Présidentielles 2022: morne campagne
Je ne prétends pas à l'originalité en commençant cet article par un constat assez partagé: cette élection présidentielle de 2022 est un rendez-vous politique raté. J'avoue que je n'ai regardé aucun débat depuis celui qui avait opposé Jean-Luc Mélenchon à Eric Zemmour (alors candidat non déclaré), auquel j'avais consacré un article. J'éprouve une sorte d'aversion pour Cyril Hanouna, raison pour laquelle je n'ai regardé aucune de ses émissions. Je n'ai consulté aucun programme, parce que personne n'y croit, et les listes de mesures, sans cohérence ni vue d'ensemble, me fatiguent. La plupart des candidats prévoient des dépenses pharaoniques pour plaire à leur électorat "coeur de cible"... Mais les mêmes entendent baisser les impôts! L'argent tomberait-il du ciel? Ou bien, à droite, il y a la tentation du "tout-austérité": moins de fonctionnaires, moins de dépenses, moins d'Etat, mais un Etat plus fort et plus efficace. Par quel tour de magie? Mystère. Pourquoi donc une campagne aussi ennuyeuse?
Il y a d'abord l'attitude du président en exercice. Convaincu qu'il est un "chef de guerre" parce que le bruit du canon se fait entendre à plus de 2 000 km de nos frontières, Jupiter s'est exempté d'office de tout bilan de son quinquennat, et de toute rencontre désagréable avec ses rivaux. S'il appelle si souvent Vladimir Poutine, ne serait-ce pas pour le remercier? La guerre en Ukraine fait bien son affaire. Elle a "tué" la campagne et, d'après les sondeurs, les journalistes et quelques autres, elle assurerait la réélection de l'actuel locataire de l'Elysée haut la main. "Il fait le job" me disait un collègue. "Oui, mais mal" eussé-je dû répondre. Emmanuel Macron n'a pas de vision, pas de programme, et aucun sens du tragique. Lorsqu'il parle avec gravité, ça sonne faux. C'est l'élève sérieux qui récite sa leçon avant d'aller s'encanailler avec Mcfly et Carlito. Sur le dossier gréco-turc, il avait montré quelque fermeté, mais sur l'Ukraine, il a servilement aligné la France sur les Etats-Unis. Et j'ai horreur de l'hypocrisie: égrener une liste interminable de sanctions extraordinaires censées mettre la Russie à genoux pour nous expliquer ensuite que "nous ne sommes pas en guerre contre la Russie", c'est nous prendre pour des benêts. Affirmer que l'OTAN ne menace pas la Fédération de Russie alors qu'elle ne cesse de s'élargir au voisinage de cette dernière, que des missiles sont installés en Pologne et que l'Ukraine avait bel et bien débuté son processus de rapprochement avec l'Alliance Atlantique, c'est se moquer du monde. M. Macron nous prend pour des imbéciles.
Les rodomontades et les grands discours masquent difficilement une réalité peu reluisante: nos dirigeants sont faibles. Les derniers événements de Corse le montrent: après des violences inqualifiables, faisant suite à l'agression d'Yvan Colonna par un co-détenu, Gérald Darmanin, ci-devant Ministre de l'Intérieur, arrive en Corse pour discuter de l'autonomie. Et le rétablissement de l'ordre, c'est facultatif? Bon, on aurait pu penser que cette volonté conciliante mettrait Messieurs Simeoni et consorts dans de bonnes dispositions. Las! A peine le berger de Cargèse décédé, les autorités corses ont fait mettre en berne... le drapeau français! Le président a évoqué "une faute", moi j'appelle cela une trahison. Rappelons que M. Colonna a été condamné à plusieurs reprises pour le meurtre du préfet Erignac. Les Corses brûlent et cassent, ils traitent l'Etat français d'assassin, ils insultent notre drapeau et rendent hommage à un authentique meurtrier [1]. Et Darmanin leur offre l'autonomie. On ne sait pas si on doit rire ou pleurer. Les temps médiocres produisent les hommes médiocres. A une certaine époque, Darmanin aurait été remercié. Mais non, il garde son ministère et il aura sans doute sa place au gouvernement si d'aventure Macron est réélu. Il y a plusieurs années de cela, j'avais écrit un article virulent contre les indépendantistes corses. En bon jacobin, je ne pouvais tolérer l'idée d'une sécession. Seulement, il faut regarder le monde comme il est: la dislocation de la Yougoslavie, la guerre en Bosnie, la création du Kosovo, la sécession de la Crimée et du Donbass ont ouvert la boîte de Pandore. Il est vain de vouloir forcer des populations qui se haïssent à vivre ensemble. Les Corses haïssent la France [2] et personnellement, je pense que nous Français avons toutes les raisons de détester les Corses. Des gens qui se mettent une cagoule sur la tête, qui tirent dans le dos d'hommes désarmés et qui vous parlent d' "honneur" ne peuvent qu'appartenir à la lie de l'humanité. Quel Français digne de ce nom voudrait de tels compatriotes?
Je pense que des modifications de frontières vont survenir en Europe occidentale. Le monde change, et comme le dit l'inimitable Robert Dalban dans le mythique Les Tontons flingueurs, "quand ça change, ça change. Faut jamais se laisser démonter" [3]. Je ne suis pas sûr que la Catalogne demeure espagnole, que l'Ecosse reste dans le Royaume-Uni ou que la l'existence de la Belgique perdure. Il faut je crois s'attendre à une période d'instabilité. Dans ces conditions, pourquoi garder la Corse dans le giron français? Personnellement, je n'irai pas me battre pour ça. J'ai donc changé d'avis et suis désormais favorable à l'indépendance de la Corse, et je dis bien l'indépendance, pas l'autonomie. Parce que l'autonomie, c'est "je fais ce que je veux avec le pognon des autres". Et ça, désolé, il n'en est pas question. La Corse n'est pas le Donbass. Il serait peut-être temps de dire aux insulaires leur importance réelle: nulle. On surnomme pompeusement la Corse "l'île de Beauté". Pardon mais la Corse, c'est la Grèce en moins beau, et sans le patrimoine. De toutes les grandes îles méditerranéennes, la Corse est celle qui a le passé le moins glorieux. Regardons l'histoire: Chypre a été le berceau d'une civilisation importante dès l'âge du bronze, avant de bénéficier de l'influence gréco-phénicienne [4]; la Crète a donné la brillante civilisation minoenne; la Sicile fut la perle de l'Occident hellénisé, au carrefour des mondes grec, carthaginois et latin; la Sardaigne même a donné naissance à la culture nuragique, moins connue mais originale; en Corse, rien, ou pas grand-chose (la culture nuragique sarde semble avoir débordé sur le sud de la Corse). La France a fait des guerres pour obtenir le Roussillon, l'Alsace, la Lorraine, la Flandres, l'Artois, la Franche-Comté. La Corse, non: les Génois étaient trop contents de s'en débarrasser. Je me fiche éperdument de savoir si les Corses forment une nation, c'est leur problème. Je leur dis juste: vous êtes devenus indignes d'être des Français, alors bon vent.
Même le mélodrame corse n'a pas ravivé une campagne moribonde. Sur la plupart des candidats, je n'ai pas grand-chose à dire. Mélenchon est devenu la caricature de lui-même, il répète certains slogans éculés (sur la "VI° République"), sort d'un chapeau de nouveaux concepts qu'il ne maîtrise pas (la "créolisation") pendant que ses ouailles se compromettent chaque jour un peu plus avec la mouvance indigéniste et décoloniale. Yannick Jadot est tellement fade qu'on en regretterait presque la défaite à la primaire de Sandrine Rousseau, si caricaturale qu'elle en devient comique. Anne Hidalgo endort même ses partisans lorsqu'elle lève le poing en disant avec une conviction gaullienne "No pasaran". Elle en tout cas ne risque guère de passer le 1er tour, compte tenu de ce qu'elle représente: la synthèse entre l'arrogance des écolo-bobos et la déliquescence d'un parti qui a abandonné quasiment tous les principes historiques de "la gauche". Philippe Poutou et Nathalie Artaud, comme tous les cinq ans, sortent du formol pour ânonner un discours inchangé depuis la fin du XIX° siècle, tant et si bien qu'on s'attendrait presque à entendre des grésillements quand ils parlent. On accuse souvent l'extrême droite d'être passéiste, mais il faut écouter quand même ce que racontent les trotskystes. Leur rhétorique n'est pas passéiste, elle est fossilisée. J'ai du mal à comprendre comment certains peuvent les trouver "modernes". A gauche, reste Fabien Roussel du Parti communiste. J'admets avoir une vague sympathie pour lui. Un homme voué aux gémonies par les écolo-diversitaires ne peut pas être complètement mauvais. Par curiosité, j'ai jeté un oeil sur ses propositions, et malheureusement Roussel donne beaucoup trop de gages aux féministes, aux antiracistes, aux LGBTQRSTUVWXYZ+, etc. Or le wokisme m'est insupportable.
Et à droite? Valérie Pécresse fait ce qu'elle peut, et c'est bien peu, même s'il ne faut pas totalement exclure une qualification au second tour. Jean Lassalle, c'est le Midi de la France comme on l'aime: franc, généreux, avec l'accent épais. Un homme sympathique, modéré, mais sans véritable colonne vertébrale idéologique, condamné à mon avis à faire de la figuration. Nicolas Dupont-Aignan a eu par le passé mon soutien et mon vote, mais sa critique du pass sanitaire, son soutien sans faille à Didier Raoult l'ont à mes yeux disqualifié. La nécessité d'exister médiatiquement ne justifie pas qu'on appuie des thèses complotistes et que l'on cautionne des pseudo-scientifiques. Marine Le Pen a perdu une bonne part de sa crédibilité après son débat calamiteux de 2017. De plus, je trouve qu'effectivement le Rassemblement National a adopté une ligne trop modérée sur les questions identitaires d'islam et d'immigration, sans même parler de l'abandon de la sortie de l'euro. Je vais donc en rester à mon idée première: voter pour Eric Zemmour. Mais je vote pour l'homme, qui m'est sympathique et dont j'apprécie l'épaisseur intellectuelle, plus que pour son programme. Je continue à penser qu'Eric Zemmour est le seul à avoir pris la mesure des changements démographiques, ethniques et culturels qui affectent notre pays [5]. Seul, il ose parler du "Grand remplacement" et se propose de l'entraver. Il pose la question de la survie de notre civilisation et cela ne peut que toucher l'identitaire que je suis. Mais j'avoue que son programme économique, étrange mélange de colbertisme étatiste et de libéralisme débridé, me laisse sceptique. Une partie de son entourage suscite ma méfiance voire mon hostilité: je n'ai jamais aimé Guillaume Peltier, et par principe je me défie des transfuges, surtout de la dernière heure. Les Collard, Bay, Ravier ne m'inspirent guère confiance. J'appréciais assez Stéphane Ravier avant que la crise sanitaire ne l'amène, par ce réflexe détestable répandu chez les Marseillais, à prendre fait et cause pour Raoult au seul motif que celui-ci était une figure locale et s'opposait aux "instructions venues de Paris".
Je ne regarde pas trop les sondages, mais il semblerait qu'il sera difficile pour Eric Zemmour de se hisser au second tour. Il reste à espérer qu'il déjouera les pronostics.
[1] Certains me rétorqueront qu'Yvan Colonna a toujours nié être l'auteur du crime, que les descriptions des témoins ne correspondent pas, et patati et patata. Vraiment? Et alors pourquoi s'est-il caché si longtemps? M. Colonna aurait dû apprendre à lire le français, cela lui aurait été utile, par exemple pour lire l'article 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen: "mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant: il se rend coupable par la résistance". Admettons même que Colonna soit innocent. Qui est le coupable? Pourquoi a-t-il laissé Colonna être condamné à sa place? La vérité est que Colonna et toute sa bande approuvent le crime, ils sont tous des assassins.
[2] J'entends ceux qui vont me reprocher de mettre tous les Corses dans le même sac. Eh bien oui, je généralise. Parce qu'on n'a pas vu des foules manifester contre les casseurs. Et parce que MM. Talamoni et Simeoni n'ont pas débarqué d'une soucoupe volante pour diriger la Corse: ils ont été élus, leurs partis ont obtenu suffisamment de voix pour arriver aux affaires.
[3] Il faut rendre hommage à Michel Audiard: le dialoguiste a plus fait pour la défense de la langue française que bien des écrivains contemporains...
[4] Il faudrait regarder d'ailleurs si l'alphabet phénicien n'aurait pas "transité" par Chypre pour atteindre le monde hellénique et évoluer vers l'alphabet grec. Je ne suis pas un spécialiste de la question mais il faudrait creuser.
[5] Et qui, répétons-le, sont une réalité si on regarde sérieusement les statistiques officielles. Je renvoie à cet article.
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