Affaire Clément Méric: mais qui est mort?
Je m’étais d’abord promis de ne pas commenter cette affaire. Mais elle prend de telles proportions, et semble à présent servir de prétexte à de telles outrances, qu’il me faut en dire un mot. Clément Méric est mort, ce n’est pas drôle (même si ce n’est pas la « tragédie absolue » dont parlent certains), mais je ne voudrais pas que sa mort soit récupérée par les ennemis de la liberté d’expression, par des gens qui de plus en plus imposent une chape de plomb sur le débat public dans mon pays, car la France est aussi mon pays, et n’appartient pas seulement aux voyous prétendument antifascistes et aux inquisiteurs bien-pensants comme Pierre Bergé.
L’affaire : les faits
On commence à y voir un peu plus clair sur ce qui s’est passé mercredi 5 mai, rue Caumartin dans le IX° arrondissement de la capitale. S’y déroulait une « vente privée » de vêtements de marque prisés par les extrêmes, notamment la marque Fred Perry, apparemment d’origine anglaise. Je n’y connais rien (n’étant ni skinhead, ni antifasciste), mais je trouve amusant que des extrémistes, des ennemis du « système » et de la mondialisation, soient à ce point passionnés par la mode et de surcroît par des marques anglo-saxonnes. Avec de tels ennemis, le « système » peut rigoler… Toujours est-il que lorsque des « fachos » croisent des « antifas », le pugilat est fréquent. Et il advint donc qu’une bagarre éclata entre les « gentils » antifascistes et les « méchants » fascistes. Qui a déclenché l’affrontement ? Difficile à dire. En revanche, il semble bien que ce soient les antifascistes, ou au moins l’un d’eux, qui aient eu la bonne idée de « titiller » les crânes rasés, à l’intérieur des locaux où se déroulaient la vente privée susdite [1]. Le jeune Clément Méric, 18 ans, originaire de Bretagne, étudiant à Sciences Po, la fabrique des hiérarques bobos de la gauche caviar, reçoit plusieurs coups de poing dans la figure et s’effondre, en sang. Conduit à l’hôpital, il y décède peu après. Le principal suspect, un skinhead nommé Esteban, a depuis été interpelé. L’utilisation ou non d’un poing américain durant la rixe reste débattue. Le dénommé Esteban a finalement été mis en examen pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans volonté de la donner ». Il est logiquement placé en détention provisoire.
Résumons-nous : une banale bagarre entre deux groupes d’extrémistes décérébrés, qui finit mal. Au risque de choquer, cette affaire n’est rien d’autre que cela. Il n’y a aucun héroïsme là-dedans. Et qu’on ne vienne pas me parler de « martyr ». Non, Clément Méric n’est pas un martyr. Un martyr, « témoin » en grec, est une personne qui meurt volontairement pour « témoigner » de sa foi. Clément Méric n’est pas mort volontairement, et certainement pas pour sa foi. L’antifascisme n’est pas une religion, tout au plus un prétexte pour parer de quelque vertu les turbulences de jeunes agités sans cervelle. Méric s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Il est mort bêtement. C’est très triste pour ses proches, j’en conviens. Mais cela ne justifie pas qu’un sénateur fonde en larmes sur un plateau télé pour la mort d’un jeune homme qu’il ne connaissait pas [2], ni qu’on fasse de Méric un « soldat politique » mort pour la Cause, un Résistant des temps nouveaux, tombé face au nazisme. La culture des crânes rasés a autant à voir avec le nazisme qu’une réalisation de Buren avec l’art [3]. Un jeune homme est mort, mais ce n’était pas un héros, tout juste un facho d’extrême gauche. Et j’ajoute qu’après tout, quand on est antifa et qu’on a la témérité de provoquer les skinheads, mourir dans une baston fait partie des risques du métier… Les bagarres mortelles ne datent pas d’hier.
Qui sont les antifascistes ?
Oui, c’est un facho d’extrême gauche qui est mort. Il suffit d’aller sur le site de l’Action Antifasciste (AA) pour s’en convaincre [4]. Sur la page d’accueil, on peut lire à droite le slogan suivant, en anglais s’il vous plaît : « Good night white pride » (« Bonne nuit la fierté blanche »). Et, à l’intérieur de cette maxime pour le moins vague, on aperçoit une silhouette s’apprêtant à frapper une autre silhouette, à terre celle-là, et marquée d’une croix celtique. Par conséquent, l’interprétation la plus plausible est que l’individu qui s’apprête à frapper est un antifasciste et que l’autre se trouve être un facho blanc. Cette image est clairement une apologie de la violence, voire une incitation au passage à l’acte. Tiens, tiens, l’apologie de la violence, ne serait-ce pas une spécificité du fascisme ? On peut également lire au-dessous le slogan : « let’s fight white pride » (« combattons la fierté blanche »). Difficile d’être plus explicite dans l’encouragement à la violence. Autre point qui mérite qu’on s’y arrête : à la fin du texte de « Présentation », on peut lire que les antifas sont « pour l’offensive sociale, métissée et populaire ! ». Comment cela « métissée » ? On observe là typiquement ce que je dénonce comme étant l’idéologie du métissage, un renouvellement du racisme, un néoracisme sournois qui, par haine du suprémacisme blanc d’inspiration nazi, en vient à considérer que le métis, le sang-mêlé, est intrinsèquement supérieur aux autres en ce qu’il incarnerait biologiquement la diversité et le multiculturalisme. Comme s’il suffisait d’être métis pour maîtriser deux cultures. Je signale aux antiracistes patentés que considérer la culture comme un héritage biologique est une idée typiquement identitaire. Il faut vigoureusement combattre cette idéologie. Non point qu’il faille interdire ou condamner le métissage en tant que tel, pas plus que la lutte contre le nazisme ne suppose l’élimination systématique des grands blonds aux yeux bleus. Mais il faut dire et répéter que le métissage ce n’est pas nécessairement bien, et surtout que ce n’est pas mieux. Que le métissage ne saurait en aucun cas tenir lieu de projet politique à une société, ni être la condition sine qua non pour l’instauration du paradis sur Terre [5].
A présent, oublions le site de l’AA. Imaginez que nous soyons sur un site appelé « Action Antisioniste ». A droite, on lirait le slogan « Good night jew pride » (« Bonne nuit la fierté juive »), avec un individu s’apprêtant à tabasser une silhouette à terre marquée de l’étoile de David ou du symbole de la Ligue de Défense Juive (LDJ). Combien voulez-vous parier qu’un tel site serait aussitôt qualifié d’antisémite, de raciste, et promptement interdit ? Et pourtant, un tel site userait des mêmes ficelles que celui de l’AA. Imaginez un autre site qui se baptiserait « Action Antimusulmane » avec le slogan « let’s fight muslim pride » (« combattons la fierté musulmane ») entourant un individu bastonnant un gars à terre marqué du croissant. Honnêtement, vous pensez que ça passerait ? Bien sûr que non. Pas plus que ce ne serait toléré s’il s’agissait de s’en prendre à la « fierté arabe » ou à la « fierté noire ». Parce qu’il faut bien comprendre qu’aujourd’hui en France, on a le droit d’être fier d’être noir, arabe, juif, musulman… mais pas d’être blanc, car dans ce cas-là, vous êtes nazi. Etonnant non ? A titre personnel, je ne suis pas suprémaciste blanc, la « race blanche » est un concept qui me laisse de marbre. Mais je n’ai pas honte d’être blanc et je suis gêné que les autres groupes ethniques (ou ethnico-religieux pour les juifs, un cas complexe) s’autorisent en toute liberté une rhétorique qui serait jugée inacceptable chez les blancs. Je n’aime pas le deux poids, deux mesures.
Enfin, pour se convaincre de l’esprit humaniste qui souffle généreusement dans les locaux et les cerveaux de l’Action Antifasciste, il faut écouter ce que déclare l’antifa Mohamed dans cette vidéo [6]. Ce brave combattant du bien, ce digne héritier de Jean Moulin, nous explique qu’il ne faut pas permettre aux fachos d’ « exister politiquement dans des lieux physiques ». Cette affirmation pose problème parce qu’en démocratie, un citoyen existe politiquement tant qu’il existe physiquement, autrement dit, la seule façon de détruire les fascistes selon les antifascistes radicaux, c’est logiquement de les tuer ou de les interner. La deuxième partie de la citation ouvre la porte à une remise en cause d’une liberté fondamentale, à savoir la liberté de réunion. Dire que demain, on va empêcher des gens dont les idées ne nous plaisent pas de se réunir dans des locaux qui leur appartiennent ou qu’ils louent dans le respect de la légalité, c’est à faire frissonner. Et vous noterez que ce type de propos dans la bouche d’un antifasciste n’émeut personne. Finalement, le vrai problème des antifascistes, c’est qu’ils croient nécessaires de recourir à des méthodes fascisantes pour lutter efficacement contre le fascisme. Et ils se retrouvent à la fin ressembler dangereusement à ceux qu’ils prétendent combattre…
Pourquoi faut-il rejeter la nouvelle inquisition ?
Le lecteur pourrait (non, devrait) me poser la question suivante : « Mais enfin, M. Nationaliste Social & Républicain, pourquoi cette hargne contre les antifascistes ? Pourquoi cette apparente indulgence envers les groupuscules skinhead comme les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR) ? Si vous combattez les antifascistes, n’est-ce pas une façon d’avouer que vous êtes du côté des vrais fachos ? Pour qui roulez-vous ? ». C’est une bonne question. Je le dis toujours à mes élèves : face à un document, quel qu’il soit, interrogez-vous toujours sur la source, l’auteur, son parcours, ses intentions. Je ne suis ni militant, ni sympathisant des JNR ou de tout autre groupuscule de la droite dite radicale ou ultranationaliste (une appellation erronée et illégitime selon moi). Je suis un sympathisant de Debout la République et de son président, Nicolas Dupont-Aignan, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’entretient aucune connivence avec les crânes rasés. Pourtant, j’ai le sentiment que mon sort est lié à celui des groupuscules de la droite radicale. Car, si on les prive de leurs libertés fondamentales, qui peut me garantir que demain on ne me privera pas des miennes ? Ce sont des « fachos », bien sûr, des gens violents, intolérants, irrationnels… Rien à voir avec moi, serais-je tenté de penser. Mais j’ai une question : qui, en France, est chargé de définir ce qu’est une idéologie acceptable ou pas ? Qui a la légitimité pour lister les idées interdites ? Il y a des lois en France. Ces lois « encadrent », de manière très restrictive je trouve [7], la liberté d’expression, du moins celle des Français natifs. Il est interdit de faire l’apologie des crimes de guerre ou crimes contre l’humanité, d’inciter à la violence, de tenir des propos racistes. Si les JNR ont enfreint la loi, qu’elles soient dissoutes. Mais je refuse qu’on interdise les JNR au simple motif qu’un sympathisant, peut-être ancien adhérent, de cette organisation a commis un homicide involontaire au cours d’une bagarre fortuite à la sortie d’une vente privée de fringues. Si vous avez un ami dont le frère se fait braqueur de banques à votre insu, trouveriez-vous juste que la police vienne vous arrêter ? Evidemment non.
Je ne me fais aucune illusion : en critiquant l’immigration, l’islam, l’idéologie du métissage, la construction européenne, je sais pertinemment qu’un certain nombre de personnes vont me cataloguer comme extrémiste de droite, raciste, nazi, bref « facho ». Je pourrais rétorquer que ces gens-là ne connaissent pas l’histoire, mais on doit bien convenir que la culture historique n’est pas la chose la mieux partagée en ce moment. Ainsi ces comparaisons incessantes entre notre époque et les années 30, comme si le contexte international, la société, l’échiquier politique étaient les mêmes. Allons, comparaison n’est pas raison. Bien sûr, nous traversons une période difficile. Il n’empêche que nous ne sommes pas dans les années 30, Marine Le Pen n’est ni Adolf Hitler ni Jacques Doriot, et les musulmans ne sont pas les juifs (ce point mériterait un article…). Il faut cesser les amalgames. Ce sont ces amalgames qui m’effraient. Imaginons un instant que quelqu’un comme l’abominable Pierre Bergé, la honte de ce pays, ait demain le pouvoir de décider qui est « facho » et qui ne l’est pas. Avec ce grand amoureux de la liberté et de la démocratie, Frigide Barjot serait emprisonnée pour fascisme, la « manif’ pour tous » sans doute réprimée par les mannequins qui posent dans Têtu, une fois n’est pas coutume vêtus d’uniformes noirs (et roses, tout de même) et armés de tasers et de matraques, les églises catholiques seraient fermées pour « incitation à l’homophobie », le FN et l’UMP dissous pour « pensée non conforme ». Un blog comme le mien serait sans doute interdit, car jugé trop réactionnaire, diffusant des idées « nauséabondes ». Et je ne vous parle pas des programmes scolaires avec de nouveaux thèmes comme « la pédérastie au service de l’émulation pédagogique dans la Grèce classique » (programme de 6ème) ou encore « Sodome et la sodomie : une construction de l’imaginaire homophobe dans les tr…, pardon les deux religions monothéistes » (programme de 5ème).
Vous trouvez que j’exagère ? Allez, je l’admets, je force un peu le trait. Pourtant, l’abject Pierre Bergé a clairement assimilé le rejet du « mariage pour tous » à l’antisémitisme, alors même que les autorités religieuses juives par la voix de Gilles Bernheim, grand rabbin de France, ont condamné l’union de deux personnes de même sexe [8]. Il est intéressant de noter que ce déferlement d’insinuations, d’injures, d’insultes (« tous les enfants maltraités à l’heure actuelle le sont dans des foyers hétérosexuels » : voyez, voyez, ces hétéros incapables d’éduquer des enfants, hein, les homos feraient mieux, c’est sûr), d’amalgames (homophobe = antisémite) n’entraîne pas vraiment de réactions, même si la journaliste elle-même paraît parfois un peu décontenancée devant les énormités proférées par le sieur Bergé. A cela s’ajoute une incroyable suffisance avec toujours cette idée que « ça ne concerne pas les autres », comme si vivre en société ça n’était pas justement être concerné par ce que font les autres. A un moment, Pierre Bergé concède qu’on a le droit de se poser des questions. Mais apparemment, on n’a pas le droit d’y apporter une autre réponse que celle qui plaît à M. Bergé. Et puis, quand on écoute l’entretien, il y a quand même cette idée récurrente qu’il ne faut pas toujours suivre l’avis du peuple, qu’il y a des gens plus sages que le peuple (comme Pierre Bergé), des gens qui savent mieux que le peuple ce qu’il faut faire parce qu’ils ont des « convictions ». Ce faisant, Pierre Bergé est fidèle à une certaine vision aristocratique et élitiste de l’homosexualité… Et j’arrêterai là les analogies douteuses pour ma part. Le sinistre Pierre Bergé a récidivé à l’occasion de la mort de Méric en twittant : « ce sont ces inconscients de la #manifpourtous qui ont préparé le terrain. En s’associant avec l’extrême droite, il lui ont permis d’exister ». Quelques remarques s’imposent. D’abord, c’est de la diffamation pure et simple. M. Bergé a-t-il le moindre début de preuve d’un lien unissant la rixe du 5 juin à la manif’ pour tous ? A-t-il livré des éléments à la police ? Bien sûr que non. Parmi les raisons invoquées pour expliquer le drame de la rue Caumartin, la question du « mariage pour tous » ou de l’homosexualité n’apparaît nulle part, je dis bien nulle part. La deuxième partie du twit est également fausse : les JNR et autres groupuscules d’extrême droite existaient avant la manif’ pour tous. Le Bloc identitaire s’est déjà fait remarquer à plusieurs reprises en menant des actions pour dénoncer l’islamisation de la France. La droite radicale a d’autres thématiques que le mariage pour tous. Pierre Bergé est un menteur. Ce ne serait pas si grave s’il n’était pas aussi influent.
La liberté a un prix : accepter tant bien que mal celle des autres. Pour que je demeure libre, il faut que les groupuscules d’extrême droite, comme ceux d’extrême gauche d’ailleurs, conservent leurs libertés fondamentales, d’expression et de réunion. Pour que nous vivions en République, il faut que la loi soit la même pour tous, fachos de la droite radicale ou fachos d’extrême gauche. Ce qui est condamné chez les uns ne saurait être toléré chez les autres. Il me faut aussi accepter (c’est dur) que les gens comme Pierre Bergé ouvrent leur immonde claquem… pour débiter des insanités sous le regard bienveillant de journaleux peu scrupuleux. Mais, en échange, M. Bergé et consorts sont priés d’accepter que leurs ennemis politiques s’expriment sans se faire traiter de nazis (car c’est une insulte grave, et l’on devrait y réfléchir à deux fois avant de la proférer). C’est aussi cela, l’égalité, M. Bergé.
[1] Voilà deux articles du Figaro qui résument l’affaire et ses suites judiciaires :
Pourquoi citer le Figaro et pas un autre journal ? Parce qu’en l’occurrence le Figaro étant de droite, il échappe plus facilement à l’hystérie collective qui s’est emparée de la gauche suite à ce meurtre, hystérie qui amène souvent à déformer les faits… Mais le Figaro est lui-même sujet à des réactions hystériques quand il est question des fonctionnaires (en particulier de l’Education nationale) par exemple.
[2] http://www.youtube.com/watch?v=i2K_NQ2ePv4
[3] D’après sa fiche Wikipédia, Daniel Buren a « étudié la peinture et la décoration générale ». Comme quoi, il ne suffit pas toujours d’étudier pour reproduire…
Plus sérieusement, sur l’aspect « folklorique » des références néonazies dans le milieu skinhead :
[4] http://actionantifasciste.fr/
https://blog-nationaliste.blog4ever.com/blog/lire-article-286920-9286258-le_metissage_en_debat.html
[6] http://www.youtube.com/watch?v=8F5pjdvs2ps
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