je pense qu'il serait disposé à en sortir s'il parvenait à se convaincre que c'est nécessaire.

 

Quoi qu'il en soit, il était très intéressant d'entendre l'héritier autoproclamé des Lumières et de la Révolution laisser de côté la science pour épouser une rhétorique moralisante sur la "sobriété", tandis que le "droitard", le "réactionnaire" affirmait sa confiance dans la science pour résoudre les problèmes qui se posent à notre société. Etrange époque que la nôtre, où la Raison et les valeurs de la Modernité paraissent avoir changé de camp.

 

Politique étrangère

Sur l'OTAN, je passerai rapidement, puisque les deux hommes se sont dit favorables à une sortie, partielle ou totale, de cette alliance militaire qui n'est plus, depuis la chute de l'URSS, qu'un instrument de l'hégémonie américaine. Je souscris à l'idée qu'il est de l'intérêt de notre pays de distendre les liens avec les Etats-Unis d'Amérique [3] et de rechercher, non point un autre maître, mais des partenaires, et de préférence des partenaires qui aient un intérêt à se concilier la France. Les Etats-Unis n'ont pas besoin de nous, ils ont suffisamment de vassaux et d'obligés en Europe, à l'ouest comme à l'est. La Russie, au contraire, tirerait avantage à disposer d'un partenaire fiable en Europe occidentale. Malheureusement l'affaire des navires non livrés a cruellement entamé, je le crains, la crédibilité de la France auprès des dirigeants russes. En tout état de cause, la récente crise des sous-marins australiens vient à propos nous rappeler deux choses importantes: d'abord, la France doit impérativement conserver, entretenir et moderniser son arsenal de dissuasion nucléaire; ensuite, les pays anglo-saxons nourrissent une hostilité ancienne et tenace envers la France. En effet, cette dernière offre (ou offrait) un autre modèle de société, d'Etat, de rapport aux institutions, autrement dit une autre forme de civilisation occidentale. Bien que nos élites feignent de ne pas le voir, les pays anglo-saxons (et peut-être même les "Saxons" allemands) continuent à considérer la France comme une rivale qu'il convient, sinon d'éliminer (que serait le sentiment national anglais sans nous?), du moins d'abaisser chaque fois que possible.

 

Concernant l'Union européenne, là aussi, Mélenchon nous a offert une prestation étonnante. Entendre celui qui qualifiait le Traité de Maastricht de "compromis de gauche" à l'époque de la ratification expliquer que la "concurrence libre et non faussée" est depuis toujours le ver qui fait pourrir le fruit européen ne manquait pas de sel. On se perd en conjectures: Mélenchon avait-il omis de lire le Traité en 1992? Il déclare avoir rectifié son erreur en votant "non" en 2005, mais le mal était déjà fait, comme Zemmour le lui a fait remarquer. Que voulez-vous, hier Mélenchon a cru à la construction européenne, et il s'est trompé. Mince, encore! Une telle accumulation d'erreurs laisse songeur, et surtout on se demande quelle grille de lecture idéologique Mélenchon applique au monde qui l'entoure. Mais peut-être n'en a-t-il tout simplement aucune... Pour le reste, le chef de LFI a ressorti comme un mantra la "désobéissance aux traités", sans trop insister d'ailleurs, et ça vaut mieux parce qu'il faudrait évoquer les sanctions dont la France ferait l'objet. Zemmour quant à lui n'est pas très clair sur les questions européennes. Il n'aime pas l'UE, c'est entendu, et il fait partie des contempteurs de la construction européenne qu'il associe, à juste titre à mon avis, à l'édification d'un "Etat de droit" qui a fini par corseter la démocratie, et au pouvoir grandissant des cours de justice (nationales et européennes). Il est vrai que, de plus en plus, le Conseil d'Etat, la Cour de Cassation, la Cour de Justice de l'Union européenne, et les juges en général se sont arrogés un véritable pouvoir législatif à travers la production d'une jurisprudence dont la conformité à la volonté initiale du législateur est parfois contestable, ainsi qu'à travers une vérification de plus en plus tatillonne de la conformité des décisions politiques aux saints traités européens. Lorsque le juge ne se contente plus de dire le droit mais qu'il commence à faire (ou à empêcher de faire) le droit, la tyrannie n'est pas si loin, et je suis d'accord avec Zemmour sur ce point. Mais que propose-t-il? Zemmour a certainement une sensibilité "souverainiste" comme on dit, mais il doit à mon sens travailler cette question et dire plus clairement ce qu'il envisagerait de faire, si d'aventure il escompte se présenter. 

 

En conclusion, j'ai trouvé ce débat assez équilibré. Chaque participant est resté à peu près digne, s'est bien défendu et a réussi à empêcher son adversaire de prendre l'ascendant, tout en exploitant au maximum ses talents propres. J'ai tendance à penser que la candidature de Zemmour est très probable à ce stade. Avec ce débat, je dirais qu'il a pris une option sérieuse sur mon vote, si je me décide à me rendre à nouveau aux urnes, ce que je n'ai plus fait depuis 2017.

 

[1] On se demande d'ailleurs pourquoi: les écologistes font une fixation sur la "catastrophe climatique" à venir et pas grand-monde ne leur en fait grief. Apparemment, il y a les "bonnes" obsessions et les "mauvaises" obsessions. Le Grand Réchauffement (l'expression est de Zemmour) est une marotte acceptable, le Grand Remplacement, non.

 

[2] Rachel Khan, pour ceux qui l'ignorent, est une de ces personnalités qui cochent (presque) toutes les cases: c'est une femme, son père est un Subsaharien et sa mère une juive originaire des pays de l'est. Elle est donc l'héritière des deux populations qui ont été les victimes historiques des deux grands crimes racistes perpétrés par les sociétés blanches européennes, à savoir la traite négrière transatlantique et la Shoah. Toutefois, Rachel Khan s'est récemment émue des excès du décolonialisme, ce qui lui a valu l'excommunication de la part des plus radicaux de la mouvance, en même temps que la sainte onction dans les milieux progressistes "modérés" ou "raisonnables" qui commencent à s'effrayer du monstre qu'ils ont eux-mêmes contribué à faire grandir.

 

[3] J'avoue avoir éprouvé une certaine forme de Schadenfreude en entendant les cris d'orfraie de nos élites. J'ai été très amusé d'écouter sur France Culture des questionnements du type "Biden est-il vraiment le Président que les Américains ont élu?" ou encore "Biden ne serait-il qu'un Trump plus poli et mieux éduqué?". La bêtise de notre classe médiatique est incommensurable. Oui, Joe Biden est le Président que les Américains ont élu, et non celui que les journalistes français ont choisi. Barack Obama en son temps avait déçu lui aussi, parce qu'il gouvernait avec comme optique "l'Amérique d'abord" même s'il ne le claironnait pas aussi fort que Donald Trump. Décidément, nos élites n'ont rien compris et rien appris.



26/09/2021
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