Nationaliste Social et Ethniciste

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Hamas-Israël: qu'en penser?

"Malheur à celui qui construit une ville dans le sang,

Qui fonde une cité dans le crime."

                           Livre des Prophètes, Habaquq, 2, 12 

 

Au-delà de la Mer se trouve une terre à nulle autre pareil. Une petite terre ensoleillée sur les rives asiatiques de la Méditerranée. C'est la Terre Sainte, des collines de Judée aux Monts de Galilée en passant par les plaines de Samarie, ancien territoire des douze tribus d'Israël formant le peuple hébreu, rebaptisé "Palestine" au temps des Romains. La région n'a pas livré d'impressionnantes pyramides comme en Egypte ou de colossales ziggourats comme en Mésopotamie. Sichem, Samarie, Jérusalem paraissent avoir été bien modestes en face des Thèbes, Memphis, Babylone ou Ninive. C'est là pourtant, il y a plus de deux millénaires et demi, qu'un événement aux conséquences incalculables s'est produit: rejetant un polythéisme pratiqué par tous les peuples de la région, grands et petits, les Hébreux du royaume de Juda devinrent monothéistes, dans une situation difficile où leur existence même était menacée. Et aujourd'hui, nous sommes nombreux à être les héritiers de ce monothéisme primordial qu'on devait appeler plus tard "judaïsme". Les chrétiens comme les musulmans sont issus de cette matrice. Nous autres catholiques sommes les fils de Rome et de Jérusalem. Rien de ce qui se passe en Terre Sainte ne peut nous être complètement indifférent. Jérusalem exerce depuis longtemps une troublante fascination sur les Occidentaux. C'est là que le Christ aurait été crucifié et serait ressuscité. Cette terre recèle en son sein les mystères de la foi, et une part des racines de notre civilisation.

 

Malheureusement, il ne s'y passe pas de bien belles choses ces temps-ci. Le samedi 7 octobre 2023, le Hamas palestinien a lancé une opération d'envergure en envoyant depuis la bande de Gaza des commandos en territoire israélien, lesquels ont commis plusieurs massacres, tuant au total près de 1 300 personnes et capturant autour de 200 otages. Evidemment, l'Etat d'Israël a répondu à cette agression en bombardant la bande de Gaza, faisant près de 2 200 morts et 420 000 déplacés au moment où j'écris, auxquels il faut ajouter les 1 500 membres des commandos infiltrés du Hamas, tués en Israël même. Et il semble bien que ce ne soit que le début d'affrontements sanglants dont l'issue est bien difficile à prédire. En France, ces événements ont suscité une forte émotion, et on peut le comprendre. On constate cependant que chacun est sommé de prendre position, d'une manière je trouve bien peu démocratique. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen stipule en effet que "nul ne doit être inquiété pour ses opinions". Or, aujourd'hui, certains prétendent dicter à l'ensemble de la population son opinion. La nuance est interdite. Le regard critique vous vaut accusation d'antisémitisme ou de complicité avec les terroristes. Cette manière de verrouiller le débat, de faire taire ceux qui se posent des questions, est détestable. Elle est également contre-productive, tout le monde le sait, et vous aurez beau dire que "tous les bons républicains ne peuvent qu'être sur cette ligne", vous n'empêcherez pas les gens de penser différemment. Certes, les gens se tairont, mais ils n'en penseront pas moins. Et ils concluront que, décidément, la liberté d'opinion et la liberté d'expression en ont pris un coup ces derniers temps. Je vais donner ma modeste opinion sur les faits.

 

Qu'il me soit d'abord permis de dire tout le mal que je pense du Hamas, un groupe palestinien affilié aux Frères musulmans, une mouvance islamiste qui travaille - entre autres - à l'islamisation de l'Europe. Une mouvance qui nous explique de manière insidieuse que les musulmans d'Europe - et singulièrement ceux de France - souffrent d'une oppression qui n'est pas sans rappeler celle que subissent, précisément, les Arabes palestiniens. Idéologiquement, le Hamas est proche de l'AKP turc, le parti du président Recep Tayyip Erdogan, qui à l'évidence se pose en ennemi juré de la France [1]. Pour des raisons historiques (et comme souvent tragiques) que j'ai essayé d'expliquer dans un précédent article, l'islam est à mes yeux engagé dans une spirale de repli identitaire, de violence, d'intolérance et de confrontation avec les Occidentaux. Musulmans et non-musulmans ne peuvent pas, en l'état actuel des choses, cohabiter de manière harmonieuse. Le séparatisme nous guette, les tensions s'exacerbent, la méfiance se généralise, et à terme la paix civile sera menacée. L'islam, c'est un dogme et une jurisprudence, et ce sont les imams qui l'affirment. Sur le dogme, je ne me prononce pas, c'est une question de croyance et je suis respectueux de la foi islamique. Mais la jurisprudence, c'est-à-dire les prescriptions, ne permet pas le "vivre-ensemble" en Occident, et particulièrement en France. Le problème est qu'en Europe certains s'imaginent qu'on peut séparer le dogme de la loi religieuse, et faire en sorte que les musulmans conservent leur foi en abandonnant les prescriptions. Mais ce n'est pas ainsi que fonctionne l'islam [2]. On voit bien que, le temps passant et leurs effectifs s'accroissant, les musulmans sont de moins en moins enclins à faire des concessions. Il faut ajouter à cela les vents brûlants du rigorisme wahhabite qui soufflent sur tout le monde musulman depuis le désert du Nejd, ainsi que le contentieux colonial avec les pays du Maghreb et du Sahel, la logique victimaire encouragée par une société devenue pleurnicharde sans oublier, bien sûr, le soutien affiché de La France Islamo-gauchiste (LFI) aux revendications communautaires. Pour un véritable défenseur de la culture française et de l'unité nationale, la lutte contre les musulmans [3] n'est pas une option, c'est un devoir patriotique.

 

Mais revenons aux tragiques événements qui ont frappé Israël et qui frappent à présent la bande de Gaza. Ces derniers jours ont résonné d'homériques querelles verbales pour qualifier l'attaque du Hamas. S'agit-il d'actes terroristes? D'actes de guerre? Voire d'actes de résistance? Parler de terrorisme me paraît approprié, à condition de prendre le terme au sens premier et en laissant de côté toute dimension morale: oui, le Hamas a manifestement voulu "semer la terreur" parmi la population israélienne, en massacrant des civils, et en prenant soin de filmer et de diffuser des images de ses exactions. Et l'on sait la force des images. Je suis convaincu que les combattants du Hamas ne sont pas des fous: leur cruauté, leur sauvagerie étaient savamment calculées. Ils ont d'ailleurs pris soin d'épargner quelques unes de leurs victimes pour les emmener comme otages. Contrairement à ce que racontent les dirigeants israéliens, qui prennent leurs fantasmes pour des réalités, les chefs du Hamas sont tout sauf des animaux. Leur offensive a été minutieusement (et discrètement) préparée, les points faibles de l'ennemi soigneusement relevés, la date choisie avec discernement (pendant une fête juive) et, d'un point de vue strictement militaire, pardon de le dire, l'exécution de l'opération révèle de réelles qualités d'organisation et de discipline. On peut sans doute regretter que ces qualités ne soient pas mises au service de desseins moins sanglants, mais c'est une autre question. Cette attaque est également, de mon point de vue, un acte de guerre [4]. En effet, aucun traité de paix, aucun accord négocié n'a jamais mis fin officiellement aux hostilités entre Israël et le Hamas, lequel ne cache pas son aversion pour l'Etat hébreu. Et bien que les Israéliens aient le sentiment d'avoir été pris en traître, il faut leur rappeler qu'ils doivent à leur négligence d'avoir oublié qu'un ennemi inexpiable se terrait de l'autre côté de leur "barrière" qu'ils croyaient infranchissable. Quant à la question de la résistance, il faut établir si oui ou non les Palestiniens sont victimes d'oppression et/ou d'injustice, s'ils sont brimés. Eh bien là encore, désolé de le dire, au regard de la politique israélienne menée depuis une trentaine d'années, la réponse me paraît être affirmative.

 

Je ne cherche pas à excuser ou à justifier ce qu'ont fait les combattants du Hamas. Il n'y a aucune gloire, aucune grandeur à tuer un enfant en bas âge, un vieillard ou des jeunes gens désarmés, j'en conviens volontiers. Il s'agit là de crimes épouvantables. Comment ne pas avoir une pensée pour les personnes qui ont perdu un proche dans de telles conditions? Mais les actes du Hamas peuvent s'expliquer, et on peut je le crois discerner certains objectifs de l'organisation islamiste, par conséquent je ne vois pas pourquoi on se priverait de mener cette réflexion. Non, chercher à comprendre, ce n'est pas excuser, ce n'est pas justifier. Ceux qui emploient ce type d'argument, pour le coup, pratiquent le terrorisme intellectuel, ni plus ni moins. Les objectifs du Hamas paraissent assez clairs, et j'ai entendu plusieurs observateurs les énoncer explicitement: 1) frapper Israël et terroriser sa population, je l'ai dit; 2) rappeler au monde qu'il y a un problème palestinien à ce jour non résolu; 3) envoyer un message aux états arabes qui, les uns après les autres, "normalisent" leurs relations avec Israël, par intérêt et sous la pression américaine, en sacrifiant au passage les "frères" palestiniens et la belle solidarité islamique dont pourtant tant de ces pays se réclament. Ces objectifs ne sont peut-être ni louables, ni nobles, je n'en sais rien. En tout cas, ils me paraissent tout à fait rationnels, pensés, réfléchis. Ces fous de Dieu ont manifestement un cerveau, n'en déplaise à certains, et ils savent s'en servir. Maintenant, ces objectifs ont-ils été atteints? Pour le premier, cela me paraît indéniable: les Israéliens auront du mal à se remettre du coup qui leur a été porté. Israël est un Etat sûr de lui et dominateur, un Etat qui voue un culte à la force, et par ailleurs un Etat obsédé par sa sécurité, vivant sous une menace permanente. Et Israël vient de découvrir qu'il est vulnérable, terriblement vulnérable, malgré son armée bien entraînée, son armement de pointe, ses ogives nucléaires, ses services de renseignement légendaires. Il a suffi de quelques centaines de types en ULM, en moto et en pick-up, armés de kalachnikovs, pour opérer un raid meurtrier d'une rare violence. C'est la honte. Le deuxième objectif est sur le point d'être rempli: on semble découvrir - je l'ai entendu plusieurs fois dans la bouche d'experts - que le problème palestinien n'a jamais été réglé. Certains admettent même à demi-mot que le gouvernement israélien aurait laissé pourrir la situation depuis des années. Quant au troisième objectif, l'avenir dira si le Hamas a fait ou non un bon calcul.

 

J'entendais il y a quelques jours la journaliste Ruth Elkrief affirmer: "on peut défendre la cause palestinienne, mais pas soutenir les actes du Hamas". A priori, cette phrase paraît frappée au coin du bon sens. Mais on a quand même envie de se poser une question: qu'est-ce que les Palestiniens ont obtenu en renonçant à la violence? Regardons la situation de l'Autorité Palestinienne, dominée par le Fatah, en Cisjordanie. A quel moment le pauvre Mahmoud Abbas a-t-il reçu la moindre concession? J'ai sous les yeux une carte de la Cisjordanie dans un atlas de géopolitique datant de 2013 [5], et je lis la légende: mur [frontalier] achevé, construit, en projet; annexions de facto du territoire palestinien (au-delà de la ligne verte de 1949); colonie israélienne (je n'ai pas compté, mais il y a au moins cinquante implantations signalées sur la carte); et je passe sur les zones fort réduites où l'Autorité Palestinienne exerce la pleine prérogative étatique. En outre, une carte ne rend pas compte de la violence des expulsions, des expropriations de familles palestiniennes présentes parfois depuis des siècles. Le gouvernement israélien n'a cessé de mépriser et d'humilier l'Autorité Palestinienne, faisant son possible pour réduire à néant l'espoir d'établir un Etat palestinien viable. Faut-il rappeler également que les Israéliens se sont frottés les mains dans les années 2000 lorsque la rupture entre le Hamas et le Fatah a de facto entraîné la division du territoire - ou plutôt des lambeaux de territoire - palestinien en deux entités rivales? Je ne dis pas qu'Israël a "mérité" ce qui lui arrive, que cette attaque du Hamas est une juste punition. Non, un massacre de civils reste un crime odieux, et il n'y a pas lieu d'applaudir. Mais je pointe le fait que la montée du Hamas, la radicalisation d'une partie de la population palestinienne, le recours à la violence, tout cela n'est pas tombé du ciel. On ne peut pas humilier un peuple pendant des décennies et s'étonner ensuite qu'il réagisse violemment. On ne peut pas priver toute une jeunesse de perspectives et être surpris qu'elle se jette dans les bras de fanatiques qui lui offrent une cause à servir en même temps que l'opportunité d'une revanche.

 

Alors dans cette affaire, je l'avoue, malgré mon indécrottable islamophobie, malgré ma curiosité pour la culture juive, ma compassion va plutôt aux Palestiniens dont la situation en tant que peuple est désespérée. Et je dis bien aux Palestiniens, pas au Hamas. Gaza est écrasée sous les bombes. Les Israéliens ont entamé un siège dans les règles. La bande de Gaza est privée d'eau potable, d'électricité, de nourriture. Le Hamas a des armes, des vivres et se cache dans les souterrains. Ce sont les civils palestiniens qui vont payer un lourd tribut - et ils le paient déjà - à la vengeance israélienne. Et l'on peut d'ores et déjà prédire qu'au final, bien plus de Palestiniens perdront la vie que d'Israéliens. Je veux également crier mon indignation lorsque j'entends certains nous expliquer que l'armée israélienne va "libérer les Palestiniens de la domination du Hamas". Encore une fois, je ne me fais aucune illusion sur le Hamas: c'est un mouvement intolérant et violent, qui "tient" la population de Gaza d'une main de fer, et je ne doute pas que bien des Gazaouis maudissent en leur for intérieur leurs maîtres islamistes. Mais quelle hypocrisie, quelle hypocrisie de la part de ceux qui invoquent aujourd'hui la nécessité de libérer les pauvres Palestiniens du Hamas, alors même que, depuis 2007, lorsque le mouvement a pris le pouvoir dans l'enclave, et jusqu'à il y a une semaine, personne ne s'était préoccupé de l'oppression islamiste subie par les Gazaouis. C'est dingue, il a fallu que 1 300 Israéliens se fassent massacrer pour que l'on s'aperçoive des souffrances des Palestiniens... Mais de qui se moque-t-on? Je dois faire une confession terrible: je n'arrive pas à éprouver la moindre sympathie pour Israël. Comme je l'ai dit, c'est un pays qui voue un culte à la force, qui méprise ses ennemis... et qui ne respecte guère ses amis. J'ai quand même le souvenir de dirigeants israéliens, dont Benyamin Netanyahou, dénonçant en permanence l'antisémitisme dont seraient victimes les juifs français, pour inciter ces derniers à accomplir l'aliyah vers Israël. Je me souviens de quelques reportages montrant des juifs de France arrivés en Israël, et soulagés d'être "enfin en sécurité". Les circonstances tragiques me retiennent de laisser parler ma Schadenfreude, mais ces "compatriotes expatriés" mériteraient bien quelques observations cinglantes.

 

Au risque cependant de décevoir les antisionistes virulents, je ne remets pas en cause l'existence de l'Etat d'Israël. Je considère en effet que les dizaines de milliers de juifs qui ont dû quitter les pays arabes au moment de la création d'Israël n'ont nulle part où aller, et il est impensable que leurs pays d'origine acceptent de les reprendre. Dans ces conditions, il faut à mon sens accepter le principe d'un échange de populations entre Israël et les pays arabes, dont certains auraient les moyens d'intégrer une partie des Palestiniens. En revanche, je conteste la légitimité de l'assise territoriale d'Israël et, comme je l'avais écrit il y a plusieurs années, je plaide pour un retour au partage de 1947 prévu par l'ONU. Comme la Turquie, Israël s'est bâti sur des opérations de nettoyage ethnique, expulsant des populations présentes depuis des siècles, et pas seulement des musulmans (10 à 12% des Palestiniens étaient chrétiens au commencement du XX° siècle). Et puis, il convient tout de même de rappeler la profonde injustice que subissent les Palestiniens, et cela avant même l'avènement du nazisme: nous avons en réalité décidé de faire payer à ce peuple l'antisémitisme européen, à une époque où les communautés juives du monde musulman étaient moins maltraitées. Car c'est bien pour fuir les persécutions en Europe que les sionistes ont lancé ce projet de "foyer national juif" que les Britanniques et les Français ont approuvé durant la Première Guerre Mondiale. Voilà le péché originel. Mais Edouard Drumont n'était pas Palestinien, pas plus que Karl Lueger (maire de Vienne de 1897 à 1910) ou les auteurs des Protocoles des Sages de Sion. Seulement voilà, ce sont les Palestiniens qui ont été punis pour des crimes commis par d'autres. Et c'est pourquoi ce sentiment d'injustice ne peut pas s'éteindre si facilement, et risque d'alimenter la haine et la violence pour longtemps. Le Hamas sera peut-être vaincu et anéanti, mais un autre mouvement extrémiste prendra sa place, tôt ou tard.

 

Je suis également atterré par les réactions en France. Bernard-Henri Lévy est un imposteur, un philosophe d'opérette, un intellectuel faussaire. C'est un dandy de la politique internationale, et si ses initiatives n'avaient pas des conséquences calamiteuses bien réelles pour les peuples, elles prêteraient presque à sourire. Débiter des inepties, c'est son métier. Mais Alain Finkielkraut est un homme d'une toute autre envergure intellectuelle. Son émission Répliques sur France Culture a le mérite de poser les questions brûlantes concernant l'immigration, l'islam, l'identité, sur une station par ailleurs largement acquise à l'idéologie immigrationniste et écolo-diversitaire. Malheureusement, dès lors qu'il est question d'Israël, Finkielkraut perd la mesure et abdique tout discernement. Bien sûr, il y a une raison à cela: lorsqu'on a perdu une partie de sa famille dans les camps d'extermination (ses quatre grands-parents si j'ai bien compris), lorsqu'on est personnellement hanté par le souvenir de la Shoah, je peux comprendre qu'on estime nécessaire l'existence d'un havre de paix pour les juifs, au cas où. Le problème est qu'Israël n'a pas rempli son objectif: la "question juive" n'est pas réglée, elle a seulement changé de nature, et les juifs sont loin d'être en sécurité en Israël. BHL et Finkielkraut ont tout deux utilisé le mot "pogrom" pour décrire ce qui s'est produit le 7 octobre. Je pense que c'est une erreur: les pogroms ont eu lieu au XIX° et au début du XX° siècle dans des pays où les juifs étaient minoritaires, généralement discriminés, et où l'appareil étatique leur était hostile. Pardon, mais ce n'est pas le cas en Israël: les juifs y sont majoritaires, les Palestiniens, musulmans comme chrétiens, sont discriminés, même lorsqu'ils possèdent la nationalité israélienne, et la puissance militaire est exclusivement entre les mains des juifs. Par conséquent, l'attaque du Hamas n'est pas plus un pogrom que ne le sont les attentats du 11 septembre 2001 ou du Bataclan le 13 novembre 2015. L'émotion est certes compréhensible, mais il ne faut pas pour autant raconter n'importe quoi. 

  

Ensuite, citant une amie israélienne, Alain Finkielkraut affirme dans le même entretien que "le Hamas aurait pu faire de Gaza un petit Singapour". Pardon, mais j'ai du mal à croire que Finkielkraut croit vraiment ce qu'il dit. D'abord, et contrairement à ce qu'affirme BHL, Gaza est bel et bien soumis à un blocus depuis près de vingt ans, et ce blocus ne concerne pas uniquement le "matériel permettant de fabriquer des armes". Ensuite, il n'est pas inutile de rappeler que Singapour est, à l'échelle régionale, une puissance militaire, disposant, grâce à sa richesse, d'une importante force aérienne et d'une marine de guerre qui est loin d'être négligeable (une trentaine de navires et six sous-marins). Franchement, est-ce que Finkielkraut est naïf au point de penser que l'Etat d'Israël aurait laissé Gaza devenir un rival économique et militaire? Israël s'est arrangé pour contrôler les approvisionnements vitaux de la bande de Gaza (électricité, médicaments, nourriture, eau). Alors qu'on ne vienne pas nous raconter que le développement économique de Gaza ou de la Cisjordanie est une préoccupation des Israéliens. Je dois également dire que les reportages sur les jeunes "Franco-israéliens" qui se hâtent, dans un élan patriotique admirable paraît-il, de regagner Israël pour servir dans l'armée m'exaspèrent au plus haut point. Parce que je suis cohérent: pour moi, un Franco-algérien, un Franco-marocain, un Franco-malien ou un Franco-turc n'est pas un Français. Je rejette, et j'ai toujours rejeté catégoriquement le principe même de double nationalité. Les "Franco-quelque chose", pour moi, n'ont pas vocation à être comptés parmi les nationaux. Et cela s'applique également aux Franco-israéliens. Pourquoi devrais-je me réjouir qu'un prétendu compatriote aille servir sous les drapeaux d'une autre nation?

 

Mes lecteurs connaissent ma sympathie pour Eric Zemmour, un homme qui a le courage de porter sur la place publique le désarroi identitaire d'une frange de la population française dont je suis, et d'affronter la meute des bienpensants. Mais, dans cette affaire, comme pour Alain Finkielkraut, je suis en désaccord total avec Zemmour. Je précise d'ailleurs que cela ne change rien et que je ne vais pas pour autant cesser de les écouter, ni même de les estimer. Pour résumer, Zemmour défend l'idée que, dans le cadre d'un conflit de civilisations entre l'Islam et l'Occident, Israël serait l'avant-poste de notre civilisation occidentale contre l'ennemi arabo-musulman. Je rejette résolument cette vision des choses même si l'incompatibilité culturelle entre musulmans et Occidentaux est une réalité. Non, Israël n'est pas le représentant de notre civilisation à l'est de la Méditerranée. Je rappelle que la coalition qui gouverne actuellement l'Etat d'Israël comprend certains partis qu'on pourrait qualifier de "suprémacistes juifs", lesquels affichent un parfait mépris pour tout ce qui n'est pas juif. Je rappelle que, quelques jours avant l'offensive du Hamas, les autorités israéliennes ont laissé les juifs ultra-orthodoxes défiler à Jérusalem et cracher publiquement en direction des églises et des chrétiens. Et si certains officiels israéliens ont condamné, il s'est quand même trouvé un ministre, et pas n'importe lequel s'il vous plaît, le ministre de la Sécurité nationale (équivalent de l'intérieur chez nous) en personne, un certain Ben-Gvir, pour affirmer que cracher en direction des chrétiens, ce n'était pas si grave. Depuis des années, d'élections en élections, la société israélienne manifeste son soutien grandissant aux colons extrémistes, aux sionistes religieux, aux ultra-orthodoxes qui détestent autant les chrétiens que les musulmans. Et moi, nationaliste français de confession catholique, je suis censé considérer l'Etat d'Israël comme le valeureux défenseur de ma civilisation? Il ne faudrait pas pousser... 

 

Je terminerai mon propos en m'adressant aux Français de confession juive. Je ne suis pas antisémite pour des raisons que j'ai expliquées ailleurs. Et je veux vous dissuader d'émigrer en Israël. Rien de bon ne vous attend là-bas. N'écoutez pas les marchands de faux espoirs comme Benyamin Netanyahou. Comme je l'ai dit, Israël ne réglera aucun problème, Finkielkraut lui-même reconnaît que l'Etat hébreu n'a pas mis fin au "destin juif". Je ne dis pas que tout est rose en France, mais c'est pire là-bas. Et ce n'est pas qu'une question de sécurité. Je pense que l'Etat d'Israël est en train de priver la culture juive de ce qui a fait historiquement sa grandeur et son originalité, à savoir sa dimension diasporique. Israël essaie en vain de fabriquer un "peuple juif" qui n'existe pas, et de faire cohabiter des gens originaires de Russie ou de Moldavie avec d'autres venus du Yémen ou d'Egypte. C'est aussi absurde que de vouloir fabriquer un peuple français en mélangeant les natifs avec des Maghrébins, des Turcs, des Subsahariens. Les nations ne naissent pas sur des chaînes d'assemblage à partir de matériaux de bric et de broc. Il n'y a pas un peuple juif, mais des peuples juifs. Les Ashkénazes ne sont pas les Séfarades. En France, je le sais, les juifs n'ont pas toujours été heureux. Mais depuis la Révolution et Napoléon, j'ai la faiblesse de penser que beaucoup de juifs ont trouvé dans la France un pays digne d'être aimé. C'est en tout cas ce que tendent à prouver les témoignages d'un certain nombre de soldats d'origine juive durant la Grande Guerre. Je comprends et je partage l'inquiétude de nos compatriotes juifs face à l'islamisation rampante de notre pays et la poussée des islamo-gauchistes. Je rappelle que nous autres chrétiens sommes également dans le collimateur comme l'ont montré l'égorgement d'un prêtre en 2016 et l'attaque contre des fidèles de la basilique Notre-Dame de Nice en 2020. Mais la solution ne réside pas dans un soutien aveugle à Israël. C'est pourquoi je vous le demande: restez et aidez-nous à combattre l'islamisation ici plutôt que d'aller en Eretz Israël alimenter le ressentiment des Palestiniens et la spirale de violence.

      

[1] Rappelons qu'une fondation (appelée Kadem) pilotée par des proches du président Erdogan se livre à une propagande antifrançaise virulente au motif que notre pays interdit aux femmes de pratiquer le sport voilées. Comme le ridicule ne tue pas, le gendre d'Erdogan va jusqu'à affirmer que "tandis que l'humanité va vers l'espace, la France se dirige vers le Moyen Âge". De la part de gens soutenant un homme qui célèbre la bataille de Manzikert (1071) et qui réitère le geste de Mehmet II (1453) faisant de Sainte-Sophie une mosquée, cela ne manque pas de sel... 

 

[2] Du moins si j'en crois un spécialiste comme Rémi Brague qui a étudié la question. 

 

[3] Et je dis bien "les musulmans", et non "les islamistes". Parce qu'il faut en finir une bonne fois pour toutes avec le mythe des "musulmans modérés": ces derniers n'existent pas. Ou plutôt ils sont ultra-minoritaires, inaudibles et complètement coupés de la majorité de leurs coreligionnaires. Le nombre grandissant de femmes portant hijab et abaya, le prosélytisme actif, le strict respect des prescriptions coraniques ou même une simple discussion avec des adolescents de "culture musulmane", les indices fourmillent et prouvent qu'aujourd'hui beaucoup de musulmans ont cédé aux sirènes de l'islam rigoriste et de son corollaire, le communautarisme. La vision wahhabite de l'islam, jadis jugée hérétique par la plupart des sunnites, est devenue, par la magie des revenus pétroliers (et de l'alliance américaine durant la Guerre Froide...) le coeur de l'orthodoxie sunnite au XXI° siècle. Pour le dire autrement, ce qu'on appelait "islamisme" il y a trente ans est devenu l'islam. Non seulement cet islam rigoriste - qu'il soit d'ailleurs wahhabite ou frériste car des rivalités existent entre ces courants - n'est pas soluble dans la culture française, mais de surcroît, il porte une idéologie fondamentalement antinationale: ce n'est pas un hasard si l'islamisme a été l'instrument de lutte contre les nationalismes arabes...  

 

[4] Il n'est d'ailleurs pas inutile de rappeler que si le Hamas a piloté les opérations, d'autres factions palestiniennes se sont associées à l'offensive. Wikipédia indique ainsi que, outre le Jihad islamique palestinien, autre mouvement islamiste local, le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP, mouvement communiste fondé par un Arabe chrétien, Georges Habache) et le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine (FDLP, maoïste) auraient participé à l'opération militaire. Ces mouvements sont-ils des satellites du Hamas, sans véritable substance? Ou bien le Hamas tient-il une place hégémonique au sein d'une véritable coalition de mouvements palestiniens? Etrangement, les experts qui se succèdent sur les radios comme sur les plateaux de télévision n'abordent pas la question. Serait-ce plus pratique d'effacer la complexité de la situation en mettant en avant le seul Hamas, qui a l'avantage de faire un "méchant" plus que crédible?  

 

[5] Atlas des relations internationales, sous la direction de Pascal Boniface, Hatier/IRIS, p.97.



14/10/2023
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